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Cameroun : la BDEAC injecte 31,8 milliards FCFA dans quatre projets structurants et renforce son rôle de catalyseur du secteur privé en Afrique centrale

La Banque de Développement des États de l’Afrique Centrale (BDEAC) a franchi une étape stratégique le 19 août 2025 en annonçant l’allocation de 31,8 milliards FCFA pour financer quatre projets privés majeurs au Cameroun. L’opération, inscrite dans le plan stratégique « Azobé 2023-2027 », traduit une volonté claire : positionner la banque régionale comme un acteur central de la transformation économique dans un espace CEMAC encore trop dépendant de la rente pétrolière et des financements extérieurs.

Au Cameroun, ce financement cible des secteurs à fort effet multiplicateur. Le projet immobilier Akwa City Plaza à Douala bénéficie de 15 milliards FCFA et illustre la montée en puissance des infrastructures urbaines modernes. Le secteur industriel reçoit 8,95 milliards FCFA pour la construction d’une usine de fer à béton, un choix stratégique dans un pays où la demande en matériaux de construction explose avec la multiplication des chantiers publics et privés. L’extension de la station de broyage de ciment de la société EGIN SA, soutenue à hauteur de 5,8 milliards FCFA, vise à réduire les tensions récurrentes sur le marché local du ciment et à stabiliser les prix. Trois milliards FCFA sont attribués à Cargo Management Service pour renforcer ses capacités logistiques à Douala, Kribi et N’Gaoundéré, un secteur déterminant pour fluidifier les chaînes d’approvisionnement et connecter les différents pôles économiques du pays.

En soutenant simultanément l’immobilier, l’industrie, les matériaux et la logistique, la BDEAC construit une approche intégrée. Le choix de ces secteurs reflète une compréhension fine des priorités de l’économie camerounaise et de son rôle moteur dans la CEMAC. Pour l’institution régionale, il s’agit non seulement de financer des projets isolés, mais de renforcer des chaînes de valeur entières capables de générer croissance, emplois et attractivité pour les investisseurs privés.

Encadré analytique : les chiffres clés de l’intervention de la BDEAC au Cameroun

Montant global engagé : 31,895 milliards FCFA
Répartition sectorielle :

Immobilier (Akwa City Plaza) : 15 milliards FCFA → 47 %

Industrie (usine de fer à béton) : 8,95 milliards FCFA → 28 %

Matériaux de construction (EGIN SA) : 5,8 milliards FCFA → 18 %

Logistique (Cargo Management Service) : 3 milliards FCFA → 7 %

Emplois attendus : environ 1 200 emplois directs et plus de 3 500 emplois indirects
Part du Cameroun dans les engagements récents de la BDEAC : environ 22 % des décaissements totaux de janvier à août 2025
Impact macroéconomique estimé : contribution de +0,3 point de croissance annuelle au PIB camerounais

La stratégie régionale de la BDEAC : Cameroun, Congo, Gabon en première ligne

L’opération camerounaise s’inscrit dans une dynamique plus large. Depuis le lancement du plan « Azobé », la BDEAC a multiplié ses interventions dans plusieurs pays de la sous-région. Au Congo-Brazzaville, elle a soutenu des projets énergétiques et industriels afin de diversifier une économie encore dominée par les hydrocarbures. Au Gabon, elle a financé des infrastructures portuaires et logistiques pour renforcer la compétitivité du pays comme hub régional.

La comparaison avec l’espace UEMOA est éclairante. Alors que la BOAD a depuis plusieurs années intensifié son soutien au secteur privé, la BDEAC a longtemps été perçue comme centrée sur les financements souverains. Le virage amorcé depuis 2023, avec des interventions directes au profit d’entreprises et de projets structurants, marque une inflexion majeure dans sa stratégie.

Opportunités et défis

L’allocation des 31,8 milliards FCFA au Cameroun est saluée comme un signal fort, mais plusieurs défis conditionnent son succès. La gouvernance et la transparence dans l’exécution devront être garanties pour éviter retards et surcoûts. La solidité financière des entreprises bénéficiaires sera scrutée et l’effet d’entraînement sur le tissu des PME locales reste à confirmer.

Le défi est également régional. Si la BDEAC parvient à reproduire ce type d’intervention dans plusieurs pays, elle renforcera la crédibilité de la CEMAC comme espace d’investissement attractif. Dans le cas contraire, ces financements risqueraient d’être perçus comme des opérations isolées sans impact structurel durable.

Vers une nouvelle ère pour la BDEAC

La décision d’injecter 31,8 milliards FCFA dans l’économie camerounaise dépasse le simple cadre d’un appui ponctuel. Elle symbolise la volonté de la BDEAC de jouer un rôle plus actif dans la construction d’une économie régionale diversifiée et résiliente. Pour le Cameroun, ces projets constituent des leviers concrets pour moderniser ses infrastructures et consolider sa place de leader économique de la CEMAC. Pour la BDEAC, ils représentent un test grandeur nature : démontrer sa capacité à transformer les annonces en résultats tangibles et inscrire durablement son action dans la trajectoire de développement de l’Afrique centrale.

Patrick Tchounjo

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