Abidjan, nouveau pivot : la BIDC ouvre son premier bureau régional au cœur de la CEDEAO

La Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) change d’échelle. En inaugurant, le 1ᵉʳ décembre 2025, son premier bureau régional à Abidjan, l’institution de Lomé envoie un signal clair : la stratégie de financement du développement ouest-africain passe désormais par une présence plus proche des États, des marchés et des acteurs privés.
La cérémonie officielle, organisée à l’Hôtel Pullman d’Abidjan avant la coupure du ruban à l’immeuble Sama au Plateau, n’était pas qu’un simple rituel protocolaire. Elle consacre la montée en puissance d’Abidjan comme plateforme financière et diplomatique de la CEDEAO, mais aussi l’ambition de la BIDC de devenir un acteur plus visible, plus accessible et plus opérationnel dans la zone BCEAO.
Abidjan, vitrine économique et choix politique
L’ouverture de ce bureau est l’aboutissement d’un accord formel entre la BIDC et le gouvernement ivoirien. Pour Nialé Kaba, ministre de l’Économie, du Plan et du Développement, par ailleurs gouverneure de la BIDC pour la Côte d’Ivoire, la portée de cette implantation dépasse le cadre technique d’une représentation régionale.
Elle y voit un double symbole : la reconnaissance du rôle de la Côte d’Ivoire comme hub économique de la CEDEAO, et l’affirmation renouvelée de la volonté politique d’approfondir l’intégration régionale, au-delà des discours.
« Ce bureau confirme la vocation de notre pays à servir de plateforme de coopération et d’innovation, au service des projets transfrontaliers et d’initiatives publiques et privées porteuses de transformation », a-t-elle souligné, rappelant l’engagement de l’exécutif ivoirien à soutenir les activités de la BIDC sur son territoire.
Le choix d’Abidjan n’est pas neutre. Dans un espace CEDEAO en quête de financements massifs pour ses infrastructures, son industrialisation, sa transition énergétique et sa résilience climatique, la capitale économique ivoirienne s’impose comme un point de convergence des banques, des investisseurs, des institutions régionales et des grands groupes panafricains.
Un bras opérationnel pour une BIDC en mutation
Pour Dr Georges Agyekum Donkor, président de la BIDC et de son Conseil d’administration, ce bureau régional doit être perçu comme un pont entre l’expertise financière de la banque, les ressources mobilisables sur les marchés et les ambitions de développement des pays membres.
Le message est clair : il s’agit de passer d’une logique de financeur lointain à celle d’un partenaire de proximité, capable de suivre les projets, de structurer des opérations complexes et d’animer un deal flow permanent avec les acteurs publics et privés de la région.
En installant une représentation à Abidjan, la BIDC cherche à gagner en réactivité et en visibilité auprès des États de la zone BCEAO, des banques locales, des fonds d’investissement, mais aussi des promoteurs de projets, souvent à la recherche d’interlocuteurs capables de les accompagner dès la phase de conception.
Le bureau régional se positionne ainsi comme un guichet avancé pour la préparation, la structuration et le suivi des opérations financées par la BIDC dans l’espace UEMOA, en complément du siège de Lomé.
Vision CEDEAO 2050 : ancrer l’intégration dans les territoires
Pour Cassiel Ato Baah Forson, président du Conseil des gouverneurs de la BIDC et ministre des Finances du Ghana, cette ouverture s’inscrit dans la continuité des meilleures pratiques internationales des banques de développement, qui décentralisent progressivement leurs opérations pour mieux coller aux réalités locales.
En établissant ce bureau à Abidjan, la BIDC affiche sa volonté de bâtir des partenariats plus solides et d’améliorer l’efficacité de ses interventions à l’échelle régionale. Ce choix stratégique est présenté comme une déclinaison concrète de la Vision CEDEAO 2050, qui ambitionne de faire de l’Afrique de l’Ouest un espace pleinement interconnecté, sécurisé et prospère.
Le bureau d’Abidjan doit ainsi devenir un outil d’accélération des projets transfrontaliers, qu’il s’agisse d’infrastructures de transport, de corridors logistiques, d’énergie régionale, de zones économiques intégrées ou de programmes de financement du secteur privé à cheval sur plusieurs pays.
Un signal au secteur privé et aux marchés financiers
La présence à Abidjan envoie aussi un message au secteur privé ouest-africain et aux marchés financiers régionaux. En s’implantant dans l’un des écosystèmes financiers les plus dynamiques du continent francophone, la BIDC se rapproche des bourses, des banques d’affaires, des sociétés de gestion et des fonds qui cherchent des cofinancements et des garanties pour structurer des projets de grande taille.
L’institution se positionne comme un pivot de la structuration financière régionale, capable de catalyser des capitaux publics et privés, locaux et internationaux, autour d’opérations alignées avec les priorités de développement des États.
Cette stratégie est clé à l’heure où les budgets publics sont contraints, la dette en hausse et les besoins d’investissement historiques. La BIDC entend devenir l’un des canaux privilégiés pour transformer la surenchère d’engagements internationaux en financements concrets pour l’économie réelle ouest-africaine.
Un dispositif politique et institutionnel assumé
La forte dimension politique de l’événement ne doit pas être minimisée. Autour de Nialé Kaba et de Dr Donkor, la cérémonie a réuni Adama Coulibaly, ministre ivoirien des Finances et du Budget, ainsi que des hauts cadres de l’administration, des représentants du corps diplomatique et des acteurs du secteur financier régional.
Cette configuration confirme que le bureau régional de la BIDC à Abidjan n’est pas une simple antenne administrative, mais un outil au cœur de la stratégie d’influence et de rayonnement de la Côte d’Ivoire comme de la CEDEAO.
Pour le gouvernement ivoirien, il s’agit de renforcer son statut de plateforme de services financiers régionaux. Pour la BIDC, l’enjeu est de démontrer que la proximité géographique et institutionnelle avec ses pays membres se traduit par plus de projets structurés, plus de décaissements et plus d’impact mesurable sur le terrain.
Reste désormais à transformer cette inauguration symbolique en mécanique opérationnelle : pipelines de projets plus fournis, délais de traitement raccourcis, ingénierie financière renforcée. C’est à cette aune que sera jugé, dans les prochaines années, le pari d’un premier bureau régional de la BIDC à Abidjan.
Patrick Tchounjo



