Marchés & Financements

RCA–BEAC : une offensive de 50 milliards FCFA pour financer le Plan national de développement

La République centrafricaine a de nouveau recours au marché régional des titres publics pour financer sa stratégie de développement. Depuis le 17 novembre 2025, le Trésor centrafricain sollicite les investisseurs de la zone CEMAC sur le compartiment de la Banque des États de l’Afrique centrale, avec pour objectif de lever un montant compris entre 35 et 50 milliards de FCFA. Cette opération obligataire intervient à un moment où le pays tente de concilier relance économique, discipline budgétaire et mise en œuvre d’un ambitieux Plan national de développement couvrant la période 2024-2028.

Bangui prévoit l’émission de trois obligations du Trésor assimilables de maturités différentes. Une première ligne d’une durée de trois ans, qui arrivera à échéance le 19 novembre 2028, vise un montant compris entre 15 et 20 milliards de FCFA, assorti d’un coupon de 6,25 %. Une deuxième obligation d’une maturité de quatre ans, avec échéance au 19 novembre 2029, cible la même fourchette de 15 à 20 milliards de FCFA pour un taux d’intérêt de 6,75 %. La troisième ligne, d’une maturité de cinq ans, se refermera le 19 novembre 2030 et ambitionne de mobiliser entre 5 et 10 milliards de FCFA, au taux de 7 %. Cette structuration par paliers permet au Trésor de lisser son profil de remboursement tout en proposant aux investisseurs une gamme de rendements croissants en fonction de la durée.

Derrière ces montants se profile le financement du Plan national de développement 2024-2028. Ce programme stratégique regroupe cinquante-huit projets pour un coût global estimé à 12,8 milliards de dollars. Il vise la modernisation des infrastructures de transport, d’énergie et de télécommunications, le développement de l’agriculture, le renforcement du capital humain à travers l’éducation et la santé, ainsi que le soutien aux secteurs productifs et aux activités génératrices de valeur ajoutée. L’objectif affiché est de stimuler la reprise économique, de créer des emplois et d’améliorer les conditions de vie des populations, dans un pays longtemps marqué par l’instabilité et le sous-investissement.

Le recours intensif au marché régional s’inscrit dans cette dynamique. Sur l’exercice 2025, les autorités centrafricaines ont fixé un objectif de 95 milliards de FCFA d’émissions de titres publics. À fin juillet, plus de 81 milliards de FCFA avaient déjà été mobilisés, soit plus des quatre cinquièmes de la cible annuelle. Cette progression témoigne d’une meilleure intégration de la RCA au marché des titres publics de la CEMAC, mais elle traduit aussi la montée des besoins de financement du Trésor. L’opération engagée en novembre, si elle atteint la borne haute de 50 milliards de FCFA, pourrait amener le pays à dépasser ses prévisions initiales et offrir une marge de manœuvre supplémentaire pour la mise en œuvre des projets prioritaires.

Pour les banques commerciales et les investisseurs institutionnels de la sous-région, ces nouvelles obligations représentent des placements à rendement attractif dans un environnement où les titres souverains occupent déjà une place centrale dans les portefeuilles. Les taux de 6,25 %, 6,75 % et 7 % reflètent à la fois le profil de risque du pays et la volonté de l’émetteur de rester dans une fourchette acceptable pour le marché. La demande qui se manifestera sur ces lignes donnera un signal important sur l’appétit des investisseurs pour le risque centrafricain et sur la confiance accordée à la trajectoire budgétaire et politique du pays.

Cette séquence traduit également une évolution du rôle du marché régional des titres publics, qui devient un instrument structurant de financement pour les États de la CEMAC. Dans le cas de la RCA, l’enjeu est de démontrer que ces ressources ne servent pas seulement à couvrir des besoins de trésorerie à court terme, mais qu’elles contribuent effectivement au financement de projets concrets inscrits dans le Plan national de développement. La capacité des autorités à assurer un suivi rigoureux des projets, à communiquer sur l’utilisation des fonds et à préserver la soutenabilité de la dette sera déterminante pour maintenir la confiance des investisseurs.

Si Bangui réussit à combiner adjudications réussies, exécution crédible du PND 2024-2028 et transparence accrue sur ses finances publiques, la campagne d’émissions lancée en novembre 2025 pourrait marquer un tournant. Elle consacrerait la République centrafricaine comme un émetteur plus régulier et mieux compris sur le marché régional, tout en offrant au secteur bancaire un cadre plus lisible pour accompagner, via les titres publics, la relance économique du pays.

Patrick Tchounjo

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