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Maroc : la solidité financière des banques s’améliore, mais Fitch reste prudente

Le secteur bancaire marocain affiche une santé renforcée. Dans son dernier rapport, l’agence Fitch Ratings souligne la résilience et l’amélioration progressive de la solidité financière des banques marocaines, grâce à une rentabilité soutenue, une gestion prudente des risques et un niveau de liquidité jugé confortable.
Mais si la tendance est encourageante, Fitch adopte une posture de prudence mesurée, alertant sur les marges de capital encore étroites et la persistance de créances douteuses dans le système.

Une rentabilité robuste et une liquidité solide

Les principales institutions financières marocaines ont enregistré une croissance moyenne de 22 % de leurs bénéfices nets en 2024, soutenue par l’augmentation du revenu net d’intérêts, la bonne performance du trading obligataire et le contrôle des coûts.
Fitch note que la structure de financement demeure stable, dominée par des dépôts à faible coût, ce qui renforce la capacité du système à absorber les chocs.

Le retour massif des liquidités dans les dépôts bancaires, notamment après les amnisties fiscales, a également permis d’améliorer la base de financement domestique, réduisant la dépendance au refinancement externe. Cette évolution a contribué à une amélioration de la marge de liquidité et de la confiance des investisseurs dans le secteur.

Une capitalisation qui s’améliore, mais reste sous surveillance

Si la solidité du secteur s’est accrue, Fitch souligne la fragilité des marges de capital de certaines banques, proches des seuils réglementaires minimaux. Cette situation limite la flexibilité des institutions en cas de choc économique majeur.
Toutefois, plusieurs établissements ont engagé des opérations de renforcement des fonds propres via des émissions obligataires, des augmentations de capital ou la rétention accrue des bénéfices.

Pour Fitch, la qualité du crédit demeure un point de vigilance clé. Les banques continuent de faire face à un volume significatif de créances douteuses, particulièrement dans les segments des PME et de l’immobilier. Une réduction progressive des ratios de NPL (Non-Performing Loans) est observée, mais la mise en place d’un marché secondaire des prêts non performants reste essentielle pour libérer du capital.

Un environnement de croissance mais de vigilance

Le contexte économique marocain, soutenu par la reprise du tourisme, la dynamique industrielle et les investissements dans les infrastructures, crée un environnement favorable à la croissance des crédits. Fitch prévoit une hausse de l’activité bancaire sur 2025–2026, tirée par les besoins en financement de grands projets nationaux.

Cependant, l’agence maintient une approche prudente. Les risques liés à l’inflation, à la normalisation des taux mondiaux et à la concurrence accrue sur les marges pourraient peser sur la rentabilité future. La stabilité des résultats dépendra de la capacité des banques à maintenir un équilibre entre expansion du crédit et maîtrise du risque.

Une position de force dans le paysage bancaire africain

Le Maroc reste l’un des systèmes bancaires les plus solides du continent africain. Trois grands groupes dominent le marché, avec une présence croissante dans plus de vingt pays africains. Leur modèle d’affaires diversifié et régionalisé leur confère un avantage compétitif, tout en exposant leur portefeuille à des risques souverains et de change sur certains marchés subsahariens.

Fitch estime que la combinaison d’une bonne gouvernance financière, d’un cadre réglementaire solide et d’une capacité d’adaptation éprouvée devrait continuer de soutenir la stabilité du secteur.
Mais la prudence reste de mise : la qualité du portefeuille de prêts et la résilience du capital constitueront les indicateurs décisifs pour mesurer la solidité réelle du système bancaire marocain dans les années à venir.

Patrick Tchounjo

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