Cameroun : REasy lève 1,8 million USD pour fluidifier le commerce transfrontalier des PME

La fintech camerounaise REasy vient d’achever une levée de fonds stratégique de 1,8 million de dollars destinée à transformer le commerce transfrontalier en Afrique. Cette jeune entreprise, fondée en 2023, ambitionne de lever les barrières financières et logistiques qui freinent les petites et moyennes entreprises du continent dans leurs échanges internationaux.
Cette levée, qualifiée de pré-seed, réunit un consortium d’investisseurs panafricains et internationaux dont Ingressive Capital, Launch Africa, 54 Collective, Digital Africa, Techmind Capital, ainsi que plusieurs business angels renommés comme Christophe Chausson, Marième Diop, Mathias Léopoldie et Joël Nana Kontchou. Leur participation témoigne d’une confiance croissante dans le potentiel des fintechs d’Afrique centrale à s’imposer comme des catalyseurs de la transformation économique du continent.
REasy se positionne sur un segment encore peu exploré : le commerce transfrontalier des PME. Dans une région comme la CEMAC, où les procédures douanières, les contraintes réglementaires et la rareté des instruments de paiement freinent la fluidité des échanges, la start-up propose une solution intégrée permettant aux entreprises d’importer, d’exporter et de payer leurs partenaires étrangers de manière rapide, sécurisée et conforme.
Sa plateforme numérique relie les systèmes de paiement locaux — comme le Mobile Money et les transferts bancaires régionaux — aux solutions internationales telles qu’Alipay, UnionPay ou Visa Business. Elle permet ainsi à un importateur camerounais d’effectuer un paiement vers un fournisseur asiatique en quelques heures, là où les circuits bancaires classiques exigent plusieurs jours.
L’innovation la plus marquante de REasy réside dans la création d’un mécanisme de change collaboratif avec la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC). Ce dispositif autorise désormais les importateurs de la zone CEMAC à exécuter des transactions commerciales inférieures à 10 000 USD dans un cadre réglementaire reconnu. En apportant un cadre formel à ces opérations, souvent traitées jusqu’ici sur des circuits informels ou via des devises étrangères, REasy contribue à la traçabilité et à la transparence financière tout en soutenant la politique de conformité régionale.
Selon Edmond Zengue, cofondateur et directeur général de REasy, cette levée marque le début d’une phase d’expansion stratégique. Les fonds serviront à renforcer l’infrastructure technologique de la plateforme, à élargir l’équipe d’ingénieurs et à accélérer le déploiement vers d’autres corridors commerciaux, notamment entre la CEMAC, la Chine et le Nigeria, avant une ouverture progressive vers l’Europe et le Moyen-Orient. L’entreprise ambitionne d’atteindre plus d’un million de PME importatrices d’ici 2030, en devenant la première infrastructure panafricaine de trade finance digitalisé dédiée aux petites entreprises.
Le modèle économique de REasy repose sur la réduction des coûts de transaction, la simplification des procédures et la fiabilité du règlement. En combinant conformité réglementaire, rapidité d’exécution et outils de gestion de change, la fintech entend redéfinir les standards du commerce transfrontalier africain. Dans une région où plus de 80 % des PME importatrices opèrent encore en dehors du système bancaire, la digitalisation des paiements représente une avancée majeure pour la formalisation économique.
La levée de fonds de REasy intervient dans un contexte favorable à la montée en puissance des fintechs africaines. En 2025, le financement du secteur a progressé de plus de 40 % en Afrique francophone, porté par des start-up qui innovent dans les services financiers, le paiement numérique et la logistique. Toutefois, le commerce international demeure l’un des segments les plus complexes, souvent laissé aux grands acteurs bancaires. En s’attaquant à ce créneau, REasy ouvre une nouvelle voie vers une intégration économique régionale plus inclusive.
Les analystes estiment que la réussite de REasy pourrait influencer les politiques financières de la CEMAC, encore marquées par des restrictions sur les transferts internationaux et une faible interconnexion bancaire. En facilitant les paiements entre les pays membres et avec l’extérieur, la fintech participe indirectement à la modernisation du marché des changes et à la consolidation du commerce intra-africain.
Pour les PME, les bénéfices sont immédiats : réduction des coûts, amélioration de la trésorerie, sécurité des flux et gain de compétitivité. Les entreprises locales peuvent désormais accéder à des fournisseurs internationaux avec moins de contraintes, ce qui encourage la diversification des importations et la montée en gamme des productions locales.
Au-delà de la technologie, REasy ambitionne d’agir comme un accélérateur d’intégration régionale. En reliant la finance, la logistique et la conformité réglementaire dans une seule interface, elle offre un outil clé pour dynamiser le commerce africain, renforcer la souveraineté monétaire et donner aux PME la place qu’elles méritent dans la mondialisation.
L’Afrique centrale, longtemps en retrait du boom fintech observé en Afrique de l’Ouest, semble enfin trouver son champion. Si REasy parvient à maintenir son élan et à gagner la confiance des régulateurs et des banques partenaires, la start-up camerounaise pourrait devenir l’un des acteurs majeurs du commerce numérique africain dans les années à venir.
Patrick Tchounjo



