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Afreximbank enchaîne trois financements de 96 milliards FCFA pour électrifier 200 localités camerounaises au solaire

Au Cameroun, la transition énergétique se joue aussi loin des grands barrages. Le 3 décembre 2025, le président Paul Biya a signé un décret habilitant le ministre de l’Économie, Alamine Ousmane May, à contracter un nouvel emprunt de 36,4 milliards de FCFA auprès d’Afreximbank. Ce nouveau financement est présenté comme un appui complémentaire au projet d’électrification par système solaire photovoltaïque de 200 localités, déployé dans plusieurs zones rurales du pays.

Il s’agit déjà du troisième crédit accordé par la banque panafricaine sur le même projet en l’espace de trois ans. En mars 2023, un premier prêt de 35 milliards de FCFA avait été contracté, suivi en novembre 2024 d’une enveloppe de 24,8 milliards de FCFA. Au total, plus de 96 milliards de FCFA auront ainsi été mobilisés pour ce programme, confirmant la place d’Afreximbank comme partenaire financier de premier plan du Cameroun dans le domaine de l’énergie.

L’enjeu est clair : faire progresser un taux d’électrification rurale encore estimé à seulement 20% par l’Agence d’électrification rurale. Les fonds alloués doivent permettre d’équiper 200 localités en solutions solaires photovoltaïques et de desservir officiellement environ 13 000 ménages. Au-delà des chiffres, les autorités mettent en avant des impacts attendus sur les conditions de vie, la productivité locale, l’éducation, la santé et les activités de petits entrepreneurs dans ces zones aujourd’hui mal desservies par le réseau conventionnel.

La relation entre Yaoundé et Afreximbank ne se limite toutefois pas à ce projet solaire. Sous la direction du Camerounais George Elombi depuis juin 2025, l’institution a multiplié les interventions au profit de l’État camerounais, en diversifiant les instruments financiers mobilisés. La Caisse autonome d’amortissement rappelle ainsi qu’Afreximbank a fourni en 2025 une garantie qui a permis au Trésor de lever 159 milliards de FCFA auprès des banques locales. Cette garantie a réduit la perception du risque et facilité la mobilisation de ressources supplémentaires sur un marché domestique déjà fortement sollicité par les besoins de financement publics.

Le 30 juin 2025, la banque a également accompagné le Cameroun dans une opération inédite sur le marché sous-régional des titres publics piloté par la BEAC. À travers un swap entre l’euro et le franc CFA, Afreximbank a converti des ressources en devises auprès de la banque centrale de la Cemac pour souscrire à une émission obligataire camerounaise de 200 milliards de FCFA, rémunérée entre 6,5% et 7,5%. Cette opération a fait de l’institution panafricaine la première entité financière étrangère à intervenir directement sur le marché des titres publics de la Cemac, jusqu’ici dominé par des acteurs locaux proches de la saturation.

En parallèle, Afreximbank commence à prendre pied dans des projets structurants du secteur privé camerounais. L’institution a financé, à hauteur de près de 2 milliards de FCFA, les études de maturation du projet d’usine de production de bitume à Kribi, porté par la société All Bitumen PLC. Le coût total de cette unité industrielle est estimé à 161 milliards de FCFA et doit contribuer à sécuriser localement un intrant clé pour les chantiers routiers du pays. Depuis fin 2024, Afreximbank est mandatée comme arrangeur de ce projet, avec la mission de participer au financement et de fédérer d’autres partenaires financiers autour de cette infrastructure jugée stratégique pour la politique d’aménagement du territoire.

À travers cet ensemble d’opérations, la banque panafricaine se positionne progressivement comme un nœud central de l’architecture financière camerounaise. Elle intervient sur plusieurs fronts : appui direct à la transition énergétique via le solaire rural, soutien à la trésorerie de l’État à travers des garanties et des montages de marché, accompagnement de projets industriels privés susceptibles de réduire la dépendance aux importations.

Reste une interrogation de fond, qui dépasse le seul cas du Cameroun : ces financements additionnels, qu’ils soient souverains ou liés à des projets, se traduiront-ils par une accélération tangible de l’électrification rurale, une amélioration de la qualité des infrastructures et un renforcement durable du secteur productif, ou viendront-ils surtout alourdir la dette publique sans rendement économique suffisant ? La réponse dépendra autant de la capacité de l’État à exécuter correctement les projets que de la discipline avec laquelle Afreximbank continuera de calibrer ses interventions en fonction de leur impact réel sur l’économie camerounaise.

Patrick Tchounjo

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