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Intelligence artificielle et crédit en Afrique francophone : vers un nouveau modèle d’inclusion financière

L’accès au financement demeure l’un des grands défis des économies africaines francophones. Moins de 15 % des petites et moyennes entreprises parviennent à obtenir un crédit bancaire formel, tandis que de nombreux ménages restent dépendants de mécanismes informels souvent coûteux et peu fiables. L’une des principales raisons tient au manque d’historiques financiers solides, dans des contextes marqués par la prédominance de l’économie informelle.

L’émergence de l’intelligence artificielle dans le domaine du scoring de crédit ouvre toutefois de nouvelles perspectives. Là où les méthodes classiques se limitent aux bilans comptables, aux garanties physiques ou à l’ancienneté bancaire, les algorithmes d’IA intègrent des données dites alternatives : transactions mobile money, paiements de factures, habitudes de consommation, voire comportement numérique. Cette approche permet de dresser des profils de risque plus précis, notamment pour des emprunteurs exclus jusqu’ici du système financier traditionnel.

Dans plusieurs pays, des fintechs comme Djamo en Côte d’Ivoire ou Julaya au Sénégal explorent déjà cette voie. Elles développent des solutions capables de traiter des millions de données en temps réel afin de proposer des crédits adaptés aux jeunes entrepreneurs, aux commerçants ou encore aux ménages à faibles revenus. Conscientes de l’enjeu, certaines banques francophones commencent à collaborer avec ces acteurs innovants, dans une logique de complémentarité plutôt que de concurrence. L’objectif est clair : élargir la base clientèle et mieux répondre aux besoins de financement locaux.

Cette révolution numérique ne va cependant pas sans interrogations. La transparence des algorithmes reste un sujet sensible, tant les modèles peuvent reproduire des biais sociaux ou géographiques. La question de la protection des données personnelles se pose également avec acuité, dans un environnement où les régulations en matière de cybersécurité et de confidentialité demeurent embryonnaires. La COBAC et la BCEAO ont commencé à réfléchir à des cadres adaptés, mais la gouvernance de ces outils reste largement à inventer.

Malgré ces incertitudes, l’intelligence artificielle appliquée au crédit constitue une opportunité unique pour l’Afrique francophone. Elle peut transformer le paysage bancaire en donnant aux PME, qui représentent plus de 80 % du tissu économique, un accès élargi à des financements adaptés. Elle peut aussi offrir aux ménages une alternative crédible aux prêts usuriers qui prolifèrent dans les zones urbaines et rurales.

L’avenir du crédit en Afrique francophone se jouera ainsi à la croisée de trois dynamiques : l’innovation technologique portée par les fintechs, l’adaptation stratégique des banques traditionnelles et la réactivité des régulateurs. Si ces forces parviennent à converger, l’IA pourrait devenir bien plus qu’un outil d’efficacité. Elle incarnerait une véritable promesse d’inclusion financière et de développement économique.

Patrick Tchounjo

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