Côte d’Ivoire : le prix du cacao atteint 2 800 FCFA/kg, un record historique pour la campagne 2025-2026

La Côte d’Ivoire, premier producteur mondial de cacao avec plus de 40 % de l’offre mondiale, vient de franchir une étape historique. À partir du 1ᵉʳ octobre 2025, le prix d’achat bord champ du cacao a été fixé à 2 800 FCFA le kilogramme, un niveau jamais atteint dans l’histoire de la filière ivoirienne.
Cette décision, annoncée par le président Alassane Ouattara, marque une hausse significative par rapport au prix précédent de 2 200 FCFA/kg, fixé lors de la campagne intermédiaire 2024-2025. Elle intervient dans un contexte de flambée mondiale des cours, alimentée par la rareté de l’offre, les effets du changement climatique sur la production et une demande toujours soutenue de la part des industries chocolatières.
Une hausse aux effets contrastés
Pour les producteurs ivoiriens, cette revalorisation constitue une bouffée d’oxygène. Le cacao reste la principale source de revenus de plus d’un million de familles, et cette hausse devrait renforcer le pouvoir d’achat dans les zones rurales, où la pauvreté demeure endémique. Le gouvernement espère ainsi améliorer le niveau de vie des planteurs et réduire les tensions sociales liées aux prix agricoles.
Mais cette progression s’accompagne de défis. Les exportateurs et les industriels devront absorber une augmentation substantielle de leurs coûts d’approvisionnement. Certains analystes redoutent une répercussion sur les prix à l’international, déjà orientés à la hausse, avec un impact potentiel sur le marché du chocolat en Europe et aux États-Unis.
La stratégie du Conseil Café-Cacao
Le Conseil Café-Cacao (CCC), régulateur de la filière, a rappelé que cette fixation de prix s’inscrit dans la stratégie de valorisation des produits ivoiriens. L’objectif est de garantir une meilleure redistribution des richesses de la filière, tout en consolidant la compétitivité du pays face à son voisin ghanéen, qui a lui aussi revalorisé le prix payé aux producteurs.
Cette mesure s’inscrit également dans la logique de l’Initiative Cacao Côte d’Ivoire-Ghana (ICCIG), qui plaide depuis plusieurs années pour un prix rémunérateur aux producteurs afin de lutter contre la pauvreté rurale et les inégalités persistantes dans la chaîne de valeur mondiale.
Un tournant pour l’économie ivoirienne
Le cacao représente près de 15 % du PIB et plus de 40 % des recettes d’exportation de la Côte d’Ivoire. La hausse du prix bord champ aura donc un impact direct sur la dynamique macroéconomique du pays. À court terme, elle soutiendra la consommation intérieure et renforcera la stabilité sociale. À moyen terme, elle pourrait inciter à une intensification des investissements dans les plantations, avec le risque de surexploitation et de pression accrue sur les forêts si les pratiques agricoles durables ne sont pas respectées.
La question environnementale reste centrale. Le gouvernement et ses partenaires internationaux devront s’assurer que cette hausse de revenus se traduit aussi par une modernisation des pratiques agricoles, un renforcement de la traçabilité et une lutte accrue contre le travail des enfants.
Une opportunité historique
La fixation du prix du cacao à 2 800 FCFA/kg consacre un tournant stratégique. Elle symbolise la volonté de l’État ivoirien de défendre ses producteurs dans un marché dominé par les multinationales du chocolat. Mais elle met aussi la filière face à un double défi : transformer cette manne en développement durable et s’assurer que la valorisation profite à tous les maillons de la chaîne.
Pour la Côte d’Ivoire, ce record de prix est autant une victoire économique qu’une responsabilité historique : celle de faire du cacao non seulement une richesse nationale, mais aussi un moteur d’inclusion et de durabilité.
Patrick Tchounjo



