Agenda & Événements

BEAC : coopération renforcée avec les institutions financières internationales sous la conduite du Gouverneur Yvon SANA BANGUI

À l’occasion des Assemblées annuelles du FMI et du Groupe de la Banque mondiale tenues en octobre, la Banque des États de l’Afrique centrale renforce sa diplomatie financière et technique. Sous la conduite du Gouverneur Yvon SANA BANGUI, la BEAC a structuré ses échanges autour de quatre axes prioritaires qui répondent aux vulnérabilités et aux opportunités de la CEMAC : stabilité monétaire et financière, modernisation des systèmes et moyens de paiement, financement de l’économie réelle, mobilisation de capitaux pour le climat et les infrastructures.

Pourquoi cette séquence est stratégique pour la CEMAC

La sous-région évolue dans un environnement de taux globalement plus élevés, de tensions sur la liquidité bancaire, d’exigences prudentielles accrues et de besoins d’investissement massifs. Dans ce contexte, la BEAC cherche simultanément à préserver l’ancrage nominal, à améliorer la transmission de la politique monétaire, à approfondir les marchés locaux de capitaux et à capter des ressources concessionnelles et catalytiques. L’objectif immédiat est de sécuriser la stabilité financière tout en créant les conditions d’un financement plus profond et plus long de l’économie réelle, notamment pour les PME, les infrastructures et les secteurs à effet d’entraînement.

Coordination BEAC–BCEAO et intégration régionale

Une séance de travail avec la BCEAO a réaffirmé la volonté des deux banques centrales d’accélérer l’interconnexion technique et l’alignement des cadres prudentiels. Les chantiers discutés portent sur l’interopérabilité des paiements de détail et de gros, la fluidité des transferts intrarégionaux, la convergence des référentiels de conformité et l’harmonisation des pratiques de supervision. En toile de fond, il s’agit d’abaisser les coûts de transaction, de réduire les délais de règlement, de limiter les risques opérationnels et de favoriser une circulation plus efficiente de l’épargne au sein des espaces CEMAC et UEMOA.

Politique monétaire et gestion de la liquidité

La BEAC poursuit l’optimisation de ses instruments de politique monétaire afin de mieux piloter la liquidité et d’améliorer la prévisibilité des conditions financières. Les priorités portent sur la clarification du corridor des taux directeurs, l’approfondissement des opérations d’open market, l’élargissement du panier de collatéral et l’amélioration des adjudications. À moyen terme, l’ambition est de renforcer la courbe des taux en monnaie locale pour dynamiser la titrisation, les émissions de titres publics et l’investissement institutionnel.

Paiements, RTGS et sécurité des infrastructures

La modernisation des systèmes de paiement s’appuie sur la montée en gamme de la plateforme RTGS, la consolidation du dépositaire central et l’amélioration de la résilience cyber et opérationnelle. L’interopérabilité avec les schémas régionaux, y compris ceux soutenus par le GIMAC pour le retail, reste un levier majeur pour la bancarisation, l’efficacité des règlements et la réduction de l’usage du cash. L’accent est mis sur la conformité AML/CFT et sur la traçabilité, conditions indispensables pour attirer des correspondants bancaires de qualité et réduire les risques de dé-risquage.

Financement de l’économie réelle et rôle des marchés

Le dialogue avec les partenaires multilatéraux vise à mobiliser des lignes concessionnelles, des garanties et des mécanismes de partage de risques pour démultiplier le crédit productif. Trois canaux sont privilégiés. Premièrement, le renforcement des marchés primaires et secondaires de titres publics afin d’offrir une base d’actifs sûrs et de référence pour la tarification. Deuxièmement, l’appui à des véhicules de crédit privé et de titrisation pour canaliser l’épargne domestique vers les projets d’infrastructure, l’agro-industrie, l’énergie et le numérique. Troisièmement, la promotion d’instruments favorisant l’accès des PME au financement, en articulation avec les banques commerciales et les institutions de garantie.

Climat, infrastructures et finance durable

La BEAC inscrit ses discussions dans les nouveaux cadres internationaux de financement climatique et de résilience. Les priorités incluent la préparation de portefeuilles bancables alignés avec les taxonomies vertes, l’accès à des guichets climats et à des garanties permettant d’abaisser le coût du capital, ainsi que l’amélioration de la donnée extra-financière pour évaluer les risques physiques et de transition. La mobilisation de capitaux pour les infrastructures s’appuie sur des structures de financement mixtes, combinant ressources multilatérales, capitaux privés et dispositifs de rehaussement de crédit.

Gouvernance, transparence et supervision

Sur le plan domestique, la BEAC accélère la mise à niveau des cadres de gouvernance, de reporting et de transparence. La consolidation prudentielle, en coordination avec la COBAC, vise à renforcer la qualité des fonds propres, la gestion du risque de crédit et la résilience opérationnelle des établissements. L’objectif est de réduire les asymétries d’information, de mieux calibrer les exigences macroprudentielles et d’anticiper les chocs potentiels liés à la conjoncture internationale.

Feuille de route et indicateurs de succès

La trajectoire de mise en œuvre s’articule autour d’étapes mesurables. Stabilisation de la liquidité interbancaire et réduction de la volatilité des taux courts. Augmentation des volumes et de la profondeur sur les adjudications et sur le marché secondaire des titres publics. Réduction des coûts et des délais de paiement transfrontaliers au sein de la CEMAC. Progression du taux de bancarisation et du nombre de comptes de transaction actifs. Mobilisation accrue de financements climats et d’instruments de garantie. Amélioration des indicateurs de conformité et de cybersécurité des infrastructures financières.

Enjeux pour les acteurs bancaires

Pour les banques de la CEMAC, la séquence en cours annonce un environnement plus exigeant mais porteur d’opportunités. La rémunération du risque devrait se normaliser avec une meilleure profondeur des marchés et une courbe des taux plus lisible. Les établissements les plus agiles bénéficieront des nouveaux dispositifs de garantie, de l’essor des paiements numériques et de la standardisation des processus de conformité. À l’inverse, la maîtrise des coûts de financement, la qualité des collatéraux et la préparation aux stress tests deviendront déterminantes pour préserver les marges et la solidité bilancielle.

Patrick Tchounjo

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page