Inclusion Financière

Africa Finance Corporation : la Guinée équatoriale devient le 47ᵉ membre et veut accélérer sa diversification

La Guinée équatoriale fait un pas stratégique dans sa quête de diversification économique. Africa Finance Corporation (AFC), l’un des principaux financeurs panafricains d’infrastructures, a annoncé l’adhésion officielle du pays comme 47ᵉ État membre. Cette entrée intervient quelques mois après celle de la République centrafricaine et confirme la volonté de l’institution de renforcer son empreinte en Afrique centrale, région longtemps en retrait sur les grands flux d’investissements structurants.

Pour Malabo, le message est clair : transformer une rente pétrolière en instruments de développement, en s’appuyant sur une plateforme financière et technique capable de structurer des projets « bancables » au-delà des hydrocarbures.

D’un modèle rentier à l’agenda « Horizon 2035 »

Pays pétrolier à hauts revenus, la Guinée équatoriale a longtemps fondé sa trajectoire sur l’exploitation des hydrocarbures, avec des recettes budgétaires et en devises massivement dépendantes du secteur. Mais la baisse tendancielle de la production, la volatilité des cours et les exigences de transition énergétique ont mis en lumière la vulnérabilité de ce modèle.

Avec le plan stratégique « Horizon 2035 », les autorités affichent désormais un objectif : diversifier la base productive et construire des relais de croissance dans les infrastructures énergétiques, numériques et logistiques, ainsi que dans l’industrialisation.

Dans ce contexte, l’adhésion à l’AFC n’est pas qu’un geste institutionnel. Elle constitue un levier pour accéder à une ingénierie de projets capable de transformer des intentions politiques en montages financiers solides, à des instruments de dette, de capital et de réduction des risques, ainsi qu’à un réseau de co-financeurs et d’investisseurs internationaux déjà mobilisés sur d’autres opérations du continent. « Rejoindre Africa Finance Corporation représente une étape importante pour notre développement national », a déclaré le ministre des Finances, Iván Bacale Ebe Molina, en soulignant le rôle attendu de l’AFC dans la structuration de projets d’infrastructures à forte valeur ajoutée.

L’AFC, plateforme de financement pour les infrastructures stratégiques

Depuis sa création, l’AFC s’est imposée comme un acteur clé du financement d’infrastructures en Afrique, avec plus de 17 milliards de dollars investis dans 36 pays. Son modèle repose sur une double expertise : la capacité à structurer des transactions complexes et celle à mobiliser des capitaux, à la fois sur les marchés internationaux et auprès de partenaires de développement.

Pour la Guinée équatoriale, l’adhésion ouvre l’accès à l’ensemble de cette boîte à outils. L’AFC peut intervenir en amont dans la préparation et la structuration de projets – études, structuration juridique et financière, proposer des financements en dette à long terme, participer en capital à des projets ou à des véhicules dédiés et mettre en œuvre des solutions de rehaussement de crédit et de gestion des risques afin d’attirer d’autres investisseurs.

Le président-directeur général de l’AFC, Samaila Zubairu, a salué l’entrée du nouveau membre, soulignant que Malabo s’est fixé « un programme ambitieux » de diversification et de construction d’infrastructures de classe mondiale. L’institution envisage de mobiliser des financements dans les énergies renouvelables, les transports et la logistique, autant de secteurs appelés à soutenir la compétitivité du pays à l’échelle régionale.

Afrique centrale : un maillage qui se densifie

Avec l’adhésion de la Guinée équatoriale, l’AFC consolide sa présence en Afrique centrale, où elle compte déjà parmi ses membres le Cameroun, le Gabon, le Tchad, la République centrafricaine, la RDC, Sao Tomé-et-Principe, le Burundi et l’Angola.

Cette densification du maillage régional répond à un double objectif. Il s’agit d’une part de créer une masse critique de pays membres permettant de structurer des projets transfrontaliers – corridors logistiques, interconnexions électriques, hubs portuaires ou numériques – et d’autre part d’attirer davantage de capitaux internationaux vers une zone encore faiblement intégrée aux chaînes de valeur mondiales et souvent perçue comme plus risquée que d’autres sous-régions africaines.

En rejoignant le club, la Guinée équatoriale s’offre la possibilité de s’inscrire dans des programmes régionaux en matière d’énergie, de transports ou de logistique maritime, de co-investir dans des projets avec d’autres États membres et des acteurs privés, et de bénéficier de l’effet de signal envoyé par l’AFC auprès des bailleurs et des marchés. Dans un environnement où l’accès aux financements de long terme devient plus sélectif, cette labellisation par une institution spécialisée constitue un atout non négligeable.

Énergie, logistique, industrie : les chantiers prioritaires

L’agenda de coopération entre Malabo et l’AFC devrait se structurer autour de plusieurs priorités. Dans le secteur de l’énergie, l’enjeu est de moderniser les infrastructures existantes, d’intégrer davantage de renouvelables solaire, solutions gaz-to-power optimisées, systèmes hybrides et de renforcer les interconnexions régionales. Une meilleure intégration au réseau sous-régional pourrait transformer la Guinée équatoriale en fournisseur plus fiable pour ses voisins, tout en sécurisant son propre approvisionnement.

Sur le plan logistique, la position côtière du pays, ses infrastructures portuaires et ses ambitions de hub régional peuvent être davantage valorisées, à condition d’investir dans des équipements modernes, des zones logistiques intégrées et des corridors efficaces reliant les ports aux hinterlands régionaux.

Du côté de l’industrialisation, l’AFC pourrait accompagner des projets de transformation locale de matières premières, des zones économiques spéciales ou des complexes industriels intégrés, en s’appuyant sur son expérience dans d’autres pays africains.

Des promesses aux résultats : le défi de la bancabilité

Reste un défi central : transformer les ambitions en projets bancables. La Guinée équatoriale souffre, comme d’autres économies fortement dépendantes des hydrocarbures, de la difficulté à bâtir des pipelines de projets bien structurés, avec des cadres réglementaires stables, des partenaires privés crédibles et des modèles économiques soutenables.

L’AFC se positionne précisément sur ce maillon faible, en intervenant en amont pour structurer des projets qui puissent attirer non seulement son propre capital, mais aussi celui des fonds d’investissement, des banques commerciales et des institutions multilatérales.

Pour Malabo, la réussite de cette adhésion se mesurera donc moins au nombre de communiqués publiés qu’à la concrétisation de quelques projets emblématiques : centrales énergétiques, infrastructures logistiques, parcs industriels ou projets numériques capables d’ancrer durablement la diversification visée par le plan « Horizon 2035 ».

Un signal pour les investisseurs et pour la sous-région

L’arrivée de la Guinée équatoriale porte à trois le nombre de nouveaux États ayant rejoint l’AFC au cours de la dernière année. Elle renforce le rôle de l’institution comme catalyseur d’investissements en infrastructures sur le continent, dans un contexte où les financements concessionnels se raréfient et où les marchés internationaux sont plus volatils.

Pour les investisseurs, cette adhésion envoie un signal de volonté de réforme et d’ouverture. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de repositionnement de certains pays d’Afrique centrale, désireux de mieux capter les flux de capitaux privés et de ne plus rester à la marge des grands projets structurants africains.

Pour la Guinée équatoriale, le pari est désormais de transformer l’accès aux outils de l’AFC en résultats tangibles : renforcement des réseaux, capacités énergétiques additionnelles, plateformes industrielles opérationnelles. C’est à cette aune que sera jugée, dans les prochaines années, la portée réelle de ce nouveau partenariat.

Patrick Tchounjo

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