Marchés & Financements

La Banque islamique de développement débloque plus de 24 milliards FCFA pour l’irrigation et de la chaîne de valeur agricole au Cameroun

Le Cameroun s’apprête à bénéficier d’un nouveau financement extérieur ciblé sur un enjeu devenu stratégique : produire plus, mieux, et malgré les chocs climatiques. Le 13 décembre 2025, le Conseil d’administration de la Banque islamique de développement (BID/IsDB) a approuvé un paquet de 14 opérations totalisant environ 1,365 milliard de dollars pour 12 pays membres. Dans ce portefeuille, le Cameroun obtient 36,66 millions d’euros pour le Projet de développement durable de l’irrigation et de la chaîne de valeur agricole, soit un peu plus de 24 milliards FCFA au taux de change de référence de l’euro.

L’institution précise que ce projet doit soutenir une irrigation résiliente au climat, améliorer l’accès à de meilleurs intrants et renforcer une infrastructure rurale jugée déterminante pour la productivité et la mise en marché.

Une enveloppe modeste à l’échelle des besoins, mais très “structurante” si elle est bien exécutée

Sur le plan macro, 24 milliards FCFA ne transforment pas à eux seuls la carte agricole du Cameroun. Mais l’intérêt du financement est ailleurs : il touche à la productivité de base (eau, intrants, desserte rurale), là où se forment les écarts entre agriculture de subsistance et agriculture compétitive.

Dans un pays où les rendements restent très sensibles à la pluviométrie et à l’état des pistes rurales, l’irrigation “résiliente” est une réponse directe à la double contrainte qui pèse sur les filières : variabilité climatique et pertes post-récolte. À court terme, l’impact attendu se lit en volumes, en régularité d’approvisionnement et en stabilisation des revenus. À moyen terme, il se mesure surtout dans la capacité à sécuriser des chaînes de valeur capables d’alimenter l’agro-industrie et les marchés urbains sans rupture.

Chaînes de valeur : l’enjeu n’est pas seulement de produire, mais d’acheminer et de transformer

La BID relie explicitement son appui à l’amélioration des conditions de production et d’accès au marché, en ciblant la montée en productivité et la modernisation rurale.
Dans la logique des bailleurs, “chaîne de valeur” signifie généralement une approche intégrée : intrants, eau, encadrement, collecte, stockage, logistique, parfois premiers niveaux de transformation. C’est souvent là que se joue la compétitivité réelle : une hausse de production n’a d’effet économique durable que si les circuits d’écoulement et la transformation suivent.

Les filières évoquées dans votre note (palmier à huile, ananas, bananier plantain) illustrent ce point : elles combinent un potentiel de marché élevé et des goulots d’étranglement connus, notamment la structuration des bassins de production, la logistique, et l’accès à des équipements adaptés.

Le financement s’inscrit dans un partenariat déjà dense avec Yaoundé

Ce nouveau projet intervient dans un contexte où la BID revendique côté camerounais une présence déjà importante. Les autorités en charge de la planification indiquent un portefeuille actif de 14 projets représentant environ 427,63 milliards FCFA, avec un renforcement récent via un projet d’appui à l’éducation de base financé en cofinancement.

L’addition de ces opérations raconte une stratégie : la BID se positionne comme un partenaire de financement multi-secteurs, tandis que le Cameroun cherche à empiler des projets à impact, mais surtout à améliorer leur taux d’exécution, variable qui fait souvent la différence entre un financement annoncé et un changement visible sur le terrain.

Le vrai test : gouvernance du projet, ciblage géographique et maintenance des infrastructures

Sur l’irrigation, l’efficacité ne dépend pas seulement des montants. Elle dépend de trois conditions très concrètes :

  • la qualité du ciblage (périmètres réellement productifs, usages de l’eau, sécurisation foncière) ;
  • la gestion des infrastructures (comités, règles, maintenance, redevances) ;
  • la capacité à connecter l’irrigation à des débouchés (collecte, pistes, stockage, transformation).

C’est sur ces points que se joue l’effet de levier : un projet d’irrigation bien gouverné transforme la saisonnalité en continuité, et la continuité en investissement privé.

Une séquence à surveiller en 2026 : passage du financement à l’impact

La BID a fixé le cadre : le Cameroun fait partie des bénéficiaires d’un paquet 2025 orienté résilience et services essentiels, avec une ligne dédiée à l’irrigation et aux chaînes de valeur agricoles.
La prochaine étape est déterminante : conversion de l’approbation en démarrage opérationnel, puis en réalisations tangibles dans les bassins ciblés.

Si l’exécution suit, ce financement peut jouer un rôle d’accélérateur : sécuriser l’eau, relever la productivité, stabiliser l’offre et améliorer la valeur captée localement. Si elle ralentit, il restera un projet de plus dans un portefeuille déjà dense sans transformation à la hauteur des attentes.

Patrick Tchounjo

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