Banque mondiale – CEMAC : 290 millions USD pour bâtir la résilience, le Cameroun en tête du dispositif

La Banque mondiale renforce son ancrage en Afrique centrale avec une nouvelle enveloppe de 290 millions de dollars destinée à consolider la sécurité sanitaire et la stabilité économique dans la sous-région. Annoncée le 29 octobre 2025, cette extension du Programme de sécurité sanitaire en Afrique de l’Ouest et du Centre (HeSP) positionne le Cameroun comme un acteur clé de la résilience régionale, tout en associant la République centrafricaine, la République du Congo, le Tchad et la Commission de la CEMAC.
Cette nouvelle phase du programme, financée à hauteur de 280 millions USD sous forme de dons et crédits de l’Association internationale de développement (IDA), est complétée par 10 millions USD du Mécanisme de financement mondial (GFF).
L’objectif est clair : renforcer les capacités de prévention, de détection et de riposte face aux urgences sanitaires, tout en améliorant la coopération régionale dans la prévention et la gestion des crises sanitaires.
Le Cameroun, pilier de la coordination régionale
Par sa taille économique, son poids institutionnel et son système de santé plus structuré, le Cameroun s’impose comme le pivot central du dispositif régional. Le pays abrite déjà plusieurs institutions stratégiques de la CEMAC, dont la Commission bancaire de l’Afrique centrale (COBAC) et le siège de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), deux piliers du système financier régional.
Près de 90 millions USD, soit près d’un tiers du financement total, devraient être directement alloués au Cameroun pour des projets structurants. Parmi les priorités figurent la modernisation des laboratoires nationaux, la digitalisation des systèmes de surveillance épidémiologique, le renforcement des infrastructures hospitalières et l’amélioration de la logistique médicale transfrontalière.
En jouant ce rôle de centre de coordination, le Cameroun consolide sa position de leader régional et en tire d’importants bénéfices économiques. Les entreprises locales, notamment dans la logistique, la pharmacie et les technologies de santé, devraient capter une part importante des retombées des marchés publics liés au programme.
Un impact structurant sur la résilience régionale
Outre le Cameroun, la République centrafricaine, la République du Congo et le Tchad bénéficieront également de ce financement. Ces trois pays, particulièrement vulnérables face aux crises sanitaires et aux défis logistiques, verront leurs systèmes de santé renforcés à travers la construction de laboratoires régionaux, la formation de personnel médical et la mise en place de mécanismes d’alerte rapide.
La Commission de la CEMAC, de son côté, jouera un rôle de supervision et de coordination, afin d’assurer la cohérence des actions entre les États membres. Cette approche régionale permettra d’harmoniser les politiques de santé publique, de mutualiser les ressources et de réduire les risques transfrontaliers, notamment dans les zones à forte mobilité économique et commerciale.
Leçons tirées des crises passées
Ce programme s’inscrit dans la continuité des leçons tirées des épidémies d’Ebola et de la Covid-19, qui ont mis en lumière les faiblesses des systèmes sanitaires africains et la nécessité d’une réponse collective structurée.
En étendant le programme HeSP à la CEMAC, la Banque mondiale entend accélérer la construction d’un réseau régional de surveillance épidémiologique, soutenir la formation du personnel de santé, renforcer les capacités logistiques et favoriser une meilleure intégration institutionnelle.
Le Cameroun jouera un rôle central dans la création d’un centre régional d’alerte sanitaire, basé à Yaoundé, en lien avec l’Africa CDC et l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce centre analysera en temps réel les données régionales, permettant une réaction rapide face aux flambées épidémiques.
Un levier de stabilité économique et financière
Au-delà de la dimension sanitaire, le programme constitue un instrument de stabilité macroéconomique pour la région. Les crises sanitaires entraînent souvent un choc budgétaire et commercial majeur, affectant directement la liquidité bancaire, le commerce intra-régional et les recettes fiscales.
En investissant dans la résilience, la Banque mondiale vise à réduire le coût économique des pandémies et à préserver les équilibres financiers des États membres.
Le Cameroun, dont l’économie pèse plus de 40 % du PIB de la CEMAC, sera le premier bénéficiaire de cette stabilisation. En renforçant son système de santé, le pays améliore non seulement la protection de sa population active, mais aussi la confiance des investisseurs, notamment dans les secteurs à forte intensité de main-d’œuvre comme l’agro-industrie et les services.
Un ancrage institutionnel et diplomatique renforcé
Cette initiative conforte également la place du Cameroun dans la diplomatie économique régionale. En assumant la coordination d’un programme soutenu par la Banque mondiale, le pays consolide son influence institutionnelle au sein de la CEMAC et renforce sa crédibilité auprès des bailleurs internationaux.
Ce leadership s’inscrit dans une dynamique plus large, où la santé publique devient un levier de développement et de stabilité financière.
Selon des observateurs régionaux, la Banque mondiale cherche ainsi à faire du Cameroun un hub de la résilience institutionnelle en Afrique centrale, un rôle similaire à celui que la Côte d’Ivoire occupe en Afrique de l’Ouest.
Une stratégie pour un développement durable et inclusif
Le programme HeSP ne se limite pas à la gestion des crises sanitaires. Il ambitionne de renforcer le capital humain, en intégrant les femmes et les jeunes dans les politiques de résilience.
Le GFF mobilise notamment des ressources pour soutenir la santé maternelle et infantile, améliorer l’accès aux soins de base et réduire les inégalités dans les zones rurales.
Pour la CEMAC, cette enveloppe de 290 millions USD symbolise un nouveau modèle de coopération régionale, où le développement sanitaire devient un pilier de la stabilité macroéconomique et sociale.
le Cameroun sort renforcé de cette initiative. Il se positionne comme pilier régional de la santé et de la gouvernance financière, tout en tirant profit d’une dynamique d’investissement structurante.
Dans un contexte où la résilience sanitaire est désormais considérée comme un actif économique, le pays consolide son statut de locomotive de la CEMAC et de partenaire stratégique de la Banque mondiale.
Patrick Tchounjo



