Washington 2025 : la BDEAC muscle ses alliances pour accélérer l’intégration et l’investissement en Afrique centrale

En marge des Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international tenues à Washington en octobre 2025, la Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale (BDEAC) a multiplié les échanges de haut niveau afin de consolider un réseau d’alliances capable de transformer la profondeur financière de la sous-région. Conduite par son président, M. Dieudonné Evou Mekou, la délégation a articulé sa démarche autour d’un objectif clair : convertir le rendez-vous international en un portefeuille concret de cofinancements, d’instruments de garantie et d’innovations financières à même d’accélérer les investissements prioritaires en infrastructures, énergie, agro-industrie, santé et capital humain.
Parmi les moments forts de cette mission, une séance de travail stratégique s’est tenue avec M. Sidi Ould Tah, Président du Groupe de la Banque Africaine de Développement et aussi Dr. Ngueto Tiraina Yambaye Directeur Général du Fonds de Garantie Africain (FAGACE). Les échanges ont porté sur le renforcement de la coopération entre les deux institutions, notamment dans les domaines du cofinancement d’infrastructures régionales, de l’appui au secteur privé et de l’intégration économique en Afrique centrale. Les deux présidents ont réaffirmé leur volonté de densifier les synergies afin de mobiliser davantage de ressources pour des projets structurants à fort impact économique et social. Cette convergence s’inscrit dans une vision partagée de transformation durable et inclusive de la sous-région CEMAC, avec une priorité assumée pour les corridors logistiques, les interconnexions énergétiques et les plateformes productives créatrices d’emplois.
L’enjeu est double. Il s’agit d’abord de sécuriser, dans un cycle mondial de capitaux plus chers et plus sélectifs, des ressources de long terme à coûts soutenables. Il s’agit ensuite d’installer une logique de partenariats structurés où chaque euro ou dollar mobilisé par la banque agit comme levier pour catalyser l’épargne domestique, attirer des investisseurs institutionnels et dé-risquer des projets privés stratégiques. Dans ce contexte, la banque de développement privilégie une approche par plateformes : plateformes de co-origination avec les banques commerciales pour les projets de taille intermédiaire, plateformes de syndication pour les infrastructures d’envergure, plateformes de garanties de portefeuille pour favoriser le crédit aux PME et aux chaînes de valeur régionales. Cette architecture vise à standardiser la préparation des projets, réduire les coûts de transaction et accélérer les bouclages financiers, tout en offrant une visibilité accrue aux États et aux opérateurs privés.
Au cœur des discussions, la question du coût du capital en monnaie locale a occupé une place centrale. La BDEAC soutient un continuum de financement qui mêle ressources concessionnelles, lignes en devises partiellement couvertes et solutions en monnaie locale, afin de limiter la vulnérabilité des emprunteurs aux chocs de change. L’institution avance sur plusieurs pistes complémentaires : émissions obligataires thématiques alignées sur les taxonomies vertes et sociales, mécanismes de rehaussement de crédit pour allonger les maturités, mandats de gestion dédiés à l’origination de projets éligibles aux fonds climat. L’ambition est d’alimenter un stock d’actifs sûrs en monnaie de la zone, utilisables comme collatéral, et d’ancrer une courbe de taux plus lisible pour les acteurs privés appelés à investir aux côtés du secteur public.
La transition énergétique et l’adaptation climatique ont montré leur pouvoir d’entraînement. Le message porté à Washington est sans ambiguïté : pour que l’Afrique centrale capte une part significative des flux verts mondiaux, la qualité des projets doit être irréprochable du diagnostic initial jusqu’au suivi d’impact. La BDEAC met en avant la montée en gamme des procédures de due diligence environnementale et sociale, l’intégration des critères de résilience dans la conception des infrastructures et l’amélioration du reporting extra-financier. En modernisant son cadre d’évaluation et en s’alignant sur les meilleures pratiques, la banque ambitionne d’abaisser la prime de risque structurelle qui renchérit le financement régional et freine l’investissement privé.
La gouvernance et la lisibilité des cadres réglementaires constituent un autre pilier de la stratégie. Pour mobiliser davantage de capitaux privés, il faut des pipelines bancables, des contrats d’achat d’énergie crédibles, des régimes de concessions stables et une chaîne d’exécution publique capable d’absorber de gros volumes d’investissements. La BDEAC se positionne comme partenaire d’ingénierie institutionnelle, prête à cofinancer l’assistance technique, à renforcer les unités de gestion de projets et à structurer des montages équilibrés de partenariats public-privé. L’objectif opérationnel est d’écourter les délais entre études de faisabilité et clôtures financières, tout en sécurisant la soutenabilité budgétaire des engagements des États.
La dimension intégration régionale est réaffirmée. Les corridors routiers et ferroviaires, les interconnexions énergétiques, les infrastructures numériques partagées et les plateformes logistiques frontalières représentent des gisements de compétitivité et de souveraineté économique pour l’Afrique centrale. En privilégiant des opérations transfrontalières, la banque contribue à des économies d’échelle, attire une base d’investisseurs plus large et favorise l’émergence de champions régionaux capables de se financer sur la durée. La priorité donnée aux projets à effets d’entraînement — ceux qui libèrent l’accès aux marchés, réduisent les coûts logistiques et sécurisent l’énergie — est assumée : c’est la condition pour que le financement du développement se traduise rapidement en productivité et en emplois.
La stratégie de mobilisation des ressources s’inscrit, enfin, dans une trajectoire financière maîtrisée. L’institution poursuit le renforcement de sa signature à travers une politique de risque prudente, l’optimisation de sa structure de capital et le pilotage fin de la liquidité. L’amélioration de la qualité du portefeuille et la diversification sectorielle permettent d’absorber des cycles plus volatils. Dans cette séquence internationale, elle met en avant son rôle d’agrégateur de confiance : une plateforme capable d’aligner les intérêts des bailleurs, des investisseurs et des porteurs de projets, tout en garantissant un standard d’exécution élevé et une transparence compatible avec les exigences des marchés.
Au sortir de Washington, la feuille de route est claire. Il s’agit de convertir les échanges en accords opérationnels, lignes de crédit, garanties et fonds dédiés, avec des jalons trimestriels de décaissement et des indicateurs d’impact transparents. Il s’agit également d’accélérer la préparation de projets, de normaliser la documentation contractuelle et de bâtir des véhicules d’investissement réplicables qui réduisent durablement les coûts de transaction. En assumant ce rôle de catalyseur, la banque de développement ancre un positionnement pragmatique : faire converger financements internationaux, épargne régionale et expertise technique pour servir une Afrique centrale plus connectée, plus résiliente et plus inclusive.
Patrick Tchounjo



