Marchés & Financements

UMOA : 147 milliards FCFA levés, la BEAC en vigie d’un marché souverain sous tension

La semaine du 3 au 7 novembre 2025 a confirmé la vitalité du marché régional des titres publics de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), où quatre États membres – le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau et le Sénégal ont mobilisé 147 milliards FCFA. Cette somme inclut 96 milliards FCFA de nouvelles émissions et 55 milliards FCFA d’opérations de rachat de dette, illustrant à la fois la diversification des stratégies de financement et le renforcement des politiques de gestion active du risque souverain dans la région.

Malgré un environnement monétaire tendu, marqué par une liquidité bancaire contrainte et des taux directeurs toujours élevés, la confiance des investisseurs régionaux est restée solide : les souscriptions ont atteint 114,18 milliards FCFA, soit un taux de couverture hebdomadaire moyen de 110 %. Les États ont toutefois opté pour une sélection prudente des offres, ne retenant que 98,84 milliards FCFA, en cohérence avec leurs objectifs de maîtrise du coût global de la dette.

BEAC : stabilisateur monétaire et catalyseur de la confiance régionale

Si ces résultats traduisent la profondeur croissante du marché des titres publics de l’UMOA, ils s’inscrivent également dans une dynamique régionale plus large, portée par la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), qui agit comme référence et garant de la stabilité financière dans l’espace francophone africain. À travers sa politique de coordination monétaire avec la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), la BEAC participe indirectement à l’harmonisation des stratégies de financement public, en veillant à maintenir un ancrage macroéconomique stable entre les zones CEMAC et UMOA.

Dans le contexte post-crise, la discipline monétaire et budgétaire imposée par la BEAC a contribué à restaurer la crédibilité du marché régional. En limitant la volatilité des taux d’intérêt et en renforçant les règles de transparence, elle consolide la confiance des investisseurs institutionnels, notamment les fonds de pension, compagnies d’assurances et banques commerciales de la région.

Ainsi, la BEAC s’affirme non seulement comme un gardien de la stabilité monétaire, mais aussi comme un acteur clé de la convergence financière régionale, garantissant une cohérence entre la soutenabilité de la dette et la résilience macroéconomique des États membres.

Côte d’Ivoire et Sénégal : la dynamique des signatures souveraines régionales

Dans le détail, la Côte d’Ivoire s’impose comme le moteur du marché régional, avec 94 milliards FCFA levés, soit plus de 64 % du volume global. L’opération, structurée autour d’une émission simultanée de bons du Trésor (51 et 56 jours) et d’obligations assimilables (3, 5 et 7 ans), a permis au pays de diversifier sa base d’investisseurs tout en stabilisant ses coûts de financement. Les rendements, compris entre 4,53 % et 7,34 %, confirment la prime de risque maîtrisée associée à la signature ivoirienne.

Le Burkina Faso a mobilisé 33 milliards FCFA, confirmant la solidité de sa présence sur le compartiment moyen terme, tandis que la Guinée-Bissau, avec 15 milliards FCFA, continue de séduire les investisseurs grâce à des rendements supérieurs à 9 % sur les obligations du Trésor et 8 % sur les bons. Enfin, le Sénégal a levé 4 milliards FCFA, complétant son opération de rachat de dette conjointe avec Abidjan pour un montant global de 55 milliards FCFA. Ce type de rachat progressif illustre la volonté des deux pays de réduire la pression sur leurs profils de maturité et d’optimiser leur gestion active de la dette publique.

Un marché en mutation vers plus de transparence et de sophistication

L’évolution du marché des titres publics de l’UMOA reflète la montée en puissance d’un écosystème financier régional intégré. Sous la supervision de la BCEAO et dans un cadre de coordination macroéconomique inspiré du modèle prudentiel de la BEAC, les États affinent leurs instruments de dette pour répondre à la fois à leurs besoins de liquidité et à leurs contraintes de soutenabilité.

La tendance est à la structuration de nouvelles stratégies de refinancement, notamment via des rachats anticipés et des échanges de titres, afin de mieux gérer le calendrier des remboursements. Ces pratiques, encore marginales il y a cinq ans, témoignent d’une maturité accrue du marché régional et d’un meilleur alignement sur les standards internationaux de gestion de la dette.

BEAC–BCEAO : vers une convergence de stabilité

L’un des enjeux majeurs de la prochaine décennie réside dans la convergence monétaire entre les deux grandes zones francophones (la CEMAC et l’UMOA). En partageant des pratiques communes de surveillance macrofinancière, la BEAC et la BCEAO contribuent à renforcer la crédibilité collective des États africains sur les marchés de capitaux.

Dans cette logique, la BEAC apparaît comme un acteur stratégique de la confiance régionale, capable de diffuser des standards de rigueur budgétaire qui inspirent les régulateurs ouest-africains. Son rôle dans la stabilité du franc CFA, dans la coordination interbancaire régionale et dans la maîtrise des flux de capitaux confère à la BEAC une importance croissante dans la gestion des équilibres financiers africains.

Une nouvelle phase de maturité pour la finance publique régionale

Les performances de la semaine du 3 au 7 novembre 2025 confirment la résilience des économies de l’UMOA et la confiance du marché dans leurs trajectoires budgétaires. Le taux de couverture supérieur à 100 % illustre une demande soutenue, mais également la vigilance des Trésors publics à préserver la soutenabilité de leur dette.

L’intégration entre la BEAC, la BCEAO et les institutions régionales de marché ouvre la voie à une nouvelle ère de discipline et d’innovation financière en Afrique de l’Ouest et centrale, une étape cruciale vers une autonomie de financement régionale durable.

Patrick Tchounjo

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