BOAD : le renforcement de l’assurance-crédit pour stimuler le financement dans l’UEMOA

Face à un environnement économique mondial marqué par la hausse des taux d’intérêt et la contraction des flux financiers, la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) mise sur un instrument encore peu exploité en Afrique de l’Ouest : l’assurance-crédit. Cette approche innovante vise à sécuriser les portefeuilles de prêts et à accroître la capacité de financement des économies de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA).
La décision de renforcer ce mécanisme s’inscrit dans le cadre du plan stratégique Djoliba 2021-2025, dont l’objectif est de transformer la BOAD en une institution financière plus solide, agile et capable de soutenir durablement la croissance régionale. Pour son président, Serge Ekué, cette stratégie répond à un double impératif : renforcer la solidité financière de la banque tout en libérant des ressources supplémentaires pour le développement. L’assurance-crédit permet à la BOAD de transférer une partie du risque de non-remboursement à des compagnies spécialisées, ce qui améliore la qualité de son bilan et favorise la mobilisation de nouveaux capitaux.
En souscrivant des polices d’assurance auprès d’assureurs internationaux bien notés, la BOAD s’assure une meilleure gestion de ses expositions et consolide son profil de risque. Cette innovation contribue à renforcer la confiance des investisseurs dans ses opérations et à améliorer les conditions de levée de fonds sur les marchés financiers régionaux et internationaux. Dans une zone où la demande de financement reste considérable, cette démarche apporte un souffle nouveau au développement des projets d’infrastructure, d’énergie, d’agriculture et de PME industrielles.
L’assurance-crédit agit comme un catalyseur. En sécurisant ses prêts, la BOAD libère du capital réglementaire qu’elle peut réinvestir dans d’autres projets structurants. Elle crée ainsi un cercle vertueux où la couverture du risque devient un levier de croissance. Ce modèle, déjà éprouvé dans les grandes institutions multilatérales, renforce la résilience financière de la banque tout en favorisant la stabilité de l’ensemble de la zone UEMOA.
Cette orientation stratégique s’accompagne d’autres instruments financiers tels que la titrisation de créances et la dette super subordonnée, qui permettent d’optimiser la gestion du portefeuille et d’amplifier la capacité de financement. La combinaison de ces outils traduit la volonté de la BOAD d’adopter des pratiques financières modernes, alignées sur les standards internationaux, sans renoncer à sa mission de développement régional. L’objectif affiché est clair : accroître de 50 % les capacités de financement d’ici 2026 tout en maintenant un profil prudentiel solide.
Les résultats de cette stratégie commencent à se matérialiser. Les agences de notation internationales, notamment Fitch Ratings, ont confirmé la stabilité du profil de crédit de la BOAD et salué sa gestion proactive du risque. Cette reconnaissance internationale accroît la crédibilité de la banque sur les marchés et lui permet de mobiliser des fonds à des conditions plus avantageuses. En diversifiant ses outils de gestion des risques, la BOAD renforce sa position de partenaire fiable pour les États membres et les investisseurs privés.
Cette approche présente toutefois des défis. Le coût des primes d’assurance reste élevé et impose une analyse rigoureuse du rapport entre les gains de capital libéré et les dépenses d’assurance. La sélection des projets à assurer exige un contrôle strict de la qualité des bénéficiaires, tandis que la coordination réglementaire entre les pays de l’Union doit encore être renforcée. La solidité financière des compagnies d’assurance partenaires et la transparence dans la mise en œuvre de ces couvertures demeurent des conditions essentielles à la réussite du dispositif.
À moyen terme, la stratégie de la BOAD pourrait redéfinir les contours du financement du développement dans l’UEMOA. En créant un écosystème de confiance autour du risque de crédit, la banque ouvre la voie à une nouvelle dynamique d’investissement public et privé. L’assurance-crédit devient non seulement un outil de protection, mais aussi un instrument de transformation économique. Elle favorise une meilleure allocation des ressources et permet aux économies ouest-africaines d’accéder à des financements plus stables, moins coûteux et plus adaptés à leurs besoins.
Le renforcement de l’assurance-crédit par la BOAD s’impose ainsi comme une avancée majeure dans la modernisation de la finance régionale. En s’appuyant sur des outils d’ingénierie financière sophistiqués, la banque démontre sa capacité à innover et à se hisser au niveau des grandes institutions de développement. Dans un environnement mondial incertain, cette initiative traduit la montée en puissance d’une institution déterminée à financer l’Afrique sur des bases plus solides, plus intégrées et plus résilientes.
Patrick Tchounjo



