Marchés & Financements

Afreximbank cartonne à Tokyo : 527 millions $ levés en yen pour financer l’Afrique

Afreximbank vient de frapper un grand coup sur le marché japonais. Le 28 novembre 2025 à Tokyo, la banque panafricaine de financement du commerce a annoncé avoir levé 527 millions de dollars lors de sa deuxième émission d’obligations samouraï, confirmant que sa signature séduit de plus en plus les investisseurs nippons.

L’opération, d’un montant total de 81,8 milliards de yens, dépasse largement la première émission réalisée en 2024. Elle a attiré plus d’une centaine d’investisseurs, institutionnels et particuliers confondus, preuve que le « risque Afrique » peut trouver preneur quand il est porté par un émetteur crédible, bien noté et lisible dans sa stratégie.

Un marché régulier dopé par l’appétit pour les maturités courtes

Le cœur de la transaction repose sur une tranche de 45,8 milliards de yens, soit environ 295 millions de dollars, émise sur le marché régulier avec une maturité de trois ans. Cette structure courte colle parfaitement à l’humeur du moment au Japon, où les investisseurs scrutent de près les signaux de hausse progressive des taux d’intérêt après des années de politique ultra-accommodante.

Dans ce contexte, les maturités longues inspirent moins confiance. La demande s’est donc logiquement concentrée sur des échéances plus courtes, offrant une visibilité accrue sur le risque de taux. Afreximbank s’y est parfaitement adaptée, en proposant un profil qui combine rendement attractif, signature solide et horizon de placement raisonnable.

Cette tranche a bénéficié d’un marketing intensif, alimenté par une série de rencontres avec des investisseurs organisées en marge de la TICAD9, à travers plusieurs grandes villes japonaises. Résultat : un carnet d’ordres suffisamment large pour sécuriser la transaction dans de bonnes conditions de prix.

Une émission de détail qui explose les compteurs

Mais la vraie surprise vient de la partie détail de l’opération. Afreximbank a placé une obligation samouraï de 36 milliards de yens, soit près de 232 millions de dollars, destinée au grand public japonais.

Cette émission est plus de deux fois supérieure à celle de 2024 et constitue la première obligation de détail de ce type émise au Japon en 2025. Pour un émetteur panafricain, se frayer un chemin jusque dans les portefeuilles des particuliers japonais n’a rien d’anodin. Cela suppose un travail pédagogique, une présence médiatique, et un relais puissant dans les réseaux de distribution locaux.

La banque a capitalisé sur la visibilité offerte par la TICAD9 et sur le maillage national de SMBC Nikko, chargé de la distribution. Résultat : un produit exotique pour le public japonais, mais porté par une institution qui parle un langage universel aux investisseurs : celui du couple rendement/risque maîtrisé et d’un storytelling clair sur le financement du développement africain.

La signature Afreximbank s’installe durablement sur le marché japonais

Pour Afreximbank, le message est limpide : ce deuxième succès consécutif sur le marché des obligations en yen valide sa stratégie de diversification des sources de financement et renforce sa crédibilité auprès des investisseurs asiatiques.

Selon Chandi Mwenebungu, directrice générale de la Trésorerie et des Marchés, l’intérêt des investisseurs traduit la confiance dans le crédit d’Afreximbank et dans son rôle de pivot dans le financement du commerce, des infrastructures et de la transformation économique du continent africain.

Dans un environnement où les marges des bailleurs de développement sont sous pression et où les besoins africains explosent – dette à refinancer, projets d’infrastructures, transition énergétique, industrialisation – chaque accès réussi à de nouveaux poches de capitaux compte. Le marché samouraï devient, pour la banque, un axe stratégique, au même titre que les émissions en dollars ou en euros sur les marchés internationaux.

Plus qu’une opération, un signal pour l’Afrique

Avec cette levée de 527 millions de dollars, Afreximbank ne se contente pas d’engranger des ressources supplémentaires. Elle envoie un signal au reste de l’écosystème africain : il est possible, avec une gouvernance solide, une notation crédible et un pipeline de projets clair, de séduire des investisseurs très exigeants, y compris sur un marché aussi compétitif que le Japon.

À terme, cette présence récurrente en yen peut contribuer à :
réduire le coût moyen de financement de la banque, allonger la maturité de ses ressources, et diversifier sa base d’investisseurs, en limitant sa dépendance vis-à-vis des seules places occidentales.
Reste la vraie question, celle que beaucoup d’observateurs africains se posent : dans quelle mesure ces centaines de millions levés à Tokyo se traduiront-ils, concrètement, par des lignes de crédit plus accessibles, des financements plus rapides et des projets visibles sur le terrain, des ports aux zones industrielles, en passant par les banques locales et les PME ?

Sur ce point, c’est le déploiement des ressources – plus encore que le succès technique de l’émission – qui dira si les obligations samouraï d’Afreximbank sont un simple coup d’éclat sur les marchés ou un vrai levier de transformation pour les économies africaines.

Patrick Tchounjo

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page