Marchés & Financements

Le Camerounais Alain Nkontchou séduit la PIC : 30 M$ pour booster le fonds de crédit d’Enko

Enko Capital confirme son statut de référence panafricaine du crédit privé. Le gestionnaire d’actifs dirigé par le Camerounais Alain Nkontchou vient de sécuriser un engagement de 30 millions de dollars (environ 17 milliards FCFA) de la Public Investment Corporation (PIC) d’Afrique du Sud, l’un des plus puissants investisseurs institutionnels du continent avec plus de 200 milliards de dollars sous gestion. Ce ticket vient renforcer le fonds de crédit privé qu’Enko est en train de structurer, et marque une nouvelle étape dans la montée en puissance du crédit privé comme classe d’actifs en Afrique.

Cet investissement s’inscrit dans une trajectoire ambitieuse : le véhicule vise une levée cible de 150 millions de dollars (environ 85,45 milliards FCFA) d’ici fin 2026, avec un plafond fixé à 200 millions de dollars (près de 113,9 milliards FCFA). Pour Enko Capital, il s’agit de faire du crédit privé un pilier central de sa croissance et de son positionnement sur le marché africain de l’investissement, à côté des stratégies actions et capital-investissement déjà existantes.

Un signal fort de la PIC en faveur du crédit privé africain

L’entrée de la PIC au capital du fonds de crédit d’Enko Capital vaut autant par le montant que par la portée symbolique. Gestionnaire des retraites de la fonction publique sud-africaine, la PIC est l’un des investisseurs les plus observés du continent. Son choix de renforcer son partenariat avec Enko, entamé en 2016, envoie un signal clair : le crédit privé africain n’est plus un segment marginal, mais une stratégie assumée pour générer des rendements et soutenir la transformation des économies du continent.

Le directeur général de la PIC rappelle que l’inclusion économique et financière fait partie intégrante du mandat de l’institution. Enko Capital est perçu comme un véhicule opérant au cœur des économies africaines, capable de transformer l’épargne de long terme en financements concrets pour les entreprises. En acceptant de renforcer un gestionnaire panafricain plutôt qu’un acteur global, la PIC consolide également une logique d’ancrage africain des chaînes de valeur financières : collecte de l’épargne sur le continent, allocation vers des entreprises africaines, gestion réalisée par des équipes basées en Afrique.

Pour Enko Capital, ce nouveau ticket vient valider sa capacité à sourcer des opportunités de crédit, à structurer des transactions complexes et à gérer le risque de manière suffisamment rigoureuse pour répondre aux standards des grands investisseurs institutionnels.

Enko Impact Credit Fund : une première clôture à 100 M$ et un marché en mutation

L’investissement de 30 millions de dollars de la PIC s’ajoute à une dynamique déjà bien engagée. En octobre, Enko Capital a annoncé la première clôture de son Enko Impact Credit Fund à 100 millions de dollars (environ 65 milliards FCFA), sur un objectif total de 150 millions de dollars. Cette levée a été alimentée par plusieurs institutions internationales de premier plan, dont British International Investment (BII), la Société financière internationale (IFC), Sicom Global Fund, ainsi que des fonds de pension et family offices africains.

Cette combinaison d’investisseurs africains et internationaux marque un tournant pour un marché du crédit privé encore embryonnaire sur le continent. Là où les financements aux entreprises reposaient essentiellement sur le crédit bancaire classique et quelques opérations de capital-investissement, l’émergence d’un fonds panafricain de crédit à impact change la donne. Enko se positionne comme un intermédiaire spécialisé capable de structurer des financements sur mesure, d’accompagner la gouvernance des emprunteurs et de répondre à la fois aux exigences d’impact et de rendement.

La consolidation du tour de table par la PIC conforte la crédibilité du fonds, en renforçant la base d’investisseurs de long terme prêts à s’engager sur plusieurs années.

Réduire un déficit de financement de 330 milliards de dollars pour les PME africaines

L’essor du crédit privé en Afrique répond à une réalité bien documentée : les PME et entreprises de taille intermédiaire africaines font face à un déficit de financement estimé à environ 330 milliards de dollars. Malgré la montée en puissance des banques et des marchés financiers, de nombreuses entreprises en croissance restent coincées entre un crédit bancaire souvent trop court, trop coûteux ou trop garanti, et un capital-investissement trop exigeant en termes de dilution et de gouvernance.

Le fonds de crédit d’Enko Capital se positionne précisément sur cet espace. Il entend financer des entreprises rentables ou à fort potentiel qui ont besoin de capitaux pour accélérer leur croissance, investir dans de nouveaux équipements, étendre leur présence régionale ou renforcer leurs capacités de production, sans nécessairement ouvrir leur capital. Pour cela, Enko propose des structures de dette flexibles, avec des maturités alignées sur les cycles d’investissement, des mécanismes de remboursement adaptés à la génération de cash-flow et, dans certains cas, des instruments hybrides combinant dette et options de participation.

Pour les investisseurs, le crédit privé offre un compromis attractif : des rendements ajustés au risque potentiellement plus rapides que ceux du capital-investissement traditionnel, avec des flux de remboursement plus réguliers. Enko ne s’en cache pas : la stratégie vise à réduire les délais de retour sur investissement souvent constatés dans le private equity, en misant sur des opérations de crédit « auto-liquidatives » où le remboursement provient directement de la performance opérationnelle des entreprises financées.

Vers un écosystème africain du crédit privé

Au-delà de ce fonds spécifique, l’ambition d’Enko Capital est de contribuer à bâtir un écosystème africain du crédit privé. Cela implique de standardiser progressivement les pratiques, de créer des historiques de performance, de démontrer la résilience des portefeuilles et de favoriser l’entrée d’autres grands investisseurs institutionnels africains et internationaux sur ce segment.

Pour le secteur bancaire africain, l’émergence de gestionnaires de crédit spécialisés peut être vue à la fois comme un défi et comme une opportunité. Défi, car une partie du financement des entreprises pourrait se déplacer vers des véhicules de marché mieux capitalisés et plus agiles. Opportunité, car les banques peuvent cofinancer des opérations, syndiquer des prêts avec des fonds de crédit, céder une partie de leurs expositions à ces véhicules ou bénéficier de leur expertise sectorielle pour structurer des transactions plus sophistiquées.

Enko Capital et la PIC esquissent ainsi les contours d’un modèle où l’épargne institutionnelle africaine est mobilisée de manière plus directe pour financer l’économie réelle du continent, en diversifiant les canaux entre crédit bancaire, obligations d’entreprise et crédit privé structuré.

La réussite de cette stratégie dépendra de la capacité d’Enko à déployer rapidement et prudemment les capitaux levés, à documenter les impacts économiques et sociaux des financements accordés, et à maintenir un niveau de discipline de crédit conforme aux attentes de partenaires de la taille de la PIC, de BII ou de l’IFC. Si ce pari est tenu, le fonds de crédit d’Enko Capital pourrait devenir l’un des jalons clés de la construction d’un véritable marché africain du crédit privé, offrant aux entreprises du continent une nouvelle voie de financement et aux investisseurs une exposition ciblée à la croissance africaine.

Patrick Tchounjo

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