BGFI Holding fait entrer la BVMAC dans une nouvelle dimension et vise 240 milliards FCFA de capital d’ici 2030

Le marché financier de l’Afrique centrale vient de changer de taille. Le 14 novembre 2025 à Libreville, BGFI Holding Corporation SA, maison mère du groupe BGFI Bank, a officiellement lancé son introduction en bourse sur la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC). Pour la première fois, le premier groupe bancaire d’Afrique centrale ouvre son capital au public, avec l’ambition assumée de financer sa croissance et de peser sur la refondation de l’architecture financière régionale.
L’opération porte sur 10 % du capital de BGFI Holding, soit 1 573 536 actions mises sur le marché au prix de 80 000 FCFA l’unité, pour un montant cible d’environ 125,9 milliards de FCFA. La période de souscription s’étend du 10 novembre au 24 décembre 2025, avec un ticket minimum fixé à 10 actions, soit 800 000 FCFA. Les nouveaux actionnaires seront éligibles aux dividendes dès janvier 2026, ce qui donne d’emblée une dimension patrimoniale forte au titre.
Un choc de taille pour la BVMAC et le marché CEMAC
L’introduction de BGFI Holding agit comme un multiplicateur sur la place boursière régionale. La capitalisation de la BVMAC doit tripler, passant d’environ 66 à 192 milliards de FCFA grâce à cette seule opération. Pour une Bourse régulièrement critiquée pour sa faible liquidité, il s’agit d’un saut qualitatif et symbolique qui peut attirer de nouveaux investisseurs institutionnels et inciter d’autres champions nationaux ou régionaux à envisager la cote.
BGFI Holding devient ainsi l’une des premières multinationales de la zone CEMAC à accéder au compartiment actions de la BVMAC avec 10 % de son capital ouvert au public, consacrant Libreville comme l’un des pôles boursiers structurants de l’Afrique francophone. L’opération envoie un signal clair : les grandes banques régionales ne se contenteront plus des seuls financements bancaires classiques pour soutenir leurs plans de croissance, elles entendent utiliser davantage les marchés de capitaux.
De l’autofinancement à la logique de marché
Jusqu’ici, BGFI Holding reposait principalement sur l’autofinancement et le renforcement progressif de ses fonds propres pour accompagner l’expansion du groupe dans plusieurs pays d’Afrique et en Europe. En ouvrant son capital, la holding change de registre. La levée envisagée sur la BVMAC doit permettre de renforcer le capital, de financer de nouvelles filiales, d’investir massivement dans les systèmes d’information et de soutenir la transformation digitale de la banque, dans le cadre du projet d’entreprise 2026–2030 actuellement en préparation.
Cette introduction en bourse intervient après une phase de préparation capitalistique. Une assemblée générale extraordinaire a validé une augmentation de capital de 15,7 milliards de FCFA, portant le capital social à 157,3 milliards de FCFA, afin de consolider la solidité financière du groupe et de préparer l’ouverture au public. Au premier semestre 2025, le total bilan de BGFI a progressé de manière soutenue, tandis que les fonds propres et le résultat net consolidé affichaient une croissance robuste.
Pour les marchés, le message est limpide : BGFI se positionne comme un groupe bancaire africain de taille systémique, qui assume désormais un niveau de transparence, de gouvernance et d’exigence capitalistique aligné sur les standards des sociétés cotées.
240 milliards de capital visés en 2030 : un objectif qui parle aux banques
Au-delà de la seule opération actuelle, BGFI Holding affiche une trajectoire de capital ambitieuse. L’objectif est d’atteindre 240 milliards de FCFA de capital social à l’horizon 2030. Cette cible s’inscrit dans une logique de renforcement structurel des fonds propres pour soutenir la croissance des encours de crédit, absorber des exigences prudentielles croissantes et financer l’expansion dans les zones identifiées comme pôles de croissance.
Pour le secteur bancaire d’Afrique francophone, l’enjeu est majeur. Un groupe disposant d’un capital renforcé peut augmenter sa capacité d’intermédiation, mener des opérations de financement de grande taille, participer à des syndications transfrontalières et structurer des produits plus sophistiqués, qu’il s’agisse d’obligations bancaires, d’instruments subordonnés, d’émissions en devises ou en monnaie locale. À l’échelle de la CEMAC, cela contribue à accroître la profondeur du système financier et la capacité des banques régionales à rivaliser avec les acteurs internationaux sur les grands dossiers de financement.
Un test grandeur nature pour l’épargne régionale
L’introduction en bourse de BGFI Holding est aussi un test de marché pour l’épargne de la zone CEMAC. Avec un prix unitaire de 80 000 FCFA, l’action se positionne clairement comme un produit à dominante institutionnelle et à destination d’épargnants disposant d’une capacité d’investissement significative, même si le ticket minimum de 10 actions a été conçu pour rester accessible à une partie des particuliers.
L’opération interroge la capacité des citoyens de la CEMAC à se projeter comme actionnaires d’un grand groupe bancaire, dans un environnement où la culture boursière reste encore limitée et où la majorité de l’épargne de détail demeure captive des dépôts bancaires classiques. Si la demande suit, elle validera l’hypothèse qu’un acteur financier solide, régulé, rentable et très visible peut servir de vecteur pédagogique pour démocratiser l’investissement en actions dans la région.
Pour les investisseurs institutionnels, l’enjeu est différent. L’arrivée d’un titre bancaire de cette taille sur la cote BVMAC offre une nouvelle possibilité de diversification sectorielle et géographique, avec un profil de rendement lié à la croissance du crédit, aux commissions et à l’expansion panafricaine du groupe.
Un signal stratégique pour les marchés financiers africains
Le choix de recourir au marché plutôt qu’à un nouvel endettement important pour financer le projet d’entreprise 2026–2030 est un signal adressé au-delà de la CEMAC. BGFI Holding met en scène une trajectoire où une banque africaine de premier plan assume pleinement le rôle des marchés de capitaux dans son financement, tout en renforçant sa gouvernance et sa transparence pour répondre aux exigences des investisseurs.
Pour les autorités de régulation régionales, cette introduction en bourse réussie pourrait devenir un argument concret pour encourager d’autres groupes bancaires, assureurs, énergéticiens ou champions industriels à franchir le pas de la cote. Pour les banques concurrentes, elle fixe un nouveau benchmark en matière de taille de capital, de présence régionale et de recours aux marchés, dans un environnement où la conformité prudentielle, la digitalisation et la pression concurrentielle exigent des bilans plus solides et plus agiles.
Si BGFI Holding parvient à combiner une levée de fonds réussie, une exécution disciplinée de son plan 2026–2030 et une création de valeur tangible pour ses nouveaux actionnaires, l’introduction du 14 novembre 2025 restera comme l’un des jalons fondateurs d’un véritable marché des capitaux bancaires en Afrique centrale.
Patrick Tchounjo



