Inclusion Financière

Inclusion financière et mobile banking : une décennie de transformation en Afrique francophone

L’Afrique francophone vit depuis une décennie une révolution discrète mais profonde dans l’accès aux services financiers. Propulsé par l’explosion du mobile money, le taux d’inclusion financière ne cesse de croître, modifiant durablement le paysage bancaire. Pourtant, derrière les chiffres en progrès, persistent de forts enjeux d’accessibilité, de confiance et d’innovation inclusive.

Une croissance spectaculaire, mais inégalement répartie

Selon la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne est passée de 23 % d’adultes ayant accès à un compte en 2011 à 55 % en 2021. En Afrique francophone, cette croissance est largement attribuable aux services financiers mobiles. Des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Bénin ont vu naître des géants du mobile money comme Orange Money, Moov Money ou Wave, qui ont permis à des millions de personnes d’accéder à des services de base (transferts, épargne, paiements) sans passer par une banque traditionnelle.

Mais ce progrès est inégal. Le Tchad, la République centrafricaine ou encore les Comores restent en retrait, freinés par des infrastructures numériques faibles, des niveaux d’alphabétisation financière bas, ou encore une réglementation hésitante.

Les banques réagissent : de l’observation à l’intégration

Longtemps perçue comme une menace, la montée du mobile money a forcé les banques traditionnelles à repenser leur approche. De nombreuses institutions financières ont fini par intégrer le mobile dans leur offre : UBA, Société Générale, Ecobank ou Orabank ont toutes lancé des applications mobiles simplifiées, parfois des interfaces USSD, et noué des partenariats avec des opérateurs télécoms.

Des banques comme La Banque Atlantique ont même misé sur des produits « hybrides », associant portefeuille mobile, compte bancaire et carte. L’objectif est clair : capter une clientèle jeune, informelle, souvent réfractaire aux circuits bancaires classiques.

Femmes, zones rurales, jeunes : les défis persistants de l’inclusion

Malgré les progrès, de nombreuses franges de la population restent en marge. Les femmes, notamment en milieu rural, continuent de faire face à des barrières culturelles, économiques et technologiques. Les jeunes, pourtant massivement connectés, manquent souvent de revenus stables pour justifier l’ouverture de comptes. Et le tissu des TPE/PME informelles demeure largement non bancarisé.

Les solutions existent, mais peinent à se généraliser : services en langues locales, micro-épargne automatisée, produits indexés sur les revenus irréguliers, etc. L’inclusion ne sera véritable que si elle est pensée au plus près des réalités socio-économiques locales.

Vers une finance inclusive de nouvelle génération

L’avenir de l’inclusion financière passe par une approche systémique. Cela implique une meilleure interopérabilité entre banques et opérateurs, une régulation plus agile de la part des banques centrales (comme la BCEAO ou la BEAC), et surtout une montée en puissance de fintechs à impact.

Des startups comme Julaya, CinetPay, Bizao ou Sama Money proposent aujourd’hui des solutions taillées pour les marchands, les coopératives ou les diasporas. Elles contribuent à redéfinir les contours d’un système financier plus accessible, plus fluide et plus transparent.

Une décennie après les débuts du mobile money en Afrique francophone, le bilan est indéniablement positif. Des millions de citoyens ont franchi un seuil décisif vers la bancarisation. Mais l’inclusion financière ne saurait se réduire à l’ouverture de comptes : elle doit désormais rimer avec utilité, proximité, et durabilité. Aux banques, aux régulateurs et aux innovateurs de tracer ensemble la prochaine frontière.

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