Marchés & Financements

Mali : IFC injecte 52,5 Mds FCFA dans Orange pour accélérer la connectivité et l’inclusion numérique

L’accès à un internet rapide et abordable au Mali vient de changer d’échelle. La Société financière internationale (IFC), bras privé du Groupe Banque mondiale, a approuvé un financement de 80 millions d’euros, soit environ 52,5 milliards de FCFA, pour soutenir Orange Mali dans la modernisation et l’extension de ses infrastructures numériques.

L’opération, structurée comme un prêt social, doit permettre l’installation de 300 nouvelles antennes 4G et l’extension du réseau de fibre optique, avec un impact direct attendu sur près de 300 000 foyers et petites entreprises, en particulier dans les zones rurales. Pour le secteur financier, ce montage illustre la montée en puissance des télécoms comme actif stratégique pour la finance du développement et pour les banques régionales.

Un montage IFC–BOAD en monnaie locale, rare en UEMOA

Le package de 80 millions d’euros repose sur une architecture financière hybride. IFC apporte 50 millions d’euros depuis son propre bilan, sous forme de financement équivalent en francs CFA, tandis que jusqu’à 30 millions d’euros sont mobilisés auprès de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD).

L’ensemble bénéficie du soutien du Guichet du secteur privé de l’Association internationale de développement (IDA), qui permet de proposer des maturités longues en monnaie locale, un instrument encore rare sur les marchés d’Afrique de l’Ouest. Pour les banques commerciales et les investisseurs institutionnels de l’UEMOA, ce type de structure envoie un signal important : il devient possible de combiner financement en devise, couverture en monnaie locale et objectif d’impact social, tout en maîtrisant le risque de change.

L’opération est également le premier investissement concret issu d’un partenariat signé en mai 2025 entre IFC et Orange Middle East & Africa, qui vise à déployer des infrastructures numériques durables dans huit pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre. Le Mali sert ainsi de marché test pour une série de transactions potentielles à venir dans la région.

Connectivité, services financiers et inclusion numérique

Au-delà de la seule capacité réseau, l’investissement cible la réduction de la fracture numérique et le développement des services financiers digitaux. Une moitié des 300 nouvelles antennes 4G sera installée en zones rurales, où l’accès à un internet fiable reste limité.

En améliorant la couverture haut débit, le projet doit faciliter l’accès à l’éducation en ligne, au commerce digital et aux services financiers mobiles, au cœur des stratégies d’inclusion financière en Afrique. L’initiative s’aligne sur la stratégie nationale Mali Digital 2020 et sur l’agenda « Économie numérique pour l’Afrique » du Groupe Banque mondiale, qui positionnent le numérique comme levier de création d’emplois et de résilience économique.

Pour les banques maliennes et régionales, un réseau plus dense et plus fiable crée un environnement plus favorable au mobile money, à la distribution de produits financiers via des canaux digitaux et au développement de partenariats avec les opérateurs télécoms pour toucher des clientèles rurales ou informelles.

Femmes, climat : des critères d’impact intégrés au financement

Le prêt social intègre des engagements précis en matière sociale et environnementale. Orange Mali s’engage à ce que 70 % des bénéficiaires de ses programmes de formation numérique soient des femmes d’ici 2032, faisant du projet un outil explicite de réduction de l’écart de genre dans l’accès aux technologies.

En parallèle, l’opérateur prévoit de remplacer progressivement ses groupes électrogènes diesel par des solutions solaires sur ses sites, avec à la clé une réduction de plus de 8 000 tonnes de CO₂ par an. Pour les bailleurs, cette double dimension – genre et climat – renforce la logique d’investissement à impact, désormais centrale dans la structuration des opérations en infrastructures numériques.

BOAD : le numérique comme actif régional stratégique

Pour la BOAD, ce financement s’inscrit dans une trajectoire où le numérique et l’intégration régionale sont devenus des axes majeurs de son plan stratégique. L’institution positionne ce prêt comme un investissement direct dans la résilience socio-économique du Mali et dans la prospérité future de l’ensemble de la zone UEMOA, en connectant des communautés rurales et en autonomisant les femmes via le digital.

Sur le plan bancaire, cette opération illustre la manière dont une banque de développement régionale peut co-investir avec une institution multilatérale comme IFC, tout en mobilisant des ressources à long terme et en partageant le risque sur des actifs d’infrastructure. Elle ouvre aussi des perspectives de refinancement et de marchés de capitaux à moyen terme, via de potentielles obligations thématiques ou des structures de type titrisation adossées aux flux générés par ces réseaux.

Orange Mali, un actif central de l’économie numérique malienne

Avec plus de 12 millions d’abonnés, Orange Mali reste le principal opérateur télécom du pays. L’injection de 80 millions d’euros vient consolider sa position de pilier de l’économie numérique malienne, tout en renforçant la robustesse de ses infrastructures dans un contexte sahélien marqué par des défis sécuritaires et logistiques.

Pour les investisseurs, le message est double. D’une part, le marché malien des télécoms demeure suffisamment attractif pour justifier des engagements importants de la part d’acteurs globaux. D’autre part, l’adossement à des institutions comme IFC, BOAD et l’IDA réduit le risque perçu et facilite l’entrée de capitaux privés sur des projets considérés jusqu’ici comme trop risqués ou trop complexes à structurer.

À terme, le succès de ce financement se mesurera à la capacité du projet à améliorer réellement la qualité de service, à élargir l’accès au haut débit, à soutenir le déploiement des services financiers numériques et à démontrer que le crédit structuré pour les télécoms peut devenir, pour l’Afrique francophone, une classe d’actifs à part entière, au croisement de la finance, de l’inclusion et du climat.

Patrick Tchounjo

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