BIDC–AFG Holding : une ligne de 50 M€ pour faire monter en gamme le financement des PME en Afrique de l’Ouest

La Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) vient de renforcer son rôle de bras financier du secteur privé ouest-africain. Le 18 novembre 2025, à Abidjan, l’institution régionale a signé avec AFG Holding une ligne de crédit de 50 millions d’euros destinée à soutenir les entreprises privées de la CEDEAO via les filiales bancaires du groupe, AFG Bank CI en Côte d’Ivoire et AFG Bank Guinée.
Dans une région où les PME restent le cœur de l’économie mais peinent à accéder à des financements de moyen et long terme, ce mécanisme s’apparente à un test grandeur nature d’un modèle de refinancement régional adossé à des banques commerciales locales.
Une facilité dédiée pour irriguer le tissu productif
L’accord formalise la mise en place d’une facilité de 50 millions d’euros que la BIDC met à la disposition d’AFG Holding, qui la déploiera à travers AFG Bank CI et AFG Bank Guinée au profit d’entreprises opérant dans l’espace CEDEAO. L’objectif est d’augmenter l’offre de crédit destinée au secteur privé et de faire de ces deux banques des relais structurants de la politique de développement de la BIDC.
Pour la banque régionale, la logique est claire : au-delà des seuls projets souverains ou parapublics, il s’agit de s’appuyer sur des intermédiaires bancaires capables de sélectionner, structurer et suivre des dossiers d’entreprises, en particulier des PME. Cette approche, fondée sur des lignes de crédit via des banques partenaires, s’inscrit dans une stratégie consistant à canaliser des ressources longues vers l’économie réelle par l’intermédiaire d’acteurs financiers bien ancrés localement.
Pour AFG Holding, ce partenariat conforte sa montée en puissance comme acteur bancaire régional. Le groupe dispose, à travers ses filiales, d’un réseau d’agences, d’une base clientèle diversifiée et d’une présence croissante sur les services digitaux, autant d’arguments pour jouer un rôle de canal privilégié du financement du secteur privé.
La BIDC positionne le secteur privé comme moteur de la croissance
En présentant l’accord, le président de la BIDC a rappelé le rôle central du secteur privé dans la création de richesse, la promotion de l’emploi et la réduction de la pauvreté dans la région. Dans la plupart des pays de la CEDEAO, les PME représentent l’essentiel du tissu entrepreneurial et une part majeure des emplois, mais restent sous-financées faute de garanties, de maturités adaptées et de produits bancaires conçus pour leurs besoins.
En ciblant explicitement les PME, la nouvelle ligne de crédit vise à corriger ce biais. L’accès à des capitaux en euros, transformés en financements en monnaie locale par AFG Bank CI et AFG Bank Guinée, doit permettre de proposer des crédits d’investissement plus longs, des lignes d’exploitation plus flexibles et des solutions adaptées à l’industrialisation, à la transformation agroalimentaire, aux services et au numérique.
L’accord s’inscrit dans une trajectoire où la BIDC se spécialise de plus en plus comme banque de développement du secteur privé, en multipliant les facilités consacrées au commerce, aux infrastructures résilientes et aux secteurs à fort contenu en emplois.
AFG Holding, un distributeur naturel du risque dans l’espace CEDEAO
Le choix d’AFG Holding comme partenaire reflète sa stratégie d’expansion en Afrique de l’Ouest, avec la reprise et la restructuration d’actifs bancaires dans plusieurs marchés de la région. Grâce à ses filiales, le groupe est déjà présent auprès des particuliers, des PME et des grandes entreprises, et dispose d’une connaissance fine des économies locales.
La ligne de 50 millions d’euros offre à ces institutions une capacité supplémentaire pour financer des projets d’investissement, accroître les capacités de production de leurs clients, renforcer les fonds de roulement et structurer des crédits de maturité plus longue. Pour AFG Holding, ce financement est aussi un catalyseur de croissance institutionnelle : en jouant le rôle d’intermédiaire d’une banque de développement régionale, le groupe devra respecter des exigences renforcées en matière de gouvernance du crédit, de suivi d’impact et de transparence sur l’utilisation des fonds.
Cet alignement sur les standards des institutions de développement peut, à terme, améliorer la perception du risque du groupe auprès d’autres bailleurs et investisseurs.
Une ligne de crédit, plusieurs enjeux pour les banques de la région
Sur le plan bancaire, la facilité BIDC–AFG soulève plusieurs enjeux structurants pour l’écosystème financier ouest-africain.
Elle incarne d’abord un modèle de partage du risque entre une banque de développement supranationale et une banque commerciale régionale. La BIDC mobilise des ressources de moyen et long terme, souvent à des conditions plus favorables que celles du marché, et les canalise vers des banques capables de transformer cette liquidité en prêts productifs. AFG, de son côté, apporte le réseau, la relation commerciale et la capacité d’analyse des dossiers d’entreprises.
Elle interroge ensuite la capacité des banques commerciales de la zone à monter en gamme sur le financement des PME. Historiquement, de nombreux établissements ont privilégié les grandes entreprises, les États et les contreparties les plus sécurisées, au détriment des PME jugées plus risquées. La présence d’une ligne dédiée, adossée à une institution régionale, crée un cadre incitatif pour augmenter le volume de crédits accordés à cette clientèle, avec des conditions plus soutenables.
Enfin, ce type de mécanisme peut servir de référence pour d’autres groupes bancaires de la CEDEAO. Si la ligne est déployée efficacement, avec un taux de défaut maîtrisé et des impacts mesurables en termes d’emplois, d’exportations et de valeur ajoutée, elle pourrait inspirer d’autres partenariats entre la BIDC et des banques commerciales de la région.
Vers une architecture financière ouest-africaine plus complète
Au-delà du crédit lui-même, l’accord ouvre des perspectives d’innovation financière. Une banque disposant d’un portefeuille significatif de crédits PME refinancés par une institution de développement peut, à terme, envisager de structurer des produits de marché adossés à ces portefeuilles, comme des obligations thématiques ou des opérations de titrisation alignées sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance.
Dans un environnement où les marchés de capitaux restent encore peu profonds mais en progression, la combinaison de lignes de crédit régionales et de produits de marché peut contribuer à bâtir une architecture financière plus complète : banques mieux capitalisées, instruments de dette diversifiés, investisseurs institutionnels plus actifs et chaîne de financement plus fluide entre court, moyen et long terme.
La ligne de 50 millions d’euros accordée à AFG Holding ne couvre qu’une fraction des besoins de financement des PME de la CEDEAO, mais elle envoie un signal important. Elle affirme que le financement du secteur privé ouest-africain ne se joue plus seulement dans la relation bilatérale banque–entreprise, mais dans un écosystème structuré associant banques de développement, groupes bancaires régionaux et investisseurs. Si la BIDC et AFG réussissent à démontrer que cette facilité a effectivement permis d’accroître l’accès au crédit, de soutenir l’investissement productif et de créer des emplois, ce partenariat pourrait devenir un modèle reproductible pour d’autres segments du système financier ouest-africain, du financement des infrastructures à la finance verte, en passant par la transformation industrielle et agricole.
Patrick Tchounjo



