Marchés & Financements

BIDC : la BEAC en soutien d’une nouvelle architecture de financement vert pour les économies africaines

Face à l’urgence climatique et à la pression croissante pour une croissance soutenable, la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC) appelle à une mobilisation accrue des capitaux verts au profit des économies africaines. Lors du Africa Financial Industry Summit (AFIS) 2025, son président, Dr George Donkor, a souligné la nécessité de bâtir un écosystème financier africain résilient, capable de canaliser l’épargne locale vers des projets climato-intelligents.

« L’Afrique ne manque pas de ressources, mais de mécanismes efficaces pour les orienter vers des projets durables », a-t-il affirmé à Lomé.

Selon la BIDC, le continent dispose de plus de 160 milliards USD de fonds de pension, dont près de 40 milliards en Afrique de l’Ouest, largement investis dans des titres d’État à faible rendement. Une partie de ces ressources pourrait être redirigée vers des infrastructures vertes énergies renouvelables, mobilité propre, agriculture durable à condition d’améliorer la gouvernance, la transparence et la rentabilité des investissements.

La BEAC, acteur clé de la stabilité monétaire et catalyseur de la finance verte

Dans ce nouveau paradigme, la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) joue un rôle déterminant. En tant que gardienne de la stabilité financière de la CEMAC, la BEAC se positionne de plus en plus comme acteur catalyseur de la finance durable. Sa stratégie vise à intégrer les critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) dans la supervision bancaire et à encourager la création de produits financiers verts à travers les marchés régionaux.

Cette orientation s’inscrit dans une logique de résilience macroéconomique : la transition énergétique ne pourra se faire sans une politique monétaire prudente et un contrôle rigoureux de la liquidité. La BEAC favorise ainsi un cadre propice à la canalisation des capitaux institutionnels vers les projets à impact, tout en préservant la stabilité des prix et la soutenabilité de la dette publique.

La coopération entre la BIDC et la BEAC pourrait permettre de créer des instruments hybrides de financement climatique, combinant ressources publiques, capitaux privés et garanties régionales. Cette approche, déjà adoptée par certaines banques centrales asiatiques, permettrait de dé-risquer les investissements verts et d’attirer des fonds souverains et investisseurs institutionnels internationaux.

Des fonds locaux, un potentiel continental inexploité

L’un des points majeurs évoqués par Dr Donkor concerne la mobilisation de l’épargne domestique. Alors que les fonds de pension africains dépassent les 160 milliards USD, une grande partie reste placée sur des produits à faible rendement, loin des besoins réels du développement durable.

Pour la BIDC, ces capitaux représentent une opportunité historique pour financer la transition verte africaine, à condition que les gouvernements réduisent le risque perçu des projets par des politiques incitatives, des mécanismes de garantie publique et une meilleure transparence des flux financiers.

La BEAC, de son côté, pourrait accompagner cette dynamique à travers la création d’un marché obligataire vert régional et la mise en place d’un cadre réglementaire harmonisé entre les États membres de la CEMAC et de la CEDEAO. En coordonnant les régulations, elle renforcerait la liquidité et la crédibilité des produits financiers verts africains sur les marchés internationaux.

Vers une architecture financière panafricaine durable

L’appel de la BIDC résonne dans un contexte global où le financement climatique demeure inégal. L’Afrique ne reçoit que 3 % des flux mondiaux de capitaux verts, malgré sa vulnérabilité face aux effets du changement climatique. Pour inverser cette tendance, les institutions régionales ( BEAC, BIDC, BOAD, Afreximbank ) cherchent à bâtir un système financier africain intégré capable de soutenir la croissance sans aggraver la dette ni fragiliser les équilibres monétaires.

L’enjeu est double : garantir la soutenabilité économique tout en accélérant la transition écologique. En s’impliquant dans la régulation et l’intermédiation financière, la BEAC s’impose comme un pivot essentiel de cette transformation, reliant la stabilité monétaire à la responsabilité environnementale.

Une Afrique verte, une finance à repenser

Pour la BIDC, l’avenir de la finance africaine dépendra de sa capacité à convertir son épargne locale en investissements productifs et verts. Et pour la BEAC, la priorité sera de créer un environnement monétaire sûr et incitatif, où la rentabilité, la transparence et la durabilité ne s’opposent plus, mais se renforcent.

L’Afrique a les ressources, les talents et les institutions nécessaires pour réussir cette mutation. Ce qui manque encore, c’est un mécanisme de confiance et de coordination à l’échelle continentale, un rôle que la BEAC et la BIDC semblent désormais prêtes à incarner.

Patrick Tchounjo

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