Finance durable en Afrique de l’Ouest : les ambitions stratégiques de l’Autorité des marchés financiers de l’UMOA (AMF-UMOA) à l’aune du WASFIF 2025

L’édition 2025 du West Africa Sustainable Finance & Investment Forum (WASFIF 2025), organisée les 30 et 31 octobre à Dakar par l’AMF-UMOA, marque une étape importante dans la structuration de la finance durable en Afrique de l’Ouest. À cette occasion, Mahamadi Balima, responsable de la finance durable de l’institution, a exposé une vision claire et des priorités ambitieuses pour inscrire durablement le marché financier régional dans la transition écologique, sociale et économique.
Une vision structurée pour la finance durable
Pour Mahamadi Balima, la finance durable n’est pas un simple concept émergent mais un levier stratégique de transformation économique. Elle doit permettre une allocation efficiente des capitaux vers des projets à impact positif, dans une région où les besoins en matière d’infrastructures, d’adaptation climatique et de développement social demeurent considérables. Cette vision repose sur la construction d’un cadre réglementaire robuste et sur la création d’un écosystème financier capable de soutenir une croissance plus résiliente et inclusive.
La mission de l’AMF-UMOA – réguler le marché financier régional, protéger l’épargne investie et promouvoir l’intégration économique – trouve dans la finance durable un prolongement naturel. En catalysant les synergies entre États, investisseurs et entreprises, l’institution entend positionner la finance durable comme un pilier de l’intégration économique régionale. Le forum WASFIF 2025 illustre cette dynamique de convergence entre acteurs publics et privés autour d’un agenda commun : bâtir une économie ouest-africaine sobre en carbone et socialement responsable.
Priorités opérationnelles : taxonomie, obligations GSS et capacités des acteurs
Les priorités de l’AMF-UMOA s’articulent autour de trois axes majeurs.
La mise en place d’une taxonomie régionale des projets verts, sociaux et durables (GSS) constitue le premier pilier. Elle définit les catégories de projets éligibles à un financement durable et sert de référence commune pour l’ensemble des acteurs du marché. Cette taxonomie s’appuie sur les contributions déterminées au niveau national (CDN) des huit États membres et couvre des domaines comme les énergies renouvelables, le transport propre, l’économie circulaire, le logement abordable et l’inclusion sociale. Mahamadi Balima insiste sur le rôle central de cet outil, conçu pour orienter les flux de capitaux vers des investissements durables et renforcer la résilience économique régionale.
Le développement du marché des obligations vertes, sociales et durables constitue le deuxième axe. L’objectif est de faciliter la mobilisation de capitaux, aussi bien locaux qu’internationaux, au profit de projets à fort impact environnemental et social. Ces instruments financiers innovants doivent permettre aux États, collectivités et entreprises d’accéder à de nouvelles sources de financement tout en contribuant aux objectifs de durabilité. Le WASFIF 2025 se veut à cet égard une plateforme d’intermédiation entre porteurs de projets et investisseurs responsables.
Le renforcement des capacités et l’harmonisation réglementaire représentent enfin le troisième pilier. L’AMF-UMOA entend accompagner les acteurs du marché dans la compréhension des critères ESG, la structuration de projets bancables et la production de rapports extra-financiers fiables. L’harmonisation des normes entre États membres est également au cœur de la démarche afin d’éviter la fragmentation réglementaire et de renforcer la confiance des investisseurs.
Enjeux et défis pour la zone UMOA
Malgré les avancées notables, les défis demeurent considérables. La participation encore limitée du secteur privé, le déficit de projets bien structurés et les contraintes liées au reporting extra-financier freinent la pleine expansion de la finance durable dans la région. Les économies ouest-africaines restent par ailleurs fortement exposées aux aléas climatiques, ce qui renforce l’urgence d’un financement plus responsable et résilient.
Dans ce contexte, la finance durable apparaît comme une réponse stratégique aux trois grands défis du moment : la transition écologique, l’inclusion économique et la mobilisation du capital privé. L’approche prônée par l’AMF-UMOA vise à transformer les engagements politiques en mécanismes concrets, capables de produire un impact mesurable sur la croissance et la cohésion sociale.
Perspectives et recommandations
Le succès de cette ambition repose sur trois leviers clés : un cadre réglementaire crédible, des projets de qualité et une mobilisation accrue des acteurs. Les États membres et les entreprises doivent anticiper les exigences de la taxonomie, intégrer les critères ESG dans leurs modèles de gouvernance et renforcer leur attractivité auprès des investisseurs d’impact.
Pour l’AMF-UMOA, la feuille de route est claire : faire de la zone UEMOA un marché de référence pour la finance durable, promouvoir une intégration régionale par la finance, et contribuer à la réalisation des Objectifs de développement durable. Selon Mahamadi Balima, « la finance durable doit être intégrée dans l’ADN du marché financier régional ». Cette orientation traduit une conviction forte : la durabilité n’est pas un coût, mais un investissement stratégique pour l’avenir économique de l’Afrique de l’Ouest.
Patrick Tchounjo



