Marchés & Financements

Dakar capte 20 % des émissions UMOA en 2025 et réussit une nouvelle levée de 35,7 milliards FCFA

Le Sénégal confirme sa position de poids lourd sur le marché financier régional. Le 9 décembre 2025, l’État, via son Trésor public, a levé 35,728 milliards FCFA sur le marché financier de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), à l’issue d’une émission simultanée de bons assimilables du Trésor (BAT) et d’obligations assimilables du Trésor (OAT).

L’opération, qui combinait des maturités de 182 jours, 364 jours pour les BAT et 3 ans pour les OAT, s’inscrit dans une stratégie de gestion active de la dette publique, entre financement de court terme et sécurisation de ressources à horizon plus long.

Une opération sursouscrite, signe d’un marché toujours réceptif

L’émetteur avait mis en adjudication un montant cible de 35 milliards FCFA. Les investisseurs, principalement régionaux, ont répondu présent avec des soumissions globales atteignant 35,828 milliards FCFA, soit un taux de couverture de 102,37 % du montant sollicité.

Sur ce total, le Trésor sénégalais a retenu 35,728 milliards FCFA et rejeté 100 millions FCFA jugés non conformes ou trop coûteux. Le taux d’absorption ressort ainsi à un niveau très élevé de 99,72 %, confirmant la capacité de Dakar à mobiliser des ressources sur le marché régional sans difficulté majeure.

Fait notable : le Trésor n’a pas jugé opportun de retenir les soumissions déposées sur les BAT à 182 jours, privilégiant manifestement les maturités à 364 jours et 3 ans, ce qui traduit une préférence pour un profil de remboursement légèrement moins court, dans un contexte de besoins de trésorerie récurrents et de gestion fine du calendrier de remboursement.

Des rendements en ligne avec le contexte de taux en UMOA

L’opération s’est conclue à des conditions de taux reflétant le niveau actuel de rémunération sur le marché UMOA. Le rendement moyen pondéré ressort à 7,31 % pour les BAT et 7,94 % pour les OAT.

Pour les bons du Trésor, les intérêts sont précomptés : ils sont payés d’avance, sur la base d’une valeur nominale de 1 million FCFA par bon, ce qui permet au Trésor d’encaisser une valeur nette légèrement inférieure au nominal et de rembourser le capital au premier jour ouvré suivant la date d’échéance fixée au 8 décembre 2026.

Pour les obligations du Trésor à trois ans, le schéma est classique : le capital sera remboursé à l’échéance, le 10 décembre 2028, tandis que les intérêts seront servis chaque année sur la base d’un taux nominal de 6,30 %, à partir de la fin de la première année.

Cette structure permet au Sénégal de lisser sa charge de dette : recours à des BAT pour le pilotage de la trésorerie à court terme, et OAT pour prolonger la maturité moyenne de la dette, dans un environnement où les taux restent dans une zone haute à un chiffre, reflet du resserrement monétaire et des primes de risque régionales.

Un émetteur de référence dans l’UMOA

Au-delà de cette opération ponctuelle, les chiffres 2025 confirment le rôle central du Sénégal sur le marché régional. Selon les données d’UMOA-Titres, le cumul des émissions (bons et obligations) réalisées par Dakar en 2025 sur le marché de l’UMOA atteint, au 9 décembre 2025, 2 277 milliards FCFA.

Ce volume représente 20,19 % de l’ensemble des émissions de titres publics réalisées par les États membres de l’union au cours de l’année. Autrement dit, un cinquième de la dette de marché émise en 2025 en UMOA provient du Sénégal, illustrant la place prise par le pays dans la dynamique de financement régional.

Dans le même temps, le Trésor a procédé au remboursement de 755 milliards FCFA de capital et de 173 milliards FCFA d’intérêts, ce qui traduit à la fois l’ampleur de son encours de dette de marché et sa capacité à honorer ses engagements vis-à-vis des investisseurs.

Entre financement des politiques publiques et gestion du risque de dette

Le recours massif et récurrent au marché UMOA répond à des objectifs clairs : diversifier les sources de financement, réduire la dépendance aux financements extérieurs en devises, et ancrer davantage la dette publique dans l’épargne régionale.

Les 35,728 milliards FCFA levés à l’occasion de cette émission viennent alimenter le budget de l’État, notamment pour le financement des programmes d’investissement, la couverture des besoins de trésorerie et la gestion des échéances arrivant à maturité.

Mais cette dynamique s’accompagne de défis. La montée en puissance des émissions domestiques renforce la sensibilité de la trajectoire de dette aux conditions de taux régionales. Elle impose aussi une discipline accrue dans la gestion des profils d’échéance, pour éviter une concentration excessive des remboursements sur certaines années.

Pour les investisseurs institutionnels, la signature sénégalaise reste attractive, comme le montre le taux de couverture et le niveau de taux accepté. Pour le Trésor, l’enjeu sera de continuer à équilibrer la recherche de ressources au meilleur coût possible avec la nécessité de maintenir la confiance des marchés, dans un contexte où les volumes annuels d’émissions dépassent désormais 2 000 milliards FCFA.

Un test réussi pour la crédibilité de la dette sénégalaise

Cette nouvelle adjudication réussie confirme la crédibilité de la dette sénégalaise sur le marché régional. En affichant un taux de couverture supérieur à 100 % et un taux d’absorption proche de 100 %, Dakar montre qu’il dispose encore d’une marge de manœuvre auprès des investisseurs de l’UMOA, malgré le volume déjà important de ses émissions 2025.

La question qui se profile pour les prochaines années n’est plus tant de savoir si le Sénégal peut lever des fonds sur le marché régional, mais à quelles conditions et avec quel impact sur la soutenabilité de sa dette. L’équation se joue désormais sur plusieurs paramètres : trajectoire budgétaire, croissance économique, capacité à générer des recettes domestiques et gestion prudente du mix entre dettes intérieures et extérieures.

En attendant, l’opération du 9 décembre 2025 offre un signal positif : dans un contexte de tension généralisée sur les finances publiques en Afrique de l’Ouest, le Sénégal confirme son statut d’émetteur de référence sur le marché financier de l’UMOA, capable de mobiliser rapidement des ressources significatives à des conditions cohérentes avec le paysage régional des taux.

Patrick Tchounjo

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