Marchés & Financements

FEDA injecte 75 millions USD dans Spiro : la BEAC et Afreximbank en phase pour propulser la révolution de la mobilité électrique en Afrique

Le Fonds pour le développement des exportations en Afrique (FEDA), bras d’investissement à impact de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), a annoncé un investissement stratégique de 75 millions USD (42,54 milliards FCFA) dans Spiro, le plus grand assembleur et opérateur de motos électriques du continent. L’opération, dévoilée cette semaine, symbolise un tournant majeur dans la stratégie industrielle africaine et dans l’engagement des institutions financières du continent à bâtir une économie bas-carbone et intégrée.

Un signal fort pour la transformation industrielle africaine

Fondée en 2022, Spiro s’est rapidement imposée comme un modèle de réussite dans la mobilité durable. Avec plus de 60 000 motos électriques en circulation, 1 200 stations d’échange de batteries et un réseau couvrant six pays, l’entreprise déploie le plus vaste système d’échange de batteries d’Afrique. Son modèle circulaire, fondé sur le remplacement instantané des batteries, réduit les coûts d’exploitation, élimine les contraintes d’autonomie et favorise une adoption massive des véhicules électriques.

Le FEDA, en injectant ces 75 millions USD, s’inscrit dans la volonté d’Afreximbank de stimuler la production locale et de renforcer les chaînes de valeur industrielles africaines. L’investissement vise à accélérer la construction d’usines d’assemblage et de production de batteries, tout en soutenant la création d’emplois qualifiés et le transfert de technologies.

Ce financement arrive dans un contexte porteur : plusieurs pays africains, dont le Kenya, le Rwanda, le Nigeria et l’Ouganda, ont adopté des politiques fiscales incitatives favorisant les véhicules électriques. L’objectif commun est de réduire la dépendance aux importations de véhicules d’occasion, responsables de fortes émissions et d’un déficit structurel de la balance commerciale.

La BEAC, pilier discret de la stabilité financière régionale

Si le financement émane d’une institution panafricaine, la BEAC (Banque des États de l’Afrique Centrale) joue un rôle crucial dans la régulation et la sécurisation de ces flux transfrontaliers. En tant que gardienne de la stabilité monétaire et financière de la CEMAC, elle veille à ce que l’essor de la finance verte s’inscrive dans un cadre macroéconomique maîtrisé et compatible avec les politiques monétaires régionales.

La BEAC accompagne de plus en plus activement la montée en puissance d’une économie verte et numérique en Afrique centrale. Ses réformes récentes en matière de gestion des réserves, de digitalisation du système bancaire et de supervision des investissements durables créent un environnement favorable à ce type de projets d’envergure. Elle participe ainsi, en coordination avec la COSUMAF et la BDEAC, à la mise en place d’un écosystème financier intégré où les capitaux africains peuvent soutenir des entreprises locales innovantes comme Spiro.

Cet investissement du FEDA illustre donc une dynamique où la BEAC et Afreximbank agissent en complémentarité : la première garantit la stabilité du système financier sous-régional, la seconde catalyse les investissements structurants à l’échelle continentale. Ensemble, elles favorisent la création d’une architecture financière panafricaine plus cohérente, notamment dans le cadre de la ZLECAf et du Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS).

Une vision continentale : vers une Afrique connectée et décarbonée

Au-delà du seul secteur des transports, ce partenariat entre le FEDA et Spiro incarne la mutation industrielle du continent. Avec plus de 26 millions d’échanges de batteries et 800 millions de kilomètres parcourus sans émissions de CO₂, Spiro prouve la viabilité économique et environnementale de son modèle. L’entreprise dispose déjà de quatre usines d’assemblage en Ouganda, au Kenya, au Nigeria et au Rwanda, renforçant la logique d’ancrage industriel régional.

Pour Afreximbank, il s’agit de bâtir une souveraineté industrielle africaine fondée sur l’innovation, la valeur ajoutée locale et l’intégration régionale. Le projet Spiro est aussi une réponse pragmatique à la volatilité énergétique mondiale, en réduisant la facture pétrolière et en favorisant la production locale d’électricité propre.

Cette approche s’aligne parfaitement avec les priorités environnementales et économiques de la CEMAC, où la BEAC encourage les États à orienter leurs politiques publiques vers la finance verte, les énergies renouvelables et la mobilité propre.

Un tournant pour la finance durable africaine

L’investissement de 75 millions USD du FEDA dépasse le simple cadre financier : il incarne la réorientation stratégique des flux de capitaux africains vers des secteurs à fort impact, à la croisée de la rentabilité et du développement durable. Il traduit aussi la montée en puissance d’une finance africaine souveraine, capable de rivaliser avec les grands fonds internationaux tout en soutenant les priorités continentales.

Dans cette architecture émergente, la BEAC s’impose comme un maillon essentiel de la crédibilité et de la discipline financière. En intégrant progressivement la finance durable dans ses politiques de régulation et de supervision bancaire, elle contribue à ancrer la transformation écologique du continent dans une logique de stabilité et de performance.

La synergie entre Afreximbank, la BEAC et les marchés régionaux préfigure un futur où l’Afrique ne sera plus un simple consommateur de technologies, mais un acteur central de la production industrielle mondiale, capable de conjuguer innovation, durabilité et souveraineté économique.

Patrick Tchounjo

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