Burkina Faso : la BAD injecte 70 M€ pour remettre le réseau routier sur les rails

Le Burkina Faso s’apprête à bénéficier d’un appui décisif pour moderniser et mieux entretenir son réseau routier, maillon essentiel de son intégration économique et de la stabilité du Sahel. Le 10 décembre, le Conseil d’administration du Fonds africain de développement (FAD), guichet concessionnel du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), a validé un prêt de 70,34 millions d’euros en faveur du pays.
Cette enveloppe s’inscrit dans un montage de financements conjoints réunissant plusieurs partenaires de poids (Banque mondiale, Banque islamique de développement, Agence japonaise de coopération internationale) aux côtés d’une contribution de l’État burkinabè. Au-delà des chiffres, c’est un signal fort envoyé à un pays enclavé, dont les routes restent l’artère vitale pour les échanges, la sécurité alimentaire et la cohésion territoriale.
Désenclaver l’intérieur du pays et soutenir l’agropastoral
Le projet porté par la BAD vise explicitement le désenclavement des régions intérieures et l’amélioration de la mobilité dans des zones à fort potentiel agropastoral. Dans un pays où la majorité de la population vit en milieu rural et dépend des activités agricoles et pastorales, l’état du réseau routier conditionne directement l’accès aux marchés, aux intrants, aux services publics et aux opportunités économiques.
Les ressources du FAD permettront d’équiper cinq régions stratégiques – Ouahigouya, Ziniaré, Kaya, Dori et Fada N’Gourma – en engins et matériels nécessaires à la création de brigades d’entretien routier d’urgence. Ces unités auront pour rôle d’intervenir rapidement sur les tronçons dégradés, de limiter l’isolement saisonnier de certaines localités et d’assurer une meilleure continuité de service.
Dans un contexte sahélien marqué par la fragilité climatique, la dégradation accélérée des infrastructures et l’insécurité, le maintien en état des routes existantes apparaît aussi important que la construction de nouvelles liaisons. C’est ce pari de la maintenance et de la résilience que la BAD choisit d’accompagner.
Un plan d’entretien programmé jusqu’en 2030
L’appui ne se limite pas à l’achat d’équipements. Il porte également sur des travaux de maintenance périodique prévus jusqu’en 2030, afin de sortir de la logique réactive des réparations ponctuelles. L’objectif est de mettre en place une approche plus planifiée, avec des interventions régulières sur les axes ciblés pour prolonger la durée de vie des infrastructures et réduire, à terme, le coût global de la route pour l’État.
Le projet finance aussi la réhabilitation et la construction de bâtiments techniques, d’ateliers et de garages, indispensables au fonctionnement des brigades d’entretien. En renforçant la capacité des services en charge du patrimoine routier, l’intervention de la BAD dépasse la dimension purement matérielle pour s’inscrire dans une logique de professionnalisation et de pérennisation des outils de gestion.
Ce volet institutionnel est crucial dans un pays où les contraintes budgétaires poussent souvent à privilégier la construction visible de nouvelles routes au détriment d’un entretien moins spectaculaire, mais décisif pour la durabilité des investissements.
Un pilier de la stratégie Sahel et du document pays 2022-2026
Pour la Banque africaine de développement, ce prêt routier n’est pas une opération isolée. Il s’inscrit dans le cadre de son initiative spéciale dédiée au Sahel, qui vise à améliorer la connectivité, stimuler le développement économique et contribuer à la stabilité dans une région confrontée à des défis sécuritaires et sociaux majeurs.
L’institution rappelle que le projet est aligné sur le Document de stratégie pays 2022-2026 pour le Burkina Faso. Ce document met l’accent sur l’accès des populations vulnérables aux services essentiels, l’intégration économique et la création d’opportunités locales dans les territoires.
En améliorant la qualité des routes et en renforçant la mobilité entre zones rurales et centres urbains, le programme doit faciliter la circulation des biens et des personnes, l’acheminement de l’aide et des services publics, ainsi que le développement d’activités génératrices de revenus. La route devient ainsi un levier transversal au service de la sécurité alimentaire, de l’éducation, de la santé et de l’emploi.
Un levier pour la transformation structurelle de l’économie
Pour l’économie burkinabè, fortement dépendante de l’agriculture, de l’élevage et de quelques filières d’exportation, le renforcement du réseau routier est un prérequis à toute forme de transformation structurelle. Des liaisons plus fiables et mieux entretenues permettent de réduire les coûts de transport, de limiter les pertes post-récolte, de connecter davantage de producteurs aux marchés urbains et sous-régionaux, et de rendre les territoires périphériques plus attractifs pour l’investissement.
L’amélioration des routes facilite également l’accès aux intrants, aux services financiers et aux technologies, autant de facteurs qui peuvent soutenir la productivité et la diversification des activités. Couplée à d’autres investissements – en énergie, en numérique, en irrigation – elle contribue à bâtir un environnement plus propice au développement des PME, des coopératives et des chaînes de valeur rurales.
En ce sens, le financement de la BAD dépasse la simple logique d’entretien du bitume. Il se positionne comme un instrument de soutien à la croissance inclusive, en cherchant à réduire les écarts entre régions et à donner aux populations rurales des perspectives qui ne passent pas uniquement par l’exode.
Un enjeu de sécurité et de cohésion territoriale
Dans un Sahel sous tension, la route est aussi un enjeu de sécurité et de cohésion territoriale. Des axes praticables et mieux entretenus facilitent les déplacements des forces de sécurité, la desserte des zones sous pression et la présence plus régulière de l’État dans les territoires. Ils réduisent également les risques d’isolement de certaines communautés, particulièrement exposées aux effets combinés de la pauvreté, de l’insécurité et du changement climatique.
En misant sur le renforcement opérationnel du réseau routier, la BAD et ses partenaires cherchent à créer les conditions d’un développement qui ne se limite pas aux capitales et aux grands corridors. La modernisation des infrastructures routières devient ainsi une composante d’un agenda plus large de stabilité et de résilience au Burkina Faso.
Pour les autorités burkinabè, l’enjeu sera désormais de garantir une exécution efficace du projet, en veillant à la bonne utilisation des ressources, à la coordination entre partenaires et à l’ancrage des brigades d’entretien dans la durée.
Si ces conditions sont réunies, le prêt de 70,34 millions d’euros accordé par le Fonds africain de développement pourrait devenir l’un des leviers les plus visibles de la stratégie de la BAD au Sahel : utiliser la route comme vecteur de développement économique, de cohésion sociale et de sécurité dans une région où la mobilité reste, plus que jamais, un enjeu vital.
Patrick Tchounjo



