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Cameroun : la Carte Rose CEMAC se dote enfin d’un siège à 2,6 milliards FCFA à Douala

Presque vingt ans après sa première évocation, le projet est enfin devenu réalité. Le 3 décembre, le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motaze, a inauguré à Douala l’immeuble siège du Bureau national de la Carte Rose CEMAC (BNCR). Implanté dans le 1er arrondissement de la capitale économique, ce bâtiment de six niveaux, achevé en 2024 pour un coût de 2,6 milliards de FCFA, donne une nouvelle visibilité à un instrument longtemps resté discret, mais au cœur de l’intégration régionale : la Carte Rose CEMAC.

Au-delà de l’architecture, c’est un symbole que le gouvernement met en scène. Dans son allocution, Louis Paul Motaze a rappelé la nature de cet outil communautaire : « La Carte Rose est l’expression juridique de la volonté politique des chefs d’État de la CEMAC, institué le 1er juillet 1996, afin de garantir la libre circulation des personnes et des biens (…) Une seule attestation domine l’espace communautaire et protège les citoyens. »

En d’autres termes, la Carte Rose est le passeport assurantiel des automobilistes et transporteurs qui franchissent les frontières de la sous-région.

Un édifice financé par l’écosystème assurantiel

L’immeuble du BNCR ne doit rien au hasard. Son financement illustre le montage hybride qui caractérise le dispositif : 65 % de l’investissement ont été couverts sur fonds propres, et 35 % par les sociétés d’assurances non-vie en activité au Cameroun. Le bâtiment comprend 58 pièces, quatre salles d’eau, deux escaliers et une cage d’ascenseur, traduisant l’ambition d’en faire à la fois un centre administratif, un lieu d’accueil et un espace de coordination technique.

Pour un mécanisme qui repose sur l’interconnexion des assureurs, des États et des gestionnaires de sinistres, disposer d’un siège moderne et identifié dans la principale place économique du pays n’est pas anecdotique. C’est une manière de donner corps, physiquement, à un dispositif qui, jusque-là, ne vivait qu’au travers de formulaires, de correspondances et de procédures techniques.

Créé par le gouvernement le 3 mai 1999, le BNCR camerounais avait bénéficié dès son démarrage d’une garantie publique de 20 milliards de FCFA, signe de l’importance que l’État accordait à ce mécanisme d’assurance de responsabilité civile automobile à l’échelle communautaire. Mais il lui manquait un outil de représentativité à la hauteur de ses missions. L’idée d’un siège remonte à 2005, avec la mise en place d’un comité chargé de trouver un site adapté. Les travaux, lancés en 2021, se sont finalement achevés en 2024, au terme d’un long cycle administratif et financier.

Un maillon central de la gestion des sinistres transfrontaliers

Si la Carte Rose est perçue par beaucoup comme une simple attestation, le BNCR en est la cheville ouvrière. Son Secrétaire permanent, Pierre Didier Ngoumou, l’a rappelé lors de la cérémonie : le Bureau national renforce la posture du système de carte internationale d’assurance de responsabilité civile automobile, conçu pour simplifier la gestion des sinistres impliquant des véhicules immatriculés dans différents États.

« Le système de la Carte Rose vise l’accélération de la prise en charge des cas d’accidents transfrontaliers et un paiement rapide par la compagnie civilement responsable. Le Bureau National n’est pas cette compagnie d’assurance ; il est un acteur public pour la facilitation par les gestionnaires », a-t-il précisé.

Concrètement, le BNCR sert d’interlocuteur unique pour les victimes, les assurés et les compagnies étrangères. Il coordonne les échanges, veille au respect des procédures, contribue à lever les blocages éventuels et renforce la confiance dans un environnement où les litiges transfrontaliers peuvent rapidement se transformer en contentieux longs et coûteux.

Dans un espace CEMAC où les flux routiers sont essentiels du corridor Douala–N’Djamena au corridor Douala–Bangui, disposer d’un mécanisme performant d’indemnisation est un enjeu autant économique que social et politique.

De l’outil technique au symbole d’intégration

L’inauguration de l’immeuble s’inscrit dans un contexte où les institutions régionales cherchent à rendre plus visibles les instruments concrets de l’intégration. La Carte Rose, instituée le 1er juillet 1996 pour accompagner la libre circulation des personnes et des biens, est l’un de ces outils techniques sans lesquels les textes communautaires resteraient théoriques.

En 2021, le BNCR camerounais annonçait avoir réglé près de 600 millions de FCFA de sinistres routiers. Derrière ce chiffre, ce sont des situations humaines (victimes, familles, entreprises) qui trouvent une issue financièrement supportable grâce au système. C’est aussi un argument pour les transporteurs, les autocaristes et les logisticiens, qui peuvent justifier d’une couverture à l’échelle régionale lorsqu’ils négocient des contrats ou financent leurs flottes.

Le nouveau siège vise à renforcer cette crédibilité, à ancrer l’institution dans le paysage doualais et à en faire un point de passage incontournable pour l’ensemble des parties prenantes : assureurs, régulateurs, acteurs publics, professionnels du transport.

Un outil au service de la protection et de la confiance

Pour Pierre Didier Ngoumou, l’enjeu est désormais de capitaliser sur ce nouvel outil pour approfondir la mission du BNCR : faciliter les sinistres transfrontaliers, promouvoir l’intégration économique et renforcer la protection des populations au sein de la CEMAC.

L’édifice de Douala ne garantit pas à lui seul la performance du dispositif. Mais il envoie un signal : la Carte Rose n’est plus un appendice administratif du marché de l’assurance, elle devient un instrument structurant de la mobilité et de la sécurité routière régionales.

Dans une sous-région souvent critiquée pour la lenteur de ses chantiers d’intégration, l’inauguration de ce siège à Douala illustre une réalité plus nuancée : certaines briques, parfois discrètes, se mettent en place. Reste à voir si ce nouvel ancrage physique se traduira, dans les prochaines années, par des procédures plus rapides, une meilleure information des usagers et une montée en puissance de la culture assurantielle sur les grands corridors routiers de la CEMAC.

Patrick Tchounjo

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