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Le rôle croissant des banques locales dans le financement des économies africaines francophones

Dans un environnement marqué par la montée des incertitudes mondiales et le ralentissement de l’appétit des investisseurs étrangers, les banques locales d’Afrique francophone s’imposent progressivement comme un pilier du financement des économies. Longtemps éclipsées par les filiales de groupes panafricains ou internationaux, elles connaissent aujourd’hui une trajectoire ascendante, portée par la proximité avec les acteurs économiques, la digitalisation des services et le besoin urgent de financer la croissance interne.

Les établissements bancaires locaux jouent un rôle déterminant dans le crédit aux PME, qui représentent plus de 80 % du tissu productif en zone UEMOA et CEMAC. Selon la BCEAO, la part des banques locales dans le financement de l’activité a progressé de près de 20 % en cinq ans, traduisant un repositionnement stratégique face à une demande soutenue. Leur ancrage territorial constitue un avantage compétitif : elles connaissent les réalités des marchés, les besoins sectoriels – agriculture, commerce, services – et adaptent leurs conditions de crédit avec davantage de flexibilité que les grandes institutions.

La digitalisation a amplifié ce mouvement. Des solutions de crédit digital, adossées aux flux de mobile money et aux plateformes de scoring alternatives, permettent à ces banques de toucher une clientèle jusqu’ici exclue du système financier classique. Dans les capitales régionales comme Abidjan, Douala ou Dakar, mais aussi dans les villes secondaires, elles deviennent un relais incontournable de l’inclusion financière et de l’investissement local.

Pour autant, ce rôle croissant ne va pas sans défis. La pression réglementaire, la nécessité de renforcer les fonds propres et la concurrence des fintechs imposent une discipline accrue. Les banques locales doivent également améliorer la gestion du risque de crédit, souvent élevé dans des environnements économiques volatils. La résilience observée lors des récentes vagues d’inflation et de chocs externes montre néanmoins leur capacité d’adaptation.

À moyen terme, la montée en puissance des banques locales pourrait remodeler le paysage financier francophone. Leur capacité à mobiliser l’épargne domestique et à canaliser des capitaux vers des secteurs stratégiques – infrastructures, énergie, agriculture – en fait des acteurs clés de la souveraineté économique régionale. Dans un contexte où les financements extérieurs deviennent plus coûteux et sélectifs, elles apparaissent comme une réponse endogène et durable aux besoins croissants de financement.

En s’affirmant comme partenaires privilégiés des entreprises et des ménages, les banques locales redessinent la carte du crédit en Afrique francophone. L’enjeu, désormais, est de transformer cette dynamique en véritable moteur de développement économique et social.

Patrick Tchounjo

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