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Shelter Afrique Development Bank : Lionel Zinsou prend la tête du conseil, un signal fort pour le financement du logement

Lionel Zinsou, l’homme des bilans longs au chevet du logement africain

À Nairobi, Shelter Afrique Development Bank (ShafDB) a officialisé un changement de gouvernance qui en dit long sur sa phase actuelle : l’économiste et ancien Premier ministre béninois Lionel Zinsou a été élu président du conseil d’administration, aux côtés de Said Athman Mtwana nommé vice-président. Les élections ont été conclues lors de la 149e réunion du conseil, tenue le 11 décembre 2025, et annoncées quelques jours plus tard par l’institution.

Le passage de témoin est tout sauf protocolaire. La banque, dédiée au financement du logement, du développement urbain et des infrastructures connexes, revendique une transformation institutionnelle qu’elle veut désormais convertir en puissance d’exécution : plus de projets finançables, plus de partenariats, plus de solutions de long terme dans une industrie où le temps – juridique, foncier, financier, coûte cher.

Une banque panafricaine du logement en quête d’échelle

Créée en 1981 à Lusaka, ShafDB se présente comme une banque multilatérale panafricaine du logement, portée par un actionnariat composé de 44 gouvernements africains et de deux actionnaires institutionnels (Banque africaine de développement et Africa-Re). Son mandat couvre la chaîne de valeur, côté offre comme côté demande, via plusieurs lignes d’activité allant des institutions financières aux projets et aux PPP.

Dans ce cadre, le président du conseil n’est pas seulement un arbitre : il devient la “main” qui fixe le tempo entre stratégie, gouvernance et appétit au risque. D’autant que la banque revendique une ambition explicite : accélérer des solutions de financement innovantes, renforcer les partenariats et pousser un développement urbain inclusif et résilient au climat.

Le parcours Zinsou : finance d’entreprise, banque d’affaires, capital-investissement, État

Lionel Zinsou arrive avec un profil construit sur les métiers du capital long. SouthBridge, la structure qu’il a fondée et qu’il dirige, le présente comme un économiste né en 1954, de double nationalité béninoise et française, passé par l’enseignement et la recherche avant d’entrer dans l’appareil d’État puis dans le privé.

Son itinéraire se lit comme un enchaînement de “couches” utiles à une banque de développement sectorielle :

  • une première vie académique et de conseil, avec des missions auprès d’organisations internationales et de l’administration française ;
  • un passage par l’industrie agroalimentaire, où il a occupé des responsabilités exécutives ;
  • surtout, une carrière de banque d’affaires puis de private equity : SouthBridge indique qu’il a été associé-gérant chez Rothschild & Cie (avec des responsabilités incluant l’Afrique/Moyen-Orient) avant de diriger PAI Partners entre 2008 et 2015, à la tête d’une plateforme alors donnée pour plus de 11 milliards d’euros d’actifs sous gestion.

Le détour par la politique, enfin, n’est pas anecdotique : ShafDB rappelle qu’il a été Premier ministre du Bénin (2015–2016), une expérience qui l’a confronté, côté public, à la réalité des contraintes budgétaires, de la négociation multilatérale et des arbitrages sociaux – exactement le triangle dans lequel se loge le financement du logement abordable.

Ce que son élection raconte de la nouvelle phase de ShafDB

La banque assume que l’élection intervient à un “moment charnière” de sa transformation. Dans sa déclaration, Lionel Zinsou parle d’un besoin continental “urgent” en logements dignes et abordables et promet une gouvernance orientée vers des investissements capables de renforcer les communautés et de créer de l’opportunité économique.

Le directeur général de la banque a, lui, relié ce changement de leadership à la montée en puissance attendue : approfondir la transformation en banque de développement “plein exercice”, accélérer les solutions de financement du logement, et renforcer les partenariats au service d’une urbanisation inclusive.

Dans le même mouvement, l’institution a salué la gouvernance sortante : Dr Chii Akporji quitte la présidence, tandis que Ahmed Belayat quitte la vice-présidence du conseil.

Un enjeu direct pour les banques d’Afrique francophone

Pour l’espace francophone, le signal est particulièrement lisible : le logement est un actif “désiré” mais difficilement finançable sans ressources longues, mécanismes de garantie, ingénierie foncière et pipelines de projets solides. Une banque panafricaine spécialisée peut jouer un rôle d’interface : rendre les projets bancables, partager le risque, structurer des solutions avec les banques commerciales et mobiliser des cofinancements.

Avec un président de conseil issu de la banque d’affaires et du capital-investissement, ShafDB semble miser sur une compétence-clé : transformer une ambition sociale (loger) en équation financière tenable (maturités, risques, gouvernance, exécution) sans perdre de vue la contrainte de durabilité qui reconfigure désormais l’immobilier et les villes.

Patrick Tchounjo

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