Canyon Resources : la BEAC au cœur du financement stratégique du projet de bauxite de Minim Martap

Le projet de bauxite de Minim Martap, dans la région de l’Adamaoua au Cameroun, franchit une nouvelle étape décisive. La société australienne Canyon Resources attend désormais le quitus de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), de la Commission de Surveillance du Marché Financier de l’Afrique Centrale (COSUMAF) et des autorités camerounaises pour finaliser une opération financière majeure. Cette validation conditionne l’entrée d’un nouvel investisseur camerounais et l’appui du groupe Afriland Bourse & Investissement, acteur clé du marché financier sous-régional.
Un projet structurant au cœur de la souveraineté minière camerounaise
Le gisement de Minim Martap, estimé à plus de 900 millions de tonnes de bauxite de haute qualité, constitue l’un des plus importants projets miniers d’Afrique centrale. Situé au nord du Cameroun, il représente un levier stratégique pour la diversification de l’économie nationale et la montée en puissance du pays dans la chaîne de valeur de l’aluminium. Pour concrétiser cette ambition, Canyon Resources doit sécuriser un financement conséquent, structuré en plusieurs volets institutionnels et privés.
Le 25 septembre 2025, la firme australienne a annoncé avoir mobilisé 140,4 millions USD, dont 134 millions via un placement institutionnel en deux tranches. La première tranche, déjà exécutée, représente 23,5 millions USD. La seconde, nettement plus importante, s’élève à 111,07 millions USD, mais ne peut être activée sans validation réglementaire.
Cette seconde tranche implique un apport majeur de 65,5 millions USD d’Eagle Eye Asset (EEA), actionnaire principal, et jusqu’à 45,7 millions USD d’Afriland Bourse & Investissement, au titre de capitaux identifiés dans la zone CEMAC.
La BEAC, gardienne de l’équilibre financier régional
Au-delà du simple visa administratif, la BEAC joue ici un rôle de garant de la stabilité monétaire et financière de la sous-région. Son aval est indispensable pour encadrer les flux de capitaux transfrontaliers et s’assurer que l’opération respecte les normes prudentielles de la réglementation des changes en zone CEMAC.
Cette exigence reflète la montée en puissance de la BEAC dans son rôle de régulateur stratégique des investissements à dimension régionale, dans un contexte où la mobilisation de l’épargne locale au service de projets structurants devient un enjeu de souveraineté économique. En coordonnant ses décisions avec la COSUMAF, la BEAC veille à ce que les opérations boursières et financières transfrontalières ne fragilisent ni le système bancaire, ni la stabilité du franc CFA.
L’enjeu dépasse donc le cas Canyon Resources : il s’agit de définir un cadre clair pour les financements miniers intégrant des capitaux CEMAC, un schéma encore rare mais appelé à se renforcer.
Afriland Bourse, le catalyseur d’une finance régionale proactive
Pour Afriland Bourse & Investissement, cette opération symbolise la montée en puissance des acteurs financiers africains dans des projets longtemps réservés aux capitaux étrangers. En structurant un apport de 45,7 millions USD issus d’investisseurs de la CEMAC, la filiale d’Afriland First Group entend démontrer la capacité de la finance régionale à soutenir des projets industriels à forte valeur ajoutée.
Cette démarche s’inscrit dans une logique de retour à la souveraineté financière, où les bourses régionales ,encore peu profondes , commencent à jouer un rôle dans la mobilisation de ressources pour le développement industriel et minier. Si la BEAC et la COSUMAF donnent leur feu vert, ce sera un signal fort pour les marchés financiers de la CEMAC, ouvrant la voie à de nouveaux montages hybrides entre capitaux africains et investisseurs internationaux.
Une validation attendue, un tournant pour la finance africaine
Le feu vert attendu de la BEAC n’est donc pas une simple formalité : il symbolise la volonté d’intégrer les standards internationaux de gouvernance financière tout en consolidant le rôle de la banque centrale dans la supervision des grands projets régionaux.
Pour le Cameroun, cette opération revêt un double enjeu : affirmer son leadership dans la CEMAC et montrer que les projets miniers peuvent désormais s’appuyer sur des capitaux africains, encadrés par des institutions régionales fortes.
La validation du dossier Canyon Resources pourrait ainsi marquer une nouvelle ère dans le financement des ressources naturelles en Afrique centrale, une ère où la BEAC, la COSUMAF et les acteurs bancaires locaux agissent de concert pour concilier croissance, souveraineté et stabilité financière.
Patrick Tchounjo



