Inclusion Financière

Finance digitale : 73,6 % des adultes dans l’UEMOA accèdent à un service financier formel

L’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) franchit un nouveau cap en matière d’inclusion financière. Selon les données 2024 publiées par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), 73,6 % des adultes dans la zone utilisent au moins un service financier formel, qu’il s’agisse d’un compte bancaire, mobile ou de microfinance.

Ce chiffre, en progression continue depuis une décennie, rapproche la région de son objectif stratégique de 75 % d’inclusion financière d’ici fin 2024.

Le mobile money tire la dynamique

Derrière ce chiffre record, c’est le mobile money qui reste le principal levier de progression. Moins coûteux, plus simple à activer et largement répandu dans les zones rurales, ce mode d’accès a permis d’intégrer des millions de personnes au système financier.

Selon la BCEAO, le mobile money représente désormais plus de la moitié des comptes actifs dans la région. En Côte d’Ivoire, par exemple, l’usage de la monnaie électronique a grimpé de 46 % à plus de 81 % des adultes entre 2017 et 2023.

En parallèle, les banques commerciales peinent à suivre le rythme. Le taux de bancarisation classique reste contenu, autour de 25 à 30 % selon les pays. Les institutions de microfinance, quant à elles, maintiennent leur rôle de proximité auprès des ménages à faibles revenus, mais leur poids reste marginal comparé aux opérateurs de téléphonie.

Côte d’Ivoire, Bénin et Togo en tête

Le progrès de l’inclusion financière est loin d’être homogène à travers les huit pays de l’Union. Le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire et le Sénégal mènent la course, avec des taux supérieurs à 80 %, selon les dernières publications de la BCEAO et des agences nationales.

À l’inverse, le Niger et le Mali restent en retrait, pénalisés par un maillage institutionnel plus faible, des taux de pauvreté élevés, et une instabilité sécuritaire qui freine l’extension des services financiers.

Autre point de vigilance : l’écart entre les sexes. Dans toute la région, les femmes restent significativement moins incluses que les hommes. En Côte d’Ivoire, par exemple, seulement 37 % des femmes étaient titulaires d’un compte financier en 2021, contre 64 % des hommes, selon les données de l’APIF.

Un enjeu économique majeur

L’inclusion financière n’est pas qu’un indicateur social. Elle constitue aussi un levier de croissance économique, de mobilisation de l’épargne locale, et de modernisation des paiements.

Pour les banques et les fintechs, le défi consiste désormais à convertir ces millions de comptes en services actifs et en sources de revenus. De nouveaux produits adaptés aux petits revenus – comme les nano-crédits, les épargnes flexibles et les micro-assurances – commencent à émerger, mais peinent encore à atteindre l’échelle.

Côté régulation, la BCEAO multiplie les initiatives. Le développement de l’interopérabilité entre banques et mobile money, via des plateformes comme PI-SPI, vise à fluidifier les échanges et renforcer l’efficience du système. D’autres chantiers sont en cours autour de l’éducation financière, de la protection des consommateurs et de la lutte contre la fraude numérique.

Le dernier kilomètre

Atteindre les derniers 25 % d’adultes non inclus financièrement dans la zone s’annonce complexe. Il s’agit souvent de populations rurales, faiblement alphabétisées, sans accès stable à un téléphone ou à l’électricité.

Mais l’enjeu est stratégique. Une UEMOA à 90 % financièrement incluse, avec un système interopérable, sécurisé et abordable, représenterait un modèle pour tout le continent. À ce titre, la BCEAO a lancé une Stratégie Régionale d’Inclusion Financière 2025–2030, centrée sur l’innovation, la digitalisation et la réduction des inégalités d’accès.

Patrick Tchounjo

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