Cameroun : La CDEC poursuit sept directeurs généraux de banques, la place financière sous tension

La Caisse des Dépôts et Consignations du Cameroun (CDEC) a lancé une offensive judiciaire sans précédent contre sept directeurs généraux de banques opérant dans le pays. L’institution, dirigée par Richard Evina Obam, reproche à ces établissements financiers de ne pas avoir transféré à temps des ressources considérées comme légalement dévolues à la CDEC, parmi lesquelles figurent des comptes dormants, des dépôts en déshérence et des fonds consignés.
Cette décision marque un tournant dans les relations déjà tendues entre la CDEC et les banques commerciales. Depuis plusieurs mois, la CDEC multiplie les rappels et injonctions pour que les établissements respectent leurs obligations. Face à la résistance, elle a choisi la voie judiciaire, plaçant ainsi le débat au cœur des tribunaux.
Pour le gouvernement camerounais, l’enjeu est stratégique. La CDEC doit devenir un instrument clé de la souveraineté financière et un levier pour financer les projets de long terme, notamment dans les infrastructures, l’énergie ou encore le développement territorial. Les fonds en question, souvent considérés comme « dormants », représentent un volume important qui, une fois centralisé, pourrait servir de catalyseur à l’investissement national.
Mais cette démarche suscite de fortes inquiétudes au sein de la place bancaire. Plusieurs dirigeants estiment que le transfert de ces ressources pourrait fragiliser la liquidité de leurs établissements et réduire leur capacité de financement du secteur privé. Dans un contexte marqué par une hausse du coût du capital et par un resserrement des conditions de crédit, chaque mouvement de trésorerie est scruté avec attention.
L’affaire CDEC contre les sept DG dépasse le simple cadre camerounais. Elle illustre un rapport de force plus large entre l’État, qui cherche à capter et réorienter des ressources financières stratégiques, et les banques, soucieuses de préserver leur équilibre et leur compétitivité. À l’échelle de la CEMAC, où les régulateurs comme la BEAC et la COBAC s’interrogent déjà sur le périmètre de supervision applicable à la CDEC, ce dossier pourrait créer un précédent.
Les prochaines audiences seront déterminantes. Si la justice tranche en faveur de la CDEC, l’organisme public verrait sa légitimité renforcée et pourrait accélérer sa stratégie d’investissement. En revanche, une décision favorable aux banques conforterait leur autonomie et limiterait la portée de la CDEC. Dans les deux cas, l’affaire est appelée à remodeler durablement le paysage bancaire camerounais et à redéfinir les règles du jeu en matière de gouvernance financière.
Patrick Tchounjo



