CEMAC : Bange Bank Cameroun accède au refinancement direct de la BEAC

La Banque des États de l’Afrique centrale vient de faire entrer un nouvel acteur dans le cœur de son dispositif monétaire. Par Décision n°144/GR/2025 signée le 21 novembre 2025, le gouverneur Yvon Sana Bangui a officialisé l’admission de Bange Bank Cameroun au compartiment des interventions de la BEAC sur le marché monétaire. La filiale camerounaise de la banque équato-guinéenne devient ainsi contrepartie éligible aux opérations de refinancement de la Banque centrale, avec un accès direct, encadré et sécurisé à la liquidité de l’Institut d’émission.
Cette décision, d’application immédiate, est bien plus qu’une simple formalité administrative. Elle marque la reconnaissance par la BEAC de la solidité prudentielle, de la conformité réglementaire et de la capacité opérationnelle de Bange Bank Cameroun à interagir au premier niveau avec la Banque centrale, au même titre que les grandes banques déjà actives sur ce compartiment.
Une évaluation rigoureuse avant l’accès aux guichets de la BEAC
L’admission au compartiment monétaire de la BEAC n’a rien d’automatique. Elle résulte d’un processus d’évaluation qui vise à s’assurer que l’établissement candidat remplit l’ensemble des conditions prudentielles, techniques et juridiques imposées par la réglementation communautaire.
La Décision n°144/GR/2025 vient clore ce processus en confirmant que Bange Bank Cameroun satisfait aux critères de solvabilité, de qualité des actifs, d’organisation interne, de systèmes d’information et de conformité nécessaires pour devenir une contrepartie de politique monétaire à part entière.
Concrètement, la banque est désormais autorisée à participer aux opérations de refinancement de la BEAC, aux mêmes conditions que les autres établissements éligibles, sous réserve de présenter les garanties (collatéraux) conformes aux règles de l’Institut d’émission.
Accès au “Niveau 2” du marché monétaire : un levier de liquidité stratégique
Avec cette décision, Bange Bank Cameroun accède au Niveau 2 du marché monétaire de la CEMAC, celui où la BEAC injecte directement la liquidité dans le système bancaire. Jusqu’ici, l’établissement devait compter sur des ressources de dépôts, des lignes interbancaires ou des concours indirects pour ajuster sa trésorerie.
Désormais, la banque peut se refinancer directement auprès de la BEAC dans le cadre des Opérations principales d’injection de liquidités (OPIL), dont le taux directeur est le Taux d’Intérêt des Appels d’Offres (TIAO). En cas de besoin urgent de liquidité au jour le jour, elle peut également recourir à la Facilité de prêt marginal (FPM), véritable guichet de dernier ressort de la Banque centrale.
Pour Bange Bank Cameroun, l’enjeu est double. D’un côté, l’accès à ces guichets améliore la gestion de la trésorerie et réduit le risque de tensions ponctuelles sur la liquidité. De l’autre, il renforce sa capacité à maintenir un flux de crédit continu vers l’économie réelle, en particulier dans un environnement marqué par des chocs macroéconomiques et des arbitrages plus serrés en matière de liquidité réglementaire.
Un signal positif pour le marché monétaire de la CEMAC
Au-delà du cas spécifique de Bange Bank Cameroun, cette admission est perçue par plusieurs experts comme un signal positif pour le marché monétaire de la CEMAC. L’augmentation du nombre de contreparties éligibles aux opérations de la BEAC contribue à l’approfondissement du marché et à une meilleure transmission de la politique monétaire.
Plus il y a d’acteurs solides capables de se refinancer et de placer des excédents sur ce marché interbancaire adossé à la Banque centrale, plus la circulation de la liquidité peut gagner en fluidité. Cette dynamique réduit potentiellement les tensions sur le coût du financement, favorise un meilleur arbitrage des taux et renforce l’efficacité du canal de taux directeur dans la zone.
Pour la BEAC, élargir le cercle des banques refinançables est également un moyen de disposer de capteurs d’information plus diversifiés sur l’état de la liquidité et des risques dans chaque pays, ce qui enrichit le pilotage de la politique monétaire au niveau régional.
Un gain de crédibilité pour Bange Bank Cameroun
Pour Bange Bank Cameroun, l’admission comme contrepartie de la BEAC représente aussi un saut en crédibilité auprès de ses clients, de ses partenaires et des autres établissements. Être reconnu comme éligible au compartiment des interventions de la Banque centrale signifie que l’établissement est jugé respectueux des normes de gestion des risques, suffisamment capitalisé et techniquement capable de gérer des opérations de refinancement complexes.
Cette reconnaissance peut renforcer la confiance des déposants institutionnels, accroître l’appétit des correspondants et faciliter la conclusion de syndications ou de partenariats de financement avec d’autres banques de la place. Elle place aussi la filiale camerounaise de Bange dans une position plus favorable pour soutenir des opérations de plus grande taille, notamment dans le financement des entreprises, des projets structurants ou des opérations de commerce extérieur.
Un jalon de plus dans l’évolution du paysage bancaire camerounais
L’entrée de Bange Bank Cameroun dans le cercle des contreparties de la BEAC s’inscrit dans une évolution plus large du paysage bancaire camerounais et sous-régional. Depuis plusieurs années, de nouveaux établissements souvent venus d’autres pays de la CEMAC ou d’Afrique s’implantent sur le marché, intensifiant la concurrence mais aussi diversifiant les profils d’acteurs.
En accédant au compartiment monétaire, Bange Bank Cameroun rejoint un groupe de banques considérées comme suffisamment structurées pour participer au pilotage fin de la liquidité et au relais de la politique monétaire vers l’économie réelle. Cette montée en gamme est un signal à destination du marché : la banque entend jouer pleinement son rôle dans le financement de l’économie et dans le fonctionnement des marchés monétaires de la CEMAC.
Reste que cet accès à la liquidité de la BEAC s’accompagne d’une exigence accrue de discipline, de transparence et de gestion des risques. Dans un contexte où la Banque centrale a renforcé ses exigences prudentielles et resserré son cadre d’intervention, la capacité de Bange Bank Cameroun à utiliser ce nouvel outil de manière prudente et efficace sera observée de près, autant par les autorités que par les autres acteurs financiers de la sous-région.
Patrick Tchounjo



