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CEMAC : l’encours des titres publics franchit 15,8 milliards USD, en hausse de 3,8 milliards sur un an

L’encours des titres publics dans la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) continue de progresser à un rythme soutenu, confirmant le rôle désormais central du marché monétaire régional dans le financement des États.

Selon les données de la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), l’encours global des Bons et Obligations du Trésor émis par les six États membres a atteint 9 086,6 milliards de FCFA au 31 juillet 2025, soit environ 15,8 milliards USD. Cette performance marque une progression annuelle de +2 153,7 milliards FCFA, l’équivalent de +3,8 milliards USD, par rapport au niveau enregistré fin juillet 2024 (6 932,7 milliards FCFA). En glissement annuel, cela représente une hausse de 31,1 %, un record historique pour la région.

Cette trajectoire haussière n’est pas un phénomène ponctuel. Elle s’inscrit dans une dynamique de croissance continue depuis 2023. Sur l’ensemble de l’année 2024, les États de la CEMAC avaient déjà levé 5 079,3 milliards FCFA sur le marché domestique, contre 4 336,3 milliards FCFA en 2023. L’encours a franchi le seuil des 8 500 milliards FCFA dès mars 2025, avant de dépasser les 9 000 milliards quelques mois plus tard.

Les moteurs de la hausse : Congo, Gabon, Cameroun

La montée en puissance des émissions de dette souveraine au sein de la zone est essentiellement portée par trois pays. Le Congo conserve sa place de principal émetteur, concentrant environ 29,9 % de l’encours régional. Il est suivi de très près par le Gabon avec 29,7 %, tandis que le Cameroun complète le trio avec 20,8 %.

À eux trois, ces États représentent près de 80 % du total de la dette de marché dans la zone CEMAC. Le Tchad, la Guinée équatoriale et la Centrafrique ne contribuent qu’à hauteur d’environ 20 % cumulés.

Le cas du Gabon est particulièrement notable : au seul mois de mars 2025, l’encours gabonais a bondi de +44,3 %, en raison d’importantes émissions sur le segment obligataire. Cette accélération ponctuelle, combinée à l’activité soutenue du Congo et du Cameroun, explique en grande partie la progression globale enregistrée sur un an.

Déficits publics, relance économique et arbitrages budgétaires

Cette hausse spectaculaire de l’encours traduit la montée des besoins de financement des États membres dans un contexte budgétaire tendu. Après un excédent global en 2023, la zone CEMAC est retombée dans un déficit estimé à 1 % du PIB en 2024, avec une prévision de 1,3 % du PIB pour 2025. Les gouvernements ont accru leur recours à l’endettement intérieur afin de financer des dépenses courantes et des plans de relance économique.

Le marché régional des titres s’est imposé comme une solution de financement moins risquée que les marchés extérieurs, à condition toutefois de conserver la confiance des investisseurs. Ce soutien reste, pour l’instant, solide, malgré des signes de prudence.

Tensions sur le marché : taux en hausse, demande en recul

L’augmentation de l’encours s’accompagne néanmoins de signaux d’alerte. Le taux de couverture moyen des émissions est passé de 71,8 % à 63,4 % entre juillet 2024 et juillet 2025, illustrant une demande moins dynamique face à l’intensité des sollicitations.

Dans le même temps, les taux d’intérêt ont légèrement progressé. Fin juillet 2025, le taux moyen sur les Bons du Trésor (BTA) atteignait 6,92 %, contre 6,52 % un an plus tôt. Sur les Obligations du Trésor (OTA), la rémunération moyenne est montée à 9,48 %, en hausse par rapport aux 9,06 % enregistrés en 2024. Ces évolutions reflètent l’effet combiné d’une politique monétaire plus stricte de la BEAC et d’un ajustement des primes de risque par les investisseurs.

Une tendance structurelle, mais à surveiller

Malgré ces tensions modérées, le marché des titres publics en Afrique centrale confirme son rôle stratégique. Il sert à la fois d’instrument de gestion macroéconomique, de levier de relance et de vecteur d’approfondissement financier régional. Toutefois, la concentration des encours sur quelques pays, la montée des taux et l’érosion de la demande doivent inciter les États à plus de rigueur budgétaire et à une meilleure planification de leurs émissions.

Dans une conjoncture marquée par le ralentissement de la croissance, les pressions sur les finances publiques et les incertitudes mondiales, le marché des titres publics de la CEMAC reste un pilier solide, mais exposé. Sa résilience dépendra de la capacité des gouvernements à conjuguer discipline fiscale, transparence et diversification des instruments.

Patrick Tchounjo

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