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Dakar 2025 : l’Afrique mise sur la titrisation et les PPP pour financer son développement

Le défi du financement du développement en Afrique s’impose comme une urgence. À Dakar, lors du premier Forum Structured Finance Africa (SFA Forum 2025), gouvernements, investisseurs et experts ont débattu de nouvelles stratégies pour combler le déficit chronique d’infrastructures et réduire la dépendance aux financements traditionnels. Les regards se tournent désormais vers la titrisation et les partenariats public-privé (PPP), perçus comme des leviers essentiels pour transformer la dynamique économique du continent.

Les besoins sont colossaux. Le déficit de financement des infrastructures en Afrique est estimé à plus de 100 milliards de dollars par an, tandis que les besoins globaux dépassent 130 milliards. Les emprunts souverains et les financements concessionnels ne suffisent plus à couvrir ces écarts. C’est dans ce contexte que le forum, organisé par Invictus Capital & Finance, KF Titrisation et Development Finance Advisory, a réuni à Dakar plus de 300 décideurs et régulateurs autour du thème : « Innovations financières et transformation structurelle des économies africaines : titrisation, financements durables et souveraineté ».

La titrisation a été présentée comme un outil permettant de transformer des actifs illiquides, tels que des créances futures ou des flux de paiements projetés, en instruments financiers négociables. Elle ouvre ainsi la possibilité de mobiliser l’épargne locale, d’allonger les maturités et de mutualiser les risques, tout en rendant les projets d’infrastructures plus attractifs pour les investisseurs privés. Plusieurs experts estiment que ce mécanisme pourrait libérer un volume considérable de capitaux et contribuer à réduire la pression sur les budgets nationaux.

Les partenariats public-privé représentent une autre piste jugée incontournable. En combinant ressources publiques et capitaux privés, les PPP offrent un cadre pour financer les routes, les barrages, les hôpitaux ou encore les écoles. Leur succès dépend toutefois de l’existence de contrats transparents, d’un partage clair des risques et de la capacité des États à respecter leurs engagements. Le forum a insisté sur la nécessité de renforcer la gouvernance et d’améliorer les cadres réglementaires afin de rendre ces mécanismes pleinement opérationnels.

Malgré l’enthousiasme affiché, des obstacles demeurent. Le manque de profondeur des marchés de capitaux dans plusieurs pays africains limite encore l’essor de la titrisation. Les investisseurs réclament davantage de garanties, une meilleure notation des titres et une transparence accrue dans les processus. De même, les expériences de PPP passées ont parfois souffert de retards, de surcoûts ou de conflits contractuels, fragilisant la confiance du secteur privé.

Le SFA Forum 2025 a néanmoins mis en avant des perspectives encourageantes. Le Kenya a récemment expérimenté avec succès une titrisation de créances futures intégrant des critères ESG, démontrant que l’Afrique peut séduire les marchés internationaux à condition d’offrir des structures solides. La création d’agences nationales de titrisation, le développement des marchés obligataires locaux et la formation de consortiums régionaux de PPP apparaissent comme des solutions concrètes pour faire évoluer la situation.

En choisissant de placer la titrisation et les PPP au cœur des débats, l’Afrique explore des voies alternatives pour financer son développement. Ce choix traduit une volonté claire de bâtir une souveraineté financière fondée sur l’innovation et la diversification. Si ces mécanismes sont mis en œuvre avec rigueur et transparence, ils pourraient transformer la manière dont le continent mobilise ses ressources et bâtit ses infrastructures.

Patrick Tchounjo

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