Marchés & Financements

Cameroun : la BAD lâche 25 M€ pour propulser CCA-Bank au cœur du commerce des PME

À Abidjan, le 1er décembre 2025, le Conseil d’administration du Groupe de la Banque africaine de développement a donné son feu vert à une opération qui pourrait changer de catégorie CCA-Bank sur le marché camerounais. L’institution panafricaine a approuvé une facilité de financement du commerce de 25 millions d’euros au profit du Crédit communautaire d’Afrique-Bank, avec une cible claire : soutenir les petites et moyennes entreprises et les entreprises locales engagées dans le commerce international et la chaîne d’approvisionnement.

Dans un contexte marqué par des tensions de liquidité, des contraintes de change et un accès difficile aux garanties pour les banques locales, cette enveloppe place CCA-Bank dans une position stratégique. La banque pourra non seulement renforcer son offre de produits de trade finance, mais aussi améliorer sa crédibilité vis-à-vis des banques internationales appelées à confirmer ses opérations.

Une ligne pour importer machines, intrants et télécoms

Pour la Banque africaine de développement, la finalité est loin d’être abstraite. Comme l’explique Lamin Drammeh, responsable de la division du financement du commerce, la facilité est conçue pour soutenir directement l’économie réelle camerounaise. Elle permettra de sécuriser et de fluidifier les importations d’équipements destinés à des secteurs jugés prioritaires : industrie, agro-industrie, télécommunications.

Concrètement, la BAD pourra fournir jusqu’à 100 % de garantie aux banques confirmatrices étrangères sur les lettres de crédit, engagements et autres instruments de financement du commerce émis par CCA-Bank. Résultat attendu : des opérations plus facilement confirmées, des délais réduits, une meilleure acceptation du risque Cameroun et une capacité accrue pour les PME à importer machines, intrants industriels, équipements agricoles ou solutions télécoms sans subir un refus systématique des banques correspondantes.

Dans un pays où la balance des paiements est sous pression et où les entreprises locales peinent souvent à obtenir des lignes de trade finance, ce type de structure agit comme un amplificateur de capacité pour une banque de taille moyenne qui veut jouer dans la cour des grands.

PMEs, femmes, jeunes : la cible stratégique de CCA-Bank

Pour la direction de la Banque africaine de développement, l’opération s’inscrit dans une trajectoire assumée de montée en puissance sur le secteur privé camerounais. Léandre Bassolé, directeur général pour la région Afrique centrale, insiste sur cette logique. Selon lui, cette facilité va renforcer la capacité de CCA-Bank à financer les activités des petites et moyennes entreprises, en incluant notamment les entreprises dirigées par des femmes et des jeunes.

Dans l’écosystème camerounais, les PME restent le pilier du tissu productif, mais aussi le segment le plus fragile en termes d’accès au crédit. Entre garanties insuffisantes, historique bancaire limité et perception de risque élevé, elles se heurtent à des barrières récurrentes dès qu’il s’agit de financer des importations d’équipements ou des opérations commerciales structurantes. En positionnant CCA-Bank comme relais local d’un mécanisme adossé à la BAD, l’opération vise à faire sauter une partie de ces verrous.

L’objectif est clair : soutenir le secteur productif, encourager la création d’emplois et consolider les activités existantes en leur donnant accès à des instruments de financement du commerce habituellement réservés aux grandes entreprises.

CCA-Bank change de dimension dans son partenariat avec la BAD

Pour CCA-Bank, l’accord a aussi une portée symbolique. Il marque une première entrée en relation directe avec le Groupe de la Banque africaine de développement. La directrice générale, Marguerite Fonkwen Atanga, ne cache pas l’importance de ce pas franchi. Elle parle d’une « étape majeure » pour l’institution et d’un partenariat stratégique qui renforce sa capacité à accompagner les PME, les femmes entrepreneures et les jeunes entreprises, non seulement au Cameroun mais potentiellement dans le reste de l’Afrique.

CCA-Bank, longtemps perçue comme un acteur orienté retail et PME, accède ainsi à un rang supérieur dans le paysage bancaire national. En s’adossant à une garantie de la BAD, la banque améliore sa crédibilité auprès des contreparties internationales, ce qui peut se traduire par une meilleure perception de son risque et par des conditions plus favorables pour ses clients importateurs et exportateurs.

La Garantie de transaction, levier discret mais puissant de la BAD

Au cœur de l’opération se trouve un instrument technique mais central dans la boîte à outils de la BAD : la Garantie de transaction. Lancée en 2021, cette garantie fait partie des dispositifs de financement du commerce de la Banque, conçus pour soutenir les banques commerciales africaines dans leurs opérations internationales.

Elle couvre une gamme d’instruments de trade finance qui vont bien au-delà des simples lettres de crédit. Il s’agit aussi de prêts commerciaux de court terme, d’engagements de remboursement irrévocables, de traites avalisées, de billets à ordre et d’autres produits documentaires. L’idée est de permettre aux banques africaines, une fois qu’elles ont passé le filtre de la diligence raisonnable de la BAD, d’augmenter leurs volumes d’opérations commerciales sans exploser leurs limites de risque.

Dans le cas de CCA-Bank, cette garantie sert de filet de sécurité pour les banques confirmatrices, qui savent qu’une partie ou la totalité du risque est portée par une institution multilatérale de premier rang. Pour l’économie camerounaise, cela signifie plus de fluidité dans les importations critiques, moins de blocages sur les documents commerciaux et un accès élargi aux chaînes d’approvisionnement mondiales.

Un test pour la profondeur du financement du commerce au Cameroun

Reste la question de l’impact réel. Les facilités de financement du commerce peuvent parfois rester sous-utilisées si les banques ne sont pas proactives, si les PME ne sont pas bien informées ou si l’environnement réglementaire reste trop rigide. L’enjeu, pour CCA-Bank, sera de convertir rapidement cette ligne de 25 millions d’euros en opérations concrètes, en multipliant les dossiers structurés avec des importateurs et des exportateurs locaux.

Pour la BAD, cette opération constituera un test grandeur nature de la capacité du secteur bancaire camerounais à absorber et déployer des instruments de trade finance à haute valeur ajoutée, au-delà des segments traditionnels.

Patrick Tchounjo

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