BVMAC : BGFI Holding ouvre son capital à 65 millions de Africains pour lever 125 milliards FCFA

La Banque des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) s’apprête à vivre l’une des opérations les plus emblématiques de son histoire. En ouvrant 10 % de son capital au public, BGFI Holding Corporation, maison mère du groupe bancaire BGFIBank, vise à mobiliser jusqu’à 125 milliards FCFA de capitaux neufs et à inviter, symboliquement, les 65 millions de citoyens de la CEMAC à devenir copropriétaires du premier groupe financier de la région.
L’opération, validée par le régulateur régional COSUMAF, marque un tournant pour un marché financier longtemps jugé peu profond et peu liquide, mais désormais au cœur des ambitions de réforme de la CEMAC.
Une IPO régionale taillée pour lever 125 milliards FCFA
Selon la documentation approuvée par la COSUMAF, l’introduction en Bourse de BGFI Holding repose sur une offre portant sur 1 573 536 actions, représentant 10 % du capital, au prix unitaire de 80 000 FCFA.
Le montant global visé est estimé à environ 125–126 milliards FCFA pour l’offre principale, auxquels s’ajoute une augmentation de capital d’environ 15,7 milliards FCFA, portant l’enveloppe totale potentielle à plus de 140 milliards FCFA dans le scénario maximal.
Pour BGFI Holding, l’objectif est double : renforcer ses fonds propres afin de financer une nouvelle phase d’expansion et répondre aux exigences de gouvernance et de transparence d’un groupe désormais présent dans une douzaine de pays en Afrique et en Europe.
65 millions de citoyens potentiellement actionnaires
Le symbole est fort : en choisissant la BVMAC plutôt qu’une place financière internationale, BGFI Holding assume un ancrage régional et revendique une logique de « finance par et pour l’Afrique centrale ». Le prix de 80 000 FCFA par action, avec un minimum de dix actions, a été calibré pour cible prioritairement les épargnants à revenu intermédiaire ainsi que les investisseurs institutionnels locaux.
Les promoteurs de l’opération insistent sur le caractère inclusif de l’offre : théoriquement, les 65 millions de ressortissants de la CEMAC sont invités à devenir coactionnaires du groupe, une première de cette ampleur pour une institution bancaire régionale.
En pratique, la capacité de souscription des ménages restera limitée par le niveau de revenu moyen et la faible culture boursière. Mais l’enjeu est aussi pédagogique : familiariser le grand public avec les mécanismes de marché, diversifier les supports d’épargne au-delà de l’immobilier et des dépôts bancaires, et crédibiliser l’idée que des groupes financiers africains peuvent ouvrir largement leur capital sans perdre le contrôle stratégique.
Un test grandeur nature pour la BVMAC
Pour la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale, l’arrivée de BGFI Holding sur le compartiment actions est une opération structurante. L’introduction doit faire passer le flottant total de la place de 66,9 milliards FCFA à près de 193 milliards FCFA, selon les estimations relayées par les acteurs du marché, soit près d’un triplement de la capitalisation flottante.
Cette IPO intervient après des années de critiques sur la sous-utilisation de la BVMAC, sur fond de fusion difficile des deux anciennes places de Douala et Libreville, de rareté des nouvelles cotations et de volumes d’échanges très faibles.
En validant l’opération et en accompagnant son déploiement, la COSUMAF cherche à démontrer que le marché financier régional peut jouer un rôle d’amortisseur et de catalyseur dans le financement de groupes bancaires systémiques, et non plus seulement servir d’outil marginal de refinancement.
L’introduction de BGFI Holding sera aussi un test de l’appétit des investisseurs pour une valeur bancaire africaine de qualité « investment grade régionale », proposée à l’un des prix par action les plus élevés jamais affichés sur la BVMAC.
Transparence, gouvernance et nouveau cycle stratégique
BGFI Holding ne cache pas la dimension stratégique de cette ouverture du capital. Lors de son assemblée générale extraordinaire de juin 2025, le groupe a adopté un nouveau schéma de gouvernance dissociant les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général, conformément aux standards internationaux appliqués aux sociétés cotées.
L’introduction en Bourse est pensée comme la pièce maîtresse de la fin du projet d’entreprise « Dynamique 2025 » et le point de départ d’un nouveau cycle stratégique. Les ressources levées doivent permettre de financer la digitalisation des services, l’expansion dans de nouveaux marchés, ainsi que le renforcement des ratios de solvabilité à un moment où les exigences prudentielles se durcissent pour les groupes bancaires africains.
En s’astreignant aux obligations de transparence trimestrielle, à la communication financière normée et au regard permanent des régulateurs et des investisseurs, BGFI Holding cherche aussi à tourner la page d’un passé parfois marqué par des controverses et à se repositionner comme champion régional aligné sur les bonnes pratiques de place.
Une opération emblématique pour la finance bancaire en Afrique centrale
Cette IPO n’est pas qu’un événement de marché ; elle est un signal macro-financier. Dans une CEMAC encore marquée par une faible intermédiation boursière, le succès ou l’échec de l’offre BGFI pèsera sur la capacité de la BVMAC à attirer d’autres grands émetteurs – banques, groupes d’assurance, opérateurs de télécoms ou champions agro-industriels.
Pour les autorités régionales, l’enjeu est clair : faire émerger un véritable marché des capitaux bancaires capable de compléter le rôle des banques centrales et des marchés de titres publics, dans des économies en quête de financements de long terme pour soutenir la croissance et la diversification.
Pour BGFI Holding, la barre est haute : il faudra convaincre à la fois les investisseurs institutionnels – fonds de pension, compagnies d’assurance, banques – et une nouvelle génération d’épargnants africains qui commencent à se tourner vers les marchés financiers. Si l’opération permet effectivement de mobiliser autour de 125 milliards FCFA de capitaux neufs et d’élargir significativement la base actionnariale, elle pourrait devenir un précédent structurant pour la bancarisation et la démocratisation de l’investissement en Afrique centrale.
Patrick Tchounjo



