CEMAC : la Cobac fixe la nouvelle norme de puissance financière des banques à 25 milliards FCFA

La Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) engage une nouvelle réforme majeure destinée à renforcer la solidité du secteur financier sous-régional. Réunis le 30 octobre 2025 à Libreville, les responsables bancaires et financiers de la CEMAC ont été officiellement informés du relèvement du capital social minimum des banques à 25 milliards FCFA, contre 10 milliards actuellement, à compter de janvier 2026.
Cette décision, qui s’inscrit dans la continuité du processus d’harmonisation et de consolidation du système bancaire régional, vise à accroître la résilience des établissements de crédit et à améliorer leur capacité de financement des économies de la sous-région.
Une réforme attendue pour consolider la solidité du système bancaire
Selon Vladimir Ombolo Mvogo, conseiller du secrétaire général de la Cobac, cette réforme répond à un double impératif : renforcer la stabilité financière et adapter les structures de capitalisation aux nouvelles exigences économiques de la CEMAC.
Le projet de règlement fixe désormais le capital minimum des établissements financiers à 4 milliards FCFA, tandis que les banques commerciales devront disposer d’un minimum de 25 milliards FCFA, soit environ 43,7 millions de dollars.
Ce seuil, plus ambitieux, permettra de mieux absorber les chocs macroéconomiques, notamment dans un contexte de hausse du risque de crédit et d’exposition accrue des banques aux financements souverains.
La Cobac justifie également cette évolution par la nécessité d’harmoniser les normes prudentielles avec celles observées sur les autres marchés africains, notamment dans la CEDEAO et l’Afrique de l’Est, où les exigences de fonds propres sont déjà plus élevées.
Des débats sur les modalités et la période transitoire
Les échanges entre régulateurs et acteurs bancaires ont été nourris, notamment sur les modalités pratiques d’augmentation du capital et la typologie des établissements concernés. Certains banquiers ont plaidé pour une prise en compte différenciée selon le modèle d’affaires (banques universelles, spécialisées, islamiques, etc.) et la structure de l’actionnariat (public, privé, mixte).
Les discussions ont également porté sur les voies de mobilisation des fonds, notamment à travers l’ouverture du capital au marché boursier régional. Plusieurs institutions pourraient ainsi recourir à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) pour émettre des actions nouvelles, une initiative qui renforcerait à la fois la capitalisation du secteur bancaire et la profondeur du marché financier régional.
À l’issue des consultations, Marcel Ondele, secrétaire général de la Cobac, a annoncé que la période de mise en conformité serait rallongée de trois à quatre ans, à compter de janvier 2026, pour permettre aux établissements concernés de s’adapter graduellement. Il a toutefois insisté sur la responsabilité des banques à anticiper cette réforme en engageant, dès 2025, les démarches nécessaires pour renforcer leurs fonds propres.
Renforcer la résilience et la capacité de financement des banques
Pour la Cobac, cette réforme structurelle vise à bâtir un secteur bancaire plus robuste, capable de soutenir durablement la croissance économique dans les six pays de la CEMAC : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Tchad et la République centrafricaine.
Le relèvement du capital minimum doit notamment permettre aux banques d’accroître leur capacité de prêt aux entreprises et aux projets publics, de résister aux chocs extérieurs (inflation, crise des matières premières, fluctuations monétaires) et de se conformer aux standards internationaux de Bâle II et III en matière de solvabilité.
Cette modernisation du cadre prudentiel s’inscrit dans la stratégie globale de la BEAC et de la Cobac pour consolider la stabilité macroéconomique et monétaire de la sous-région, à un moment où les besoins de financement des États et du secteur privé demeurent élevés.
Un tournant pour la consolidation du paysage bancaire
Le relèvement du capital minimum aura des effets structurants sur le paysage bancaire de la CEMAC. Plusieurs petites banques ou établissements fragiles pourraient être amenés à fusionner, à se recapitaliser via des investisseurs étrangers, ou à sortir du marché en cas de non-conformité.
Pour les grandes institutions, notamment les filiales de groupes panafricains comme BGFIBank, Ecobank, Société Générale, UBA ou Afriland First Bank, cette réforme représente un levier de renforcement de la crédibilité et de la confiance des marchés.
Selon un banquier basé à Douala, « cette réforme était inévitable. Avec des bilans de plus en plus exposés aux dettes souveraines et aux risques de liquidité, les banques de la CEMAC doivent disposer de fonds propres solides pour continuer à financer la croissance sans fragiliser le système ».
Vers un secteur bancaire plus compétitif et intégré
Au-delà des enjeux prudentiels, la réforme ouvre la voie à une nouvelle dynamique d’intégration régionale. La Cobac espère qu’en poussant les banques à se recapitaliser et à diversifier leurs sources de financement, le marché financier de la CEMAC deviendra un véritable levier de développement, capable d’attirer des investisseurs institutionnels et de renforcer la circulation de la liquidité entre les pays membres.
L’objectif ultime est clair : faire émerger un secteur bancaire plus solide, plus compétitif et mieux intégré, capable de soutenir la transformation économique et industrielle de l’Afrique centrale.
Une réforme à suivre de près
Avec l’entrée en vigueur du nouveau dispositif en janvier 2026, les prochains mois s’annoncent cruciaux pour les banques opérant dans la zone. Entre levées de fonds, fusions stratégiques et appels au marché, la reconfiguration du paysage bancaire de la CEMAC est déjà en marche.
La Cobac, bras régulateur du système financier régional, s’apprête ainsi à écrire un nouveau chapitre de la résilience bancaire en Afrique centrale, une évolution nécessaire pour faire face aux défis économiques, géopolitiques et technologiques d’une région en pleine mutation.
Patrick Tchounjo



