Marchés & Financements

Cameroun : un complexe pharmaceutique de près de 950 millions USD pour bâtir une souveraineté sanitaire et industrielle

Le Cameroun vient d’entrer dans une nouvelle phase de son industrialisation avec le lancement officiel de la construction d’un complexe pharmaceutique intégré estimé à 950 millions de dollars américains, soit environ 530 milliards FCFA. Ce projet d’envergure, situé à Meyo, près de Yaoundé, symbolise la volonté du pays de renforcer sa souveraineté sanitaire, de stimuler l’industrie pharmaceutique locale et de réduire sa dépendance vis-à-vis des importations de médicaments, qui représentent aujourd’hui plus de 90 % de la consommation nationale.

Porté par un partenariat sino-camerounais, ce complexe sera développé par le groupe Yicheng Pharmaceutical Group en collaboration avec le gouvernement camerounais. Il s’agit de l’un des plus importants investissements industriels dans le secteur de la santé jamais réalisés en Afrique centrale. L’objectif affiché est clair : faire du Cameroun un hub pharmaceutique régional au sein de la CEMAC, capable de produire et de distribuer à grande échelle des médicaments essentiels, des vaccins, des produits biologiques et du matériel médical.

Un projet stratégique pour l’autonomie sanitaire du Cameroun

Implanté sur un site de plus de 150 hectares, le complexe comprendra plusieurs unités : production de médicaments génériques et spécialisés, centre de recherche et d’innovation, laboratoire de contrôle qualité, pôle logistique de distribution et zone de formation technique. Le projet prévoit également la construction d’un centre hospitalier de référence, afin d’intégrer la chaîne complète allant de la recherche à la distribution.

Les projections officielles évoquent la création de plus de 6 000 emplois directs et 15 000 emplois indirects, ainsi qu’une capacité annuelle de production estimée à plus de 350 millions d’unités pharmaceutiques. À terme, le complexe devrait couvrir près de 70 % des besoins nationaux en médicaments et permettre au Cameroun d’exporter vers ses voisins du Congo, du Gabon, du Tchad et de la Guinée équatoriale.

Un levier d’industrialisation et de diversification économique

Au-delà de la dimension sanitaire, ce projet s’inscrit dans la stratégie nationale de substitution aux importations et dans la vision du Plan directeur d’industrialisation du Cameroun (PDIC). Le pays cherche à réduire son déficit commercial chronique en développant des industries à haute valeur ajoutée, capables de transformer localement les produits de base et de produire des biens manufacturés compétitifs.

Le complexe pharmaceutique de Meyo représente ainsi un pilier clé du plan “Made in Cameroon”. En favorisant la production locale et le transfert de technologies, il renforcera la base industrielle du pays, encouragera l’innovation scientifique et soutiendra la montée en compétence des ressources humaines dans les métiers pharmaceutiques et biotechnologiques.

Des défis de financement et de gouvernance

Le coût global du projet, estimé à près de 950 millions USD, sera financé selon un modèle de partenariat public-privé (PPP) associant capitaux privés chinois, financement bancaire et participation publique. L’État camerounais prendra en charge la mise à disposition du foncier et des infrastructures de base, tandis que le consortium d’investisseurs assurera la construction, l’équipement et la gestion du complexe.

Cependant, des défis subsistent. La réussite du projet dépendra d’une gouvernance transparente, d’un cadre réglementaire rigoureux et d’un environnement énergétique et logistique fiable. Le Cameroun devra renforcer son Agence du médicament et garantir la conformité de la production aux standards internationaux de qualité.

Un tournant pour l’Afrique centrale

Dans une région encore largement dépendante des importations pharmaceutiques, la mise en œuvre de ce projet constitue un tournant stratégique. Elle positionne le Cameroun comme un acteur de référence dans la production de médicaments en Afrique centrale et s’aligne sur la vision de l’Union africaine pour une autonomie sanitaire du continent à l’horizon 2040.

S’il se concrétise selon le calendrier prévu, le complexe pharmaceutique de près de 950 millions USD de Meyo pourrait devenir l’un des plus grands projets industriels de santé en Afrique subsaharienne. Il incarne une ambition forte : transformer le Cameroun en puissance pharmaceutique régionale, capable de concilier croissance industrielle, sécurité sanitaire et souveraineté économique.

Patrick Tchounjo

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page