Cemac : la Cosumaf fait des Olympiades d’éducation financière un laboratoire de la future génération d’investisseurs

La Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (Cosumaf) accélère sa stratégie de conquête des esprits. Pour la deuxième année consécutive, le régulateur organise les Olympiades du marché financier, un forum d’éducation financière désormais ouvert à l’ensemble des universités et écoles professionnelles des six pays de la Cemac.
Ce déploiement régional marque un changement d’échelle pour un événement lancé en 2024, initialement perçu comme une initiative pédagogique, mais qui prend, au fil des éditions, les contours d’un véritable outil de transformation culturelle dans un espace où la Bourse reste largement méconnue du grand public.
Ancrer la culture boursière dans les campus de la Cemac
En étendant les Olympiades à toute la communauté Cemac, la Cosumaf vise un objectif clair : rapprocher le monde académique des mécanismes du marché financier. Les étudiants, futurs cadres de banques, d’entreprises, d’administrations ou de cabinets de conseil, sont invités à se familiariser avec le fonctionnement de la Bourse régionale, les règles de transparence, les instruments d’investissement et les techniques de gestion des risques.
Dans des économies où le financement des entreprises demeure très largement capté par le crédit bancaire classique, la faible culture boursière constitue un frein structurel à la diversification des sources de capitaux. En s’adressant directement aux campus, le régulateur espère créer un effet générationnel : former aujourd’hui des étudiants capables, demain, de structurer des opérations de marché, de conseiller des émetteurs ou de devenir eux-mêmes des investisseurs avertis.
Un pilier du plan stratégique 2024–2028 de la Cosumaf
L’initiative n’est pas anecdotique. Elle est inscrite au cœur du plan stratégique 2024–2028 de la Cosumaf et s’aligne sur le Principe 3 de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), qui encourage les régulateurs à s’impliquer activement dans l’éducation des investisseurs.
Dans un marché financier d’Afrique centrale encore peu profond, dominé par quelques émissions souveraines et un nombre limité de sociétés cotées, l’enjeu est autant quantitatif que qualitatif. En diffusant les fondamentaux de la culture financière dans les six États de la Cemac, la Cosumaf tente de faire émerger, à horizon dix ou quinze ans, une base élargie d’épargnants, de cadres financiers et de décideurs publics capables de comprendre et d’utiliser les outils de marché.
L’ambition est claire : réduire la dépendance exclusive au canal bancaire, renforcer le rôle du marché financier dans le financement des entreprises et des infrastructures, et, à terme, améliorer la résilience de l’architecture financière régionale.
Un dispositif pédagogique résolument tourné vers la pratique
Les Olympiades ne se limitent pas à des concours théoriques ou à des quizz académiques. À l’issue de la première édition, les lauréats ont bénéficié de programmes d’immersion au sein de la Cosumaf, de sociétés de bourse et de sociétés de gestion de portefeuilles. Une manière de confronter les savoirs acquis en amphithéâtre aux réalités de la salle de marché, de la structuration de produits ou de l’analyse réglementaire.
Ces immersions ont servi de test grandeur nature pour le régulateur. Elles ont montré l’intérêt d’un dispositif où les étudiants sont exposés aux enjeux concrets de la régulation, de l’intermédiation financière et de la gestion d’actifs, plutôt qu’à une simple sensibilisation théorique. Les retours d’expérience ont conforté la Cosumaf dans son choix d’un modèle pédagogique par la pratique, qui valorise le contact direct avec les institutions de marché.
Vers un écosystème financier plus inclusif en Afrique centrale
En étendant les Olympiades à l’ensemble de la Cemac, la Cosumaf envoie un message aux États, aux banques et aux investisseurs institutionnels : l’essor du marché financier ne se décrète pas seulement par des réformes de textes ou des opérations de privatisations, il se construit aussi par l’investissement dans le capital humain.
Si l’initiative parvient à s’inscrire dans la durée, elle pourrait devenir un point d’entrée pour de nouvelles collaborations entre régulateur, établissements d’enseignement supérieur, banques et sociétés de bourse, autour de modules de formation communs, de laboratoires de marchés simulés ou de programmes de certification.
Reste une question centrale : cette offensive sur le terrain de l’éducation financière suffira-t-elle à faire émerger un marché plus profond, plus liquide et plus intégré au financement des économies de la Cemac, ou faudra-t-il parallèlement des ruptures plus fortes sur la gouvernance, la fiscalité de l’épargne et la stratégie de cotation des entreprises publiques ?
Patrick Tchounjo



