Marchés & Financements

Côte d’Ivoire : AFG décroche 75 M€ de la BADEA pour muscler le financement des PME africaines

Atlantic Financial Group (AFG) consolide son statut de pilier du financement du développement en Afrique. Le groupe financier panafricain, né en Côte d’Ivoire, vient d’obtenir de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) une ligne de crédit de 75 millions d’euros, soit environ 49 milliards FCFA, destinée à renforcer ses capacités d’intervention en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) sur le continent.

L’accord a été signé le 9 décembre à Riyad, en Arabie saoudite, entre Sionlé Yeo, directeur général d’AFG Holding, et Abdullah Almusabeeh, président de la BADEA. Ce nouveau partenariat projette AFG un peu plus au cœur des stratégies d’inclusion financière et de soutien au secteur privé africain, dans un contexte où les PME sont au centre des discours, mais peinent encore à accéder à des financements adaptés.

Une ligne de crédit stratégique pour les PME africaines

La facilité accordée par la BADEA a une vocation clairement affichée : soutenir l’expansion des activités du secteur privé dans plusieurs domaines considérés comme prioritaires pour les économies africaines. Sont explicitement ciblés l’agriculture et la sécurité alimentaire, l’industrialisation et la transformation locale, les infrastructures, l’amélioration des services, la réduction de la pauvreté par la création d’emplois, ainsi que l’inclusion financière.

Ces axes recoupent précisément les priorités d’AFG. Le groupe a construit un modèle original combinant banque, assurance et microfinance, ce qui lui permet de toucher à la fois les grandes entreprises, les PME et les populations à revenus modestes. Son empreinte dans 15 pays d’Afrique de l’Ouest, centrale, orientale et de l’océan Indien lui donne un terrain d’application immédiat pour cette ligne de crédit, qui devrait irriguer plusieurs marchés simultanément.

Pour Sionlé Yeo, l’enjeu est autant quantitatif que qualitatif. « Ce financement est essentiel pour renforcer l’appui que nos filiales apportent aux PME locales dans tous les pays où nous opérons. Grâce à ce précieux soutien, AFG sera en mesure d’accompagner un plus grand nombre de PME et de stimuler une croissance économique accrue sur l’ensemble du continent », souligne-t-il.

Dans des économies où les PME représentent plus de 80 % des emplois, mais restent sous-financées, l’accès à des ressources de moyen et long terme à des conditions compétitives peut faire la différence entre une croissance bridée et un véritable changement d’échelle.

BADEA–AFG : un alignement de visions sur le secteur productif

Pour la BADEA, cette opération s’inscrit dans une stratégie claire : canaliser davantage de ressources vers les secteurs productifs africains en s’appuyant sur des intermédiaires financiers régionaux solides. En choisissant AFG comme partenaire, la banque arabe mise sur un groupe qui dispose déjà d’un réseau structuré et d’une expérience avérée dans le financement des entrepreneurs et des petites entreprises.

La BADEA trouve ainsi en AFG un relais capable de transformer une ligne de 75 millions d’euros en milliers de prêts, d’investissements et de solutions d’assurance au plus près du terrain. Le groupe ivoirien, de son côté, bénéficie d’un adossement à une institution de développement dotée d’une signature reconnue sur les marchés internationaux.

Cette combinaison d’une banque de développement multilatérale et d’un groupe financier panafricain privé illustre une tendance lourde du financement du développement : pour toucher effectivement les PME, les bailleurs doivent s’appuyer sur des acteurs ayant déjà une profondeur de réseau, une connaissance fine des risques locaux et des solutions adaptées au tissu entrepreneurial.

Un modèle intégré banque–assurance–microfinance au service des territoires

L’une des forces d’AFG réside dans son modèle intégré. Ses filiales bancaires adressent les entreprises et les particuliers bancarisés, ses institutions de microfinance ciblent les TPE, les commerçants, les agriculteurs et les acteurs informels, tandis que ses sociétés d’assurance apportent une couche de sécurisation des risques.

Cette architecture permet au groupe d’intervenir à chaque étape du cycle de vie de l’entreprise : financement de démarrage, crédit d’exploitation, investissements productifs, couverture des risques, accompagnement dans la montée en gamme.

La ligne de crédit de la BADEA devrait donc être déployée selon une logique multi-niveaux :
Renforcement des portefeuilles de crédits PME dans les banques du groupe,
Elargissement de l’offre de produits pour les petites structures, notamment dans l’agro-industrie, les Services et la transformation locale,
Articulation avec des produits d’assurance pour mieux sécuriser les prêts et rassurer les bailleurs.

AFG se positionne ainsi comme un canal d’irrigation des économies locales, capable de transformer des ressources globales en financements concrets pour les entrepreneurs sur le terrain.

Un contexte africain en quête de capitaux pour les PME

Ce partenariat intervient à un moment où l’Afrique cherche à mobiliser davantage de ressources en faveur des PME, considérées comme le véritable moteur de l’emploi mais confrontées à un déficit chronique d’accès au capital. Les contraintes sont bien connues : garanties insuffisantes, structures informelles, historiques bancaires incomplets, perception de risque élevée.

Les banques commerciales classiques hésitent à s’exposer fortement à ce segment, préférant souvent les grandes entreprises, le commerce extérieur ou les titres publics. D’où le rôle clé de groupes comme AFG, susceptibles de jouer le rôle d’intermédiaires spécialisés, capables de mutualiser les risques, de structurer des offres adaptées et de déployer des outils de scoring et de suivi plus fins.

La ligne de crédit de la BADEA vient donc répondre à un double besoin : augmenter les ressources disponibles pour les PME et passer par des acteurs capables de les transformer en financements effectifs plutôt qu’en simples annonces.

Un groupe ivoirien au cœur du financement du développement

Fondé il y a près de 40 ans par le magnat ivoirien Koné Dossongui, AFG est la branche financière d’Atlantic Group, conglomérat présent dans l’agriculture, l’agro-industrie, l’industrie, l’hôtellerie et les télécommunications.

Avec une présence affirmée dans une quinzaine de pays et une stratégie d’expansion toujours active, le groupe s’est progressivement imposé comme l’un des principaux catalyseurs privés du développement sur le continent. Son positionnement, à la croisée des intérêts nationaux et des dynamiques régionales, lui permet de jouer un rôle d’interface entre les bailleurs de fonds internationaux, les États et les acteurs économiques locaux.

En obtenant cette ligne de 75 millions d’euros, AFG confirme sa capacité à mobiliser des ressources concessionnelles ou semi-concessionnelles auprès d’institutions de développement pour les redéployer sous forme de crédits et de produits financiers adaptés aux réalités africaines.

De la signature à l’impact : la question de l’exécution

Reste la question centrale qui accompagne toute signature de ce type : comment mesurer, dans quelques années, l’impact réel de cette ligne de crédit sur les PME africaines ?

Les indicateurs clés seront connus : nombre de PME financées, montants distribués, secteurs ciblés, emplois créés ou consolidés, part des financements dirigée vers les femmes et les jeunes entrepreneurs, ou encore proportion des projets situés hors des grandes capitales.

AFG et la BADEA seront attendus sur leur capacité à orienter une part significative de ces ressources vers les chaînes de valeur productives, l’industrialisation et les secteurs porteurs, plutôt que de se limiter à un renforcement classique de portefeuilles bancaires peu transformants.

Si l’exécution est au rendez-vous, cette facilité de 75 millions d’euros pourrait devenir un cas d’école : celui d’un partenariat structuré entre une institution arabe de développement et un groupe financier africain intégré, au service d’une ambition partagée de croissance inclusive. À défaut, elle resterait un exemple de plus de capitaux annoncés mais insuffisamment canalisés vers les acteurs économiques qui en ont le plus besoin.

Patrick Tchounjo

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