Côte d’Ivoire : le FMI valide les réformes et débloque 840 millions de dollars

La Côte d’Ivoire vient de franchir une nouvelle étape dans sa relation avec le Fonds monétaire international. Le conseil d’administration du FMI a achevé à Abidjan les cinquième revues des accords appuyés par le Mécanisme élargi de crédit (MEDC) et la Facilité élargie de crédit (FEC), ainsi que la quatrième revue du programme soutenu par la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD).
Ce triple feu vert ouvre la voie à un décaissement immédiat de près de 839,7 millions de dollars, soit environ 473 milliards FCFA. Il consacre la solidité de l’exécution des programmes et confirme la confiance de l’institution dans la stratégie macroéconomique conduite par Abidjan, quelques semaines seulement après l’élection présidentielle d’octobre 2025.
Un dispositif financier massif pour ancrer la stabilité
Approuvé en mai 2023, l’ensemble MEDC–FEC représente un engagement de 2,6 milliards de droits de tirage spéciaux, soit environ 3,5 milliards de dollars. Cet appui pluriannuel a permis de réduire progressivement les déséquilibres budgétaires et extérieurs, tout en maintenant la Côte d’Ivoire dans la catégorie des pays à risque modéré de surendettement.
En parallèle, l’accord au titre de la FRD, doté de 975,6 millions de DTS, vise à accompagner la transition climatique, la résilience économique et la stabilisation de la balance des paiements. Ce volet structurel doit aider le pays à absorber les chocs liés au climat, à verdir progressivement son appareil productif et à mieux gérer les flux externes dans un environnement international volatil.
Pour le FMI, la combinaison de ces trois instruments traduit la volonté d’accompagner simultanément l’ajustement macroéconomique de court terme et la montée en gamme structurelle de l’économie ivoirienne.
Des programmes jugés « solides » et pleinement exécutés
Les conclusions de la revue sont sans ambiguïté. Tous les critères quantitatifs arrêtés pour fin juin ont été remplis et les repères structurels affichent des avancées jugées satisfaisantes. Les mesures prévues dans le cadre de la FRD ont, elles aussi, été intégralement mises en œuvre.
Dans un contexte politique marqué par le scrutin présidentiel d’octobre 2025, le FMI souligne la continuité de l’engagement des autorités à maintenir le cap des réformes. Cette constance est considérée comme une condition essentielle pour permettre au pays de rejoindre à moyen terme la catégorie des économies à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, objectif désormais assumé par Abidjan.
Au-delà des déclarations, ce diagnostic positif se matérialise par le nouveau décaissement décidé par le conseil d’administration, qui vient abonder les réserves et soutenir le financement du budget.
Une économie résiliente portée par l’investissement et la diversification
Malgré un environnement international encore incertain, la dynamique ivoirienne reste robuste. Pour 2025, la croissance est attendue à 6,3 %, tirée par les secteurs secondaire et tertiaire, ainsi que par un investissement public et privé qui demeure vigoureux.
La consommation intérieure bénéficie d’une hausse des revenus des ménages et d’une inflation en net repli, autour de 1 %. Sur le plan extérieur, le déficit courant devrait se resserrer à environ 1,5 % du PIB, grâce à une amélioration des termes de l’échange. Le déficit budgétaire, lui, est annoncé à 3 % du PIB, en ligne avec les critères de convergence fixés par l’UEMOA.
À moyen terme, les perspectives restent bien orientées. La stratégie ivoirienne mise sur une diversification plus affirmée, notamment dans les hydrocarbures et les mines, tout en consolidant les acquis des filières traditionnelles comme le cacao, l’anacarde ou le caoutchouc. L’enjeu est de transformer cette croissance soutenue en développement plus inclusif, moins dépendant d’un nombre limité de produits.
Mobilisation fiscale : la clé pour financer l’ambition ivoirienne
L’une des priorités majeures pointées par le FMI reste l’élargissement durable de l’espace budgétaire. Abidjan a adopté en 2024 une Stratégie de mobilisation des recettes à moyen terme qui doit permettre d’augmenter progressivement la pression fiscale pour la porter à 20 % du PIB à horizon moyen terme.
De nouvelles mesures, représentant environ 0,5 % du PIB, sont programmées pour 2026. Elles visent à consolider la base d’imposition, à rationaliser les régimes dérogatoires et à mieux capter les revenus générés par la modernisation de l’économie.
Pour le FMI, cet effort est indispensable pour financer les dépenses sociales, l’investissement public et les infrastructures nécessaires à la transformation structurelle du pays. L’institution encourage également la Côte d’Ivoire à continuer de réduire les exonérations fiscales jugées peu efficaces et à renforcer la transparence dans la gestion des finances publiques. L’objectif est de rassurer à la fois les partenaires techniques et financiers et les investisseurs privés, locaux comme internationaux.

Réformes structurelles et gouvernance au centre du dispositif
Les réformes en cours ne se limitent pas aux agrégats macroéconomiques. Elles couvrent un large spectre, allant de l’amélioration du climat des affaires au renforcement de la gouvernance des entreprises publiques.
Le FMI insiste notamment sur la nécessité de consolider les dispositifs de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Pour Abidjan, sortir rapidement de la liste grise du GAFI constitue un enjeu de crédibilité majeur, tant pour l’intégration financière régionale que pour l’attractivité vis-à-vis des investisseurs internationaux.
Le développement du capital humain occupe aussi une place centrale. La formation des jeunes, l’autonomisation économique des femmes, l’inclusion financière et la réduction de l’informalité sont identifiées comme des leviers prioritaires pour élargir la base de la croissance et réduire les inégalités. En misant sur ces dimensions, les autorités espèrent ancrer une trajectoire de croissance plus large, mieux répartie et moins vulnérable aux chocs.
Un signal fort envoyé aux marchés et aux bailleurs
Depuis 2023, les performances macroéconomiques et la bonne exécution des programmes appuyés par le FMI témoignent de la détermination des autorités à stabiliser l’économie et à renforcer la résilience du pays. En validant les revues du MEDC, de la FEC et de la FRD, l’institution adresse un signal positif aux bailleurs de fonds et aux marchés obligataires internationaux.
Alors que la Côte d’Ivoire affine sa stratégie de financement pour les prochaines années, notamment sur le marché régional et les émissions en devises, ce feu vert du FMI conforte l’image d’un État capable de concilier discipline budgétaire, investissement massif et réforme structurelle.
Reste désormais la partie la plus délicate : transformer cet appui financier et ces signaux de confiance en gains tangibles pour la population, en emplois formels, en services publics de qualité et en opportunités pour le secteur privé ivoirien. C’est sur cette capacité à convertir la stabilité macroéconomique en progrès visible que se jouera, in fine, la réussite du pari ivoirien.

Patrick Tchounjo



