Mali : Bamako valide 33 milliards FCFA sur le marché UMOA et rassure les investisseurs

Le Mali confirme son retour en grâce sur le marché régional de la dette. Le 10 décembre, Bamako a mobilisé 32,99 milliards FCFA sur le marché des titres publics de l’UMOA, dépassant l’objectif initial de 30 milliards FCFA. À travers une émission simultanée de Bons et d’Obligations Assimilables du Trésor (BAT/OAT), le Trésor malien teste et valide l’appétit renouvelé des investisseurs pour sa signature souveraine.
Au-delà des montants, cette opération s’inscrit dans une séquence où le pays cherche à concilier financement de ses besoins budgétaires, maîtrise du coût de la dette et repositionnement sur un marché régional plus exigeant.
Une opération sursouscrite, gage de crédibilité retrouvée
L’émission a suscité un réel engouement. Les soumissions ont atteint 42,7 milliards FCFA, soit un taux de couverture de 142,34 % du montant recherché. Dans un environnement marqué par la remontée des taux et la sélectivité accrue des investisseurs, ce niveau de demande envoie un signal clair : les acteurs de la région sont disposés à remettre de la liquidité sur les titres maliens.
Pour autant, le Trésor n’a pas cédé à la tentation de tout accepter. Seuls 32,99 milliards FCFA ont été retenus, soit 77,28 % des montants proposés. Ce choix témoigne d’une stratégie assumée de gestion active du coût de la dette, dans un contexte où la courbe des taux est sous tension sur plusieurs segments en UMOA. En refusant une partie des offres, Bamako privilégie les conditions de prix jugées soutenables à moyen terme.
BAT 364 jours : le signal fort des maturités courtes
Dans le détail, c’est le Bon du Trésor à 364 jours qui a concentré l’essentiel de l’intérêt. Il a attiré 22,39 milliards FCFA de soumissions, avec un rendement moyen pondéré (RMP) de 7,59 %.
Cette préférence pour le court terme reflète la perception actuelle du risque en zone UMOA : les investisseurs, tout en revenant vers le Mali, privilégient les maturités jugées plus sécurisantes dans un environnement macroéconomique et géopolitique encore contraint. Le BAT à un an permet un engagement limité dans le temps, tout en offrant un rendement attractif à un chiffre.
Pour le Trésor malien, ce succès sur le segment 364 jours confirme que le marché est disposé à accompagner la gestion de la trésorerie de l’État, à condition que le prix du risque soit correctement rémunéré.
OAT 3 ans à 9,15 % : prudence sur le moyen terme
Sur la partie obligataire, Bamako a fait le choix de la sélectivité. L’État a retenu exclusivement l’OAT 3 ans, levant 10,6 milliards FCFA avec un RMP de 9,15 %. L’OAT 5 ans, pourtant proposée, n’a pas été retenue.
Ce choix en dit long sur la stratégie malienne. En renonçant à la maturité 5 ans, le Trésor évite d’allonger exagérément la durée moyenne de sa dette à un coût jugé trop élevé dans la conjoncture actuelle. Le 3 ans apparaît comme un compromis : suffisamment long pour lisser les profils d’échéance, mais assez court pour limiter l’exposition aux incertitudes de moyen terme.
Cette gestion fine de la courbe des taux montre que Bamako cherche à reconstruire progressivement sa crédibilité, en privilégiant les segments où la demande est solide et les conditions de financement restent jugées acceptables.
Une demande régionale diversifiée, reflet de l’interconnexion UMOA
Autre enseignement de l’opération : la forte dimension régionale de la demande. Les propositions retenues proviennent de six États membres de l’Union, signe d’un marché réellement intégré autour de la signature malienne.
Le détail des origines de la demande illustre cette interconnexion financière : 16,6 milliards FCFA proviennent du Mali, 12 milliards FCFA du Sénégal, 4,08 milliards FCFA de la Côte d’Ivoire, 1,62 milliard FCFA du Bénin, 1 milliard FCFA du Burkina Faso et 0,21 milliard FCFA de la Guinée-Bissau.
Loin de se limiter à ses propres institutions, Bamako attire donc l’épargne et les excédents de liquidité d’autres Trésors, banques et investisseurs de la région. Ce mécanisme de recyclage intra-UMOA est au cœur du modèle de financement régional : les États les mieux lotis en liquidité ou disposant de marges de manœuvre peuvent placer sur les titres de leurs voisins, tout en bénéficiant d’un rendement souvent supérieur aux placements de très court terme.
Un test réussi, mais une équation toujours exigeante
Avec cette émission, le Mali démontre une nouvelle fois sa capacité à lever des fonds sur le marché régional dans des conditions compétitives.
Pour autant, l’équation de la dette publique reste exigeante. La remontée des rendements, à 7,59 % sur un an et 9,15 % sur trois ans, renchérit le coût de financement, dans un contexte où les besoins de trésorerie demeurent importants : financement du budget, infrastructures, dépenses sociales, sécurité.
La clé des prochains mois résidera dans plusieurs paramètres : la capacité de Bamako à maintenir la confiance des investisseurs, la gestion serrée de son calendrier d’échéances, et les résultats des politiques économiques mises en œuvre pour soutenir la croissance et stabiliser les comptes publics.
Pour l’heure, le message envoyé par cette adjudication est clair : le marché UMOA-Titres a rouvert ses portes au Mali, et la signature souveraine parvient de nouveau à attirer des montants significatifs, à condition de proposer des rendements en phase avec les attentes d’un marché régional devenu plus exigeant et plus sélectif.
Patrick Tchounjo



