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Bénin : la BID mobilise 306,89 millions d’euros pour moderniser l’axe Godomey–Ouidah–Hillacondji

Le Bénin vient d’obtenir un financement majeur pour l’un de ses segments routiers les plus sensibles. La Banque islamique de développement (BID) a approuvé 306,89 millions d’euros en faveur du projet d’extension de capacité et de modernisation de la route Godomey–Ouidah–Hillacondji, un corridor de 58,5 kilomètres situé au sud du pays. La décision a été entérinée lors de la 363e réunion du Conseil des administrateurs exécutifs de l’institution, dans un paquet de projets totalisant environ 1,365 milliard de dollars pour 12 pays membres.

Au-delà du montant, c’est la portée stratégique de l’axe qui donne du relief à l’opération : l’itinéraire fait partie du corridor Abidjan–Lagos, l’un des principaux couloirs économiques et logistiques de l’Afrique de l’Ouest, traversant cinq pays et concentrant une large part des flux commerciaux régionaux.

Une route à forte densité économique, entre mobilité urbaine et échanges transfrontaliers

Godomey, Ouidah, Hillacondji : ces points ne sont pas seulement des repères géographiques. Ils structurent une zone où se superposent trafic urbain et périurbain, activités portuaires et commerciales autour du Grand Cotonou, et circulation transfrontalière vers le Togo, puis le Nigeria. Dans cette configuration, la route joue un double rôle : elle absorbe la mobilité quotidienne des populations et porte une partie de la compétitivité logistique des entreprises.

La modernisation vise donc un objectif simple mais décisif : augmenter la capacité, améliorer la qualité de service et réduire les frictions qui transforment un axe vital en goulet d’étranglement. Dans un corridor régional, quelques kilomètres saturés peuvent suffire à dégrader l’ensemble de la chaîne, en allongeant les délais, en renchérissant les coûts et en fragilisant la fiabilité des livraisons.

Le corridor Abidjan–Lagos : quand l’infrastructure devient politique économique

Le corridor Abidjan–Lagos est identifié comme un projet structurant de l’espace ouest-africain, reliant la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo, le Bénin et le Nigeria sur l’axe côtier. L’enjeu dépasse la route : c’est un dispositif de compétitivité régionale. Quand les temps de trajet baissent et que les délais se stabilisent, les opérateurs réduisent leurs stocks de sécurité, optimisent la logistique et libèrent du capital de roulement. À l’inverse, des corridors dégradés fonctionnent comme une “taxe invisible” sur l’économie : carburant, maintenance, pertes, retards, coûts de sécurité, primes de risque.

Dans ce cadre, l’intervention de la BID s’apparente à un pari sur l’effet d’entraînement : moderniser un maillon critique pour déclencher des gains en cascade sur les échanges, la mobilité, la fluidité aux frontières et l’attractivité des investissements le long du tracé.

Un financement qui change l’échelle… et déplace le débat vers l’exécution

L’enveloppe de 306,89 millions d’euros place le projet parmi les opérations routières les plus significatives de la période récente, à l’échelle du pays comme de la sous-région. Mais, comme souvent dans les grands chantiers, le vrai débat commence après l’approbation : calendrier réel, qualité des ouvrages, maîtrise des coûts et, surtout, continuité de performance une fois les travaux livrés.

Car moderniser une route internationale ne se résume pas à “élargir”. La performance dépend aussi de l’écosystème : sécurité routière, drainage, entretien, contrôle de la surcharge, signalisation, et cohérence avec les aménagements connexes (zones de contrôle, aires de stationnement, accès aux pôles urbains). À défaut, l’infrastructure peut rapidement perdre les gains acquis.

Intégration régionale : le test de la fluidité aux frontières

Le projet est explicitement rattaché à un objectif de renforcement d’un segment stratégique du corridor Abidjan–Lagos. Or, dans les corridors ouest-africains, le temps perdu ne se situe pas seulement sur la chaussée : il se concentre aussi aux interfaces (postes de contrôle, procédures, multiplicité d’arrêts, gestion du transit).

Autrement dit, le retour économique maximal viendra si la modernisation routière s’accompagne d’une logique de fluidité : meilleure organisation du trafic, réduction des points de friction et intégration des pratiques de facilitation du commerce. Une route plus rapide vers une frontière lente ne produit qu’une partie de l’effet attendu.

Ce que le Bénin cherche à gagner : temps, coût, sécurité… et crédibilité

À court terme, l’impact attendu est classique mais décisif : baisse des temps de trajet, réduction des coûts de transport, amélioration de la sécurité et du confort de circulation. À moyen terme, l’enjeu est plus structurel : faire de cet axe un levier d’attractivité pour les investissements, notamment dans la logistique, l’industrie légère, les services commerciaux et les activités le long du corridor.

Pour le Bénin, ce financement confirme enfin une priorité de politique économique : faire des infrastructures de transport un instrument d’ouverture régionale, en s’adossant à des corridors où se joue une partie de la croissance ouest-africaine. La BID, elle, envoie un signal clair : dans sa grille d’intervention, les corridors ne sont pas des projets techniques, mais des accélérateurs d’intégration et de compétitivité.

Patrick Tchounjo

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