CEMAC : Gimacpay franchit 600 milliards FCFA, le mobile money dicte le tempo

Le hub d’interopérabilité Gimacpay a dépassé la barre des 600 milliards FCFA de transactions en 2023 pour plus de 12 millions d’opérations. Ce jalon, réactualisé mi-octobre 2025, confirme l’ancrage d’un modèle wallet-first dans l’Union monétaire d’Afrique centrale, où les portefeuilles électroniques captent l’essentiel de la croissance des paiements et déplacent le centre de gravité de la valeur.
Dans un marché encore éclaté par pays et par rails, Gimacpay agit comme un réducteur de friction. En reliant banques, établissements de microfinance, opérateurs mobiles et agrégateurs, la plateforme fait baisser les coûts d’acceptation, fluidifie les transferts intra-régionaux et accélère la migration vers des canaux digitaux à faible coût. La photographie 2023 met en évidence une domination des wallets déjà visible en 2022, lorsque près des trois quarts des transactions passaient par le mobile et que celui-ci pesait plus de la moitié des valeurs. La dynamique traduit un basculement du ticket moyen vers des usages de paiement du quotidien, du commerce de détail à l’encaissement de proximité.
L’effet réseau produit un cercle vertueux. À mesure que les rails deviennent compatibles, les volumes s’agrègent et renforcent l’interopérabilité, tandis que la montée en charge améliore la résilience opérationnelle. Le traitement de millions d’opérations sans incident majeur atteste de la maturité croissante des couches d’orchestration, de surveillance et de redondance, conditions nécessaires pour industrialiser virements instantanés, paiements marchands et rapprochements automatiques à l’échelle régionale.
Pour les banques commerciales, la bascule vers des flux massifiés et à faible valeur unitaire recompose le compte de résultat. Les revenus glissent des marges d’interchange vers les commissions d’initiation et de compensation, et la différenciation se joue sur le KYC et l’AML en temps réel, le scoring transactionnel, la gestion des litiges et la qualité de service à l’acceptation. Ce changement de mix impose des investissements ciblés dans l’automatisation, les API ouvertes et la sécurité, avec un impact direct sur le coût du risque opérationnel.
Le contexte monétaire a servi de catalyseur en 2025, l’accès à la liquidité de banque centrale soutenant le crédit et, par ricochet, l’économie des paiements. Cette fenêtre favorable doit être exploitée pour élargir la profondeur fonctionnelle de Gimacpay. Les normes communes pour les QR interopérables et les prélèvements récurrents restent à généraliser, tout comme l’intégration plus fine des cartes au sein des parcours omnicanaux. L’alignement des grands facturiers, des administrations et des plateformes d’e-commerce ferait émerger des poches de croissance additionnelles et élèverait le taux de numérisation de bout en bout.
La trajectoire des acteurs s’articule en deux temps. À court terme, l’enjeu consiste à optimiser l’expérience de cash-in et cash-out, à affiner la tarification des transferts wallet-vers-banque et à densifier l’acceptation marchande. À moyen terme, la compétition se déplacera vers les services à valeur ajoutée adossés aux flux, comme le crédit ultra-court terme, les garanties de paiement instantané pour les TPE/PME et l’intégration fluide aux ERP commerçants pour automatiser rapprochements et réconciliations.
Au-delà des métriques, l’équation est régionale. En ancrant la confiance dans l’instantané et en abaissant les coûts de transaction, l’interopérabilité portée par Gimacpay installe les paiements numériques comme une infrastructure critique de la compétitivité en CEMAC. Le franchissement des 600 milliards FCFA n’est pas un aboutissement, mais le seuil à partir duquel la monétique et le mobile money cessent d’être un relais périphérique pour devenir un socle industriel et monétisable à l’échelle.
Patrick Tchounjo



