Marchés & Financements

Togo : 150 millions de dollars de la Banque mondiale pour libérer l’investissement privé

Le Togo amorce une nouvelle séquence de transformation économique avec l’appui de la Banque mondiale. L’institution a approuvé une enveloppe de 150 millions de dollars, soit environ 84 milliards FCFA, destinée à soutenir un programme de réformes structurelles visant à stimuler l’investissement privé, créer des emplois de meilleure qualité et renforcer la résilience de la croissance. Cette opération constitue la première phase d’un programme programmatique étalé sur trois ans, conçu pour améliorer durablement l’attractivité de l’économie togolaise.

L’architecture du programme traduit une volonté claire : lever les blocages structurels qui freinent l’initiative privée et repositionner le pays comme une destination plus compétitive pour les capitaux nationaux et étrangers. Le financement ne vise pas seulement à injecter des ressources, mais à accompagner des réformes jugées décisives pour changer le fonctionnement des marchés et des institutions.

Agriculture, infrastructures et compétences au cœur des réformes

Dans le secteur agricole, le programme met l’accent sur la sécurisation du foncier et l’amélioration de l’accès au financement des petits exploitants. L’objectif est de réduire l’incertitude foncière, souvent citée comme un frein majeur à l’investissement rural, tout en augmentant la productivité et la compétitivité des filières agricoles. À terme, cette approche doit favoriser une agriculture plus structurée, capable de mieux s’insérer dans les chaînes de valeur locales et régionales.

Les infrastructures constituent un autre pilier central du dispositif. Les réformes ciblent prioritairement l’énergie, le numérique et la logistique, trois secteurs dont les coûts et les dysfonctionnements pèsent directement sur la performance des entreprises. L’amélioration de l’accès à l’électricité, le développement des services numériques et la fluidification des chaînes logistiques sont présentés comme des leviers indispensables pour réduire les coûts de production et améliorer la compétitivité globale de l’économie.

Le programme accorde également une place importante au capital humain, avec des mesures destinées à renforcer les compétences professionnelles et à améliorer la passerelle entre l’enseignement général et la formation technique. Cette orientation vise à réduire le décalage entre l’offre de formation et les besoins réels du marché du travail, un enjeu clé pour l’emploi des jeunes.

Un pari assumé sur l’effet de levier du secteur privé

Le volet dédié au secteur privé est particulièrement ambitieux. Les projections associées au programme estiment que sa mise en œuvre complète pourrait permettre d’attirer jusqu’à 800 millions de dollars supplémentaires d’investissements privés et d’améliorer les conditions d’emploi de près de 73 000 personnes sur un horizon de cinq ans. Les flux d’investissements attendus devraient se concentrer notamment sur les énergies renouvelables et sur des secteurs jugés stratégiques pour la diversification de l’économie togolaise.

L’approche retenue repose sur un principe de levier : l’amélioration du cadre réglementaire, institutionnel et infrastructurel doit réduire les risques perçus par les investisseurs et déclencher un afflux de capitaux privés bien supérieur au montant du financement initial.

Des mesures concrètes pour améliorer le climat des affaires

Parmi les premières actions prévues figurent la création d’une Agence nationale du domaine et du foncier, destinée à accélérer la délivrance des documents fonciers et à renforcer la sécurité juridique des transactions. Cette réforme est considérée comme un préalable à l’investissement, aussi bien dans l’agriculture que dans l’immobilier et l’industrie.

Le programme prévoit également une révision des statuts de la compagnie nationale d’électricité, afin d’améliorer sa gouvernance et sa performance opérationnelle. Dans le numérique, l’instauration d’un plafond sur les prix de gros du haut débit vise à accroître la concurrence, améliorer l’accès aux services et stimuler l’innovation.

La protection juridique des investissements étrangers et la mobilité accrue entre enseignement général et formation professionnelle complètent ce paquet de réformes, avec l’objectif de moderniser l’environnement économique et de le rendre plus prévisible pour les acteurs privés.

Une trajectoire à confirmer sur la durée

Si l’annonce des 150 millions de dollars marque un signal fort, l’enjeu se situe désormais dans l’exécution et la cohérence des réformes sur la durée du programme. L’impact réel dépendra de la capacité des institutions à mettre en œuvre les changements annoncés, à coordonner les différents chantiers et à maintenir le cap sur les priorités structurelles.

Pour le Togo, ce programme représente une opportunité stratégique : transformer un appui financier en catalyseur de réformes, attirer des investissements privés à grande échelle et poser les bases d’une croissance plus inclusive. La réussite de cette séquence sera mesurée non seulement en montants mobilisés, mais surtout en emplois créés, en entreprises renforcées et en amélioration tangible du climat des affaires.

Patrick Tchounjo

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