Cameroun : 14 591 milliards de dette, mais une solidité budgétaire qui rassure les banques

Malgré une hausse continue de son endettement, le Cameroun demeure en zone de prudence. Au 30 septembre 2025, l’encours de la dette publique s’établissait à 14 591 milliards de FCFA, selon la Caisse autonome d’amortissement (CAA), organe chargé de la gestion de la dette du secteur public.
Ce montant représente 43,9 % du produit intérieur brut (PIB), soit un niveau nettement inférieur au seuil communautaire de 70 % du PIB fixé par les critères de convergence de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC).
Cette performance relative conforte la perception d’une gestion prudente de l’endettement public, même si plusieurs signaux de vigilance demeurent.
Une dette concentrée entre les mains de l’État central
La structure de la dette publique camerounaise montre une forte concentration au niveau de l’administration centrale, qui détient 93,3 % de l’encours global. Les entreprises et établissements publics en représentent 6,5 %, tandis que les collectivités territoriales décentralisées (CTD) ne pèsent que 0,2 %, selon la note de conjoncture publiée par la CAA.
L’évolution de la dette fait apparaître une progression annuelle de 2,6 %, portée notamment par les financements liés aux projets d’infrastructures, aux dépenses de défense et aux interventions de l’État dans le soutien des entreprises publiques stratégiques.
Pour la CAA, cette dynamique traduit une volonté de préserver un équilibre entre financement du développement et viabilité budgétaire, dans un contexte marqué par la hausse des besoins d’investissement et la pression sur les recettes fiscales.
Un ratio dette-PIB sous contrôle, mais un risque toujours élevé
Avec un ratio de 43,9 % du PIB, le Cameroun reste en deçà de la norme régionale, ce qui témoigne d’une gestion disciplinée de la dette. Cependant, les institutions financières internationales, notamment la Banque africaine de développement (BAD) et le Fonds monétaire international (FMI), maintiennent le Cameroun dans la catégorie des pays à risque de surendettement élevé.
Selon ces institutions, si le niveau d’endettement demeure soutenable, la structure de la dette reste vulnérable à plusieurs facteurs : une faible diversification des exportations, la dépendance aux emprunts extérieurs, et la pression croissante sur le service de la dette.
Une part importante des ressources publiques continue d’être absorbée par le remboursement des intérêts et le refinancement des emprunts existants, limitant la marge de manœuvre budgétaire pour les investissements sociaux.
La Chine, créancier majeur du Cameroun
Parmi les partenaires extérieurs, la Chine occupe une place prépondérante, détenant 64,8 % de la dette bilatérale du Cameroun à fin octobre 2024, selon les données de la CAA.
Outre Pékin, les principaux créanciers du pays sont des institutions multilatérales telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) et le Fonds monétaire international (FMI), qui accompagnent Yaoundé dans le cadre de programmes de réformes structurelles et de modernisation de la gestion publique.
La part de la dette multilatérale a continué de croître, traduisant un recours accru aux financements concessionnels, jugés plus soutenables que les emprunts commerciaux.
Le gouvernement camerounais s’efforce par ailleurs de ralentir le rythme d’endettement intérieur, dont les coûts de refinancement pèsent lourdement sur le Trésor public, notamment à travers les émissions de titres sur le marché financier de la CEMAC.
Une stratégie d’endettement axée sur la soutenabilité
La CAA insiste sur la nécessité de préserver l’équilibre entre besoins de financement et viabilité de la dette. Le pays a adopté une stratégie de gestion axée sur la réduction des emprunts non concessionnels, la priorisation des financements à long terme et la maîtrise du risque de change.
Des efforts sont également entrepris pour améliorer la qualité des projets financés par la dette et renforcer le suivi des engagements garantis par l’État.
Selon un responsable du ministère des Finances, « la dette n’est pas un problème en soi, c’est sa gestion qui compte. Le Cameroun continue d’investir dans des secteurs productifs, tout en gardant une trajectoire prudente ».
Un équilibre fragile à consolider
Si le niveau d’endettement reste maîtrisé, la situation appelle à une vigilance constante. Le poids croissant de la dette extérieure, la lenteur des retours économiques des projets d’infrastructures et la faiblesse des recettes non pétrolières constituent des points de fragilité structurelle.
Pour maintenir sa crédibilité financière, le Cameroun devra poursuivre les réformes visant à accroître la mobilisation des ressources internes, renforcer la transparence budgétaire et améliorer la gouvernance des entreprises publiques, souvent sources de dettes contingentes.
La trajectoire actuelle témoigne d’une volonté de discipline macroéconomique, mais elle reste tributaire des conditions de financement extérieures et de la stabilité régionale.
Pour les experts, Yaoundé devra éviter tout dérapage dans un contexte mondial marqué par la hausse des taux et la raréfaction des ressources concessionnelles.
Patrick Tchounjo



