Crises bancaires : le Cameroun mise sur des experts agréés pour éviter l’effet domino

Le Cameroun renforce son dispositif de résolution bancaire. Dans un contexte de fragilité persistante au sein du système financier, le ministère des Finances a lancé un appel à candidatures en vue de constituer une liste d’experts agréés chargés d’administrer provisoirement ou de liquider les établissements bancaires en difficulté. Cette initiative marque une évolution notable dans la stratégie de gestion des crises financières, alors que le pays fait face à une succession d’interventions techniques dans son secteur bancaire et microfinancier.
Un mécanisme de résolution renforcé
Jusqu’ici, les restructurations bancaires au Cameroun reposaient principalement sur des équipes internes, des cabinets spécialisés mandatés ponctuellement ou sur les décisions du régulateur régional (la COBAC). Désormais, le ministère des Finances veut se doter d’un vivier national d’experts qualifiés, certifiés et prêts à intervenir rapidement en cas de défaillance d’un établissement.
Cette liste devra inclure des administrateurs provisoires, des liquidateurs, des spécialistes en audit bancaire, des juristes financiers et des experts en gouvernance des risques. Leur rôle sera d’assurer la continuité des opérations essentielles, de sécuriser les dépôts, d’évaluer l’état réel des bilans et, le cas échéant, d’organiser la liquidation ordonnée des institutions insolvables.
Un secteur bancaire sous pression
Cette décision intervient sur fond de pressions croissantes au sein du système bancaire. Si les banques camerounaises affichent globalement une solidité supérieure à celle du secteur de la microfinance, plusieurs signaux d’alerte subsistent : forte exposition aux créances douteuses, incomplets de provisionnement, tensions de liquidité et vulnérabilités liées à la gouvernance.
Ces dernières années, plusieurs institutions financières – notamment dans la microfinance – ont connu des faillites, des mises sous administration provisoire ou des plans de restructuration d’urgence. Ces épisodes ont fragilisé la confiance des épargnants, accru l’exposition de l’État et mis en évidence la nécessité d’un dispositif de résolution plus robuste.
Anticiper plutôt que subir : un virage stratégique
En lançant cet appel à candidatures, le gouvernement envoie un signal clair : il veut passer d’une logique réactive à une approche proactive. L’objectif est d’éviter les situations de crise prolongée, coûteuses pour les finances publiques et déstabilisantes pour le marché.
La présence d’experts agréés permettra d’accélérer le traitement des défaillances, de réduire les risques systémiques et d’améliorer la coordination entre l’État, le régulateur et les établissements concernés. Cette capacité d’intervention renforcée s’inscrit également dans les standards internationaux de résolution bancaire, inspirés des pratiques appliquées en Europe, en Asie ou par les institutions multilatérales.
Un chantier de gouvernance et de crédibilité
La constitution d’un corps d’experts agréés ne se limite pas à une mesure technique. Elle est aussi un levier de crédibilité pour le système financier camerounais, qui cherche à attirer davantage d’investissements, à renforcer la confiance du public et à consolider sa résilience dans un environnement marqué par l’incertitude économique.
Pour le ministère des Finances, l’enjeu est également d’améliorer la qualité des interventions et de professionnaliser la gestion des crises bancaires. Une restructuration menée par un expert qualifié augmente les chances de redressement, réduit les pertes pour l’État et les usagers, et garantit une meilleure transparence dans les procédures.
Vers une meilleure résilience du système bancaire
À l’heure où la région CEMAC cherche à moderniser ses normes prudentielles et à renforcer sa surveillance bancaire, ce dispositif s’inscrit dans une dynamique plus large de sécurisation du secteur financier. Le Cameroun, premier marché bancaire de la zone, souhaite montrer l’exemple en renforçant ses outils d’intervention et en anticipant les risques liés à la gouvernance, à la liquidité et à la solvabilité.
En recrutant des administrateurs et liquidateurs agréés, le gouvernement se donne les moyens d’agir rapidement, efficacement et conformément aux standards internationaux. Un pas décisif vers une meilleure stabilité bancaire et une protection accrue des déposants.
Patrick Tchounjo



