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Tony Elumelu : le banquier nigérian à la conquête de l’Afrique francophone

Tony Elumelu, président du groupe bancaire panafricain United Bank for Africa (UBA), s’affirme comme l’un des principaux artisans de l’expansion bancaire en Afrique francophone. Sous son impulsion, UBA – souvent qualifiée de « banque globale africaine » – a étendu son réseau dans plusieurs pays francophones, affichant des performances en forte hausse et transformant le paysage bancaire régional. Cet article fait le point sur le rôle de Tony Elumelu dans cette croissance stratégique axée sur l’Afrique francophone, en se concentrant exclusivement sur ses activités bancaires : expansion du réseau, initiatives financières locales, résultats économiques et impact sur les marchés concernés.

Une expansion panafricaine tournée vers l’Afrique francophone

UBA était à l’origine une banque nigériane, mais Tony Elumelu lui a insufflé une ambition résolument panafricaine dès le milieu des années 2000. Entre 2005 et 2009, le groupe s’est implanté dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest et centrale francophones, ouvrant des filiales notamment au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Gabon, en Guinée et au Mali. La banque a poursuivi sur cette lancée en s’installant ensuite au Sénégal et dans d’autres marchés de la zone UEMOA et CEMAC. « L’Afrique francophone a toujours occupé une place centrale dans la stratégie d’expansion de UBA », souligne une analyse du secteur.

Fort de cette vision à long terme, UBA dispose aujourd’hui de 131 agences dans la zone CFA, soit environ 17,6 % de son réseau africain. Cette présence, encore modeste en nombre d’agences, s’est muée en un pôle de rentabilité majeur, au point de dépasser certaines régions historiquement plus proches du Nigeria.

Tony Elumelu, en tant que président du conseil d’administration, a joué un rôle clé dans cette expansion. Son credo d’« Africapitalisme » – prônant l’investissement africain pour le développement du continent – se traduit dans la stratégie de UBA par une volonté d’être présent sur l’ensemble du continent. « Notre ambition est d’être dans chaque pays africain. Nous ne pouvons pas nous arrêter à 20 pays : pour y parvenir, nous ouvrons l’actionnariat d’UBA à tous les Africains », a déclaré Tony Elumelu en 2024.

Des performances en forte hausse dans la zone CFA

L’offensive de UBA en Afrique francophone porte clairement ses fruits. En 2024, les filiales du groupe dans la zone CFA (UEMOA et CEMAC) ont enregistré une hausse spectaculaire de 166 % de leurs bénéfices, contribuant désormais à un tiers du résultat net global de UBA. Cette progression remarquable a soutenu les résultats du groupe, dont le bénéfice net total a atteint 766,6 milliards de nairas (environ 500 millions USD), en hausse de 26 % sur un an.

Quelques chiffres clés :

  • +166 % : hausse des bénéfices des filiales UBA en zone CFA en 2024
  • 34 % : part du bénéfice net du groupe issue de ces filiales (contre 16 % en 2023)
  • 131 : agences UBA en Afrique francophone sur un total de 746 agences

La filiale camerounaise s’est illustrée comme la plus profitable en 2024, avec un bénéfice net d’environ 64,4 milliards de nairas (42 millions USD), devant UBA Côte d’Ivoire (≈36 millions USD) et UBA Burkina Faso (≈25 millions USD). D’autres filiales comme le Sénégal, le Mali et le Congo-Brazzaville ont également affiché des progressions notables.

Il convient toutefois de noter que la dépréciation du naira nigérian face au franc CFA a mécaniquement amplifié la valeur des résultats francophones exprimés en nairas. Convertis en dollars, les bénéfices ont progressé de 56 % – une croissance néanmoins solide.

Innovation bancaire et stratégie locale

Tony Elumelu a veillé à adapter l’offre bancaire de UBA aux spécificités des marchés francophones. Le groupe a mis l’accent sur la digitalisation, avec plus de 70 % des transactions désormais réalisées via des canaux numériques. L’assistant virtuel « Leo », disponible en français sur WhatsApp, permet aux clients d’accéder à leurs services bancaires depuis leur téléphone. Cette stratégie numérique s’accompagne d’une forte politique d’inclusion financière.

Au Cameroun, UBA est passée de 1 à 21 agences en 17 ans, couvrant huit régions. La banque y a lancé des cartes prépayées innovantes, primées pour leur accessibilité, et renforcé la formation de ses équipes locales. Des distinctions comme « Banque de l’année » à plusieurs reprises témoignent de l’impact de cette stratégie.

Cependant, cette croissance a entraîné une hausse des coûts : en 2024, les opérations hors Nigeria représentaient 45 % des dépenses du groupe. Les pertes sur prêts, notamment en Côte d’Ivoire et au Cameroun, ont atteint 36 millions USD. La pression fiscale est aussi plus forte dans certains pays francophones, mais UBA parvient à maintenir ses marges grâce à une gestion prudente et à une diversification maîtrisée.

Une présence stratégique aux retombées multiples

L’implantation de UBA dans l’espace francophone est aujourd’hui un levier stratégique pour le groupe. Elle permet de mieux répartir les risques, de soutenir l’intégration régionale et de proposer une alternative panafricaine aux banques traditionnelles. UBA se positionne aussi comme partenaire de la ZLECAf en connectant les marchés ouest-africains et centraux grâce à son réseau intégré.

L’internationalisation du groupe se poursuit : après avoir obtenu une licence bancaire aux États-Unis, UBA prépare son entrée sur le marché français. « Le président Emmanuel Macron m’a dit : ‘Je veux que vous ouvriez !’ », confiait Tony Elumelu récemment. Cette future filiale vise à renforcer les flux financiers entre la diaspora africaine en Europe et les économies francophones du continent.

Un pari gagnant sur l’avenir bancaire africain

En se positionnant résolument sur l’Afrique francophone, Tony Elumelu a démontré que ces marchés, longtemps sous-estimés, recèlent un formidable potentiel. UBA, portée par sa vision panafricaine, a consolidé ses acquis dans la région et continue de croître, en misant sur l’innovation, la proximité et la confiance. Une stratégie qui, à l’heure de l’intégration continentale, place le groupe comme l’un des champions bancaires du XXIe siècle en Afrique.

Mérimé Wilson

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