CEMAC : la COBAC s’apprête à relever le capital minimum des banques à 25 milliards FCFA

La Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) prépare une réforme structurante qui pourrait redéfinir les contours du paysage bancaire de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale). Selon des informations concordantes, le régulateur envisage de porter le capital minimum exigé des banques de 10 à 25 milliards FCFA, soit une hausse de 150 %. Cette mesure, qui s’inscrit dans la continuité des réformes observées dans d’autres régions d’Afrique, marque un tournant stratégique pour la stabilité et la compétitivité du secteur financier sous-régional.
Un alignement sur les standards régionaux et internationaux
En adoptant cette réforme, la COBAC poursuit un double objectif : renforcer la solidité financière des établissements bancaires et harmoniser les normes prudentielles avec celles déjà en vigueur dans d’autres zones économiques africaines. Dans l’UEMOA, par exemple, le capital minimum des banques a été relevé à 10 milliards FCFA depuis 2017. Le Nigéria a récemment annoncé une augmentation substantielle de ses exigences en capital, tandis que le Kenya a pris la même direction pour consolider la résilience de son système bancaire.
Pour la CEMAC, cette réforme s’inscrit dans une logique de modernisation du cadre réglementaire et de renforcement de la gouvernance financière, à un moment où les risques systémiques, la volatilité des marchés et les pressions sur la liquidité deviennent de plus en plus marqués.
Une réforme pour renforcer la résilience du système bancaire
Le relèvement du capital minimum vise avant tout à accroître la capacité de résistance des banques face aux chocs économiques et financiers. En disposant de fonds propres plus importants, les institutions bancaires pourront mieux absorber les pertes éventuelles, soutenir des projets à long terme et accroître leur contribution au financement des économies nationales.
Cette initiative traduit la volonté de la COBAC et de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) de prévenir les risques de fragilité dans un contexte de croissance ralentie, de tensions géopolitiques et de transformation digitale accélérée du secteur bancaire. Elle intervient également dans un environnement où les régulateurs cherchent à mieux encadrer les établissements à capital étranger et à favoriser la transparence financière.
Des défis majeurs pour les petites banques de la CEMAC
Si la réforme devrait consolider les grands groupes bancaires déjà solidement capitalisés, elle risque d’être un défi majeur pour les banques locales de petite taille et les établissements de microfinance opérant à faible capitalisation. Ces acteurs devront soit augmenter significativement leur capital, soit envisager des fusions ou des partenariats stratégiques pour se conformer à la nouvelle norme.
Cette évolution pourrait ainsi déclencher une vague de fusions et acquisitions dans la sous-région, un mouvement déjà amorcé dans d’autres zones africaines confrontées à des réformes similaires. En conséquence, la CEMAC pourrait assister à une restructuration profonde du secteur bancaire, avec moins d’acteurs mais des institutions plus solides et plus crédibles sur le plan international.
Un levier pour la bancarisation et la croissance économique
Au-delà du simple relèvement des seuils, la réforme ambitionne de favoriser l’émergence de banques capables de soutenir la transformation économique de la sous-région. Avec des bilans plus robustes, les banques seront mieux armées pour financer les grands projets d’infrastructure, accompagner les PME, et accélérer la bancarisation dans un espace où une grande partie de la population demeure encore exclue du système financier formel.
La consolidation du secteur bancaire apparaît ainsi comme une étape essentielle vers la profondeur financière de la CEMAC, condition indispensable à la mise en œuvre de politiques économiques efficaces et à l’attraction d’investissements étrangers.
Vers une adoption avant fin 2025
D’après des sources proches du régulateur, le projet de texte est actuellement à l’étude au sein de la COBAC et de la BEAC, avant d’être transmis pour validation aux ministres des Finances de l’Union monétaire d’Afrique centrale. Sa mise en œuvre pourrait intervenir avant la fin de l’année 2025, avec une période de transition pour permettre aux établissements concernés d’ajuster leur structure financière.
Cette réforme, qui fait déjà l’objet de consultations techniques, constitue un signal fort de la volonté des autorités monétaires de la CEMAC de renforcer la crédibilité de leur système bancaire et d’en faire un pilier de la stabilité régionale.
Patrick Tchounjo



